Quand l’internat durait un an

J’ai démarré tambour battant la préparation de l’internat (l’ancêtre des ECN) en assistant aux conférences dès ma quatrième année de médecine. Ça se passait à la Pitié où un chef de clinique réputé nous faisait plancher. On lui payait cash à chaque session une somme que j’ai oubliée, on rédigeait une question, il nous en présentait une autre, une fois par semaine, ça devait durer 3 ans comme ça, toutes les semaines. Après un raisonnement sophistiqué, j’ai conclu au bout d’un an que puisque je voulais devenir généraliste il valait mieux que je passe du temps en stage pratique – entendez à ne pas bachoter – et qu’au fond c’était une mauvaise idée de passer l’internat.

À l’époque faire médecine ne durait que sept ans. Si on ne passait pas l’internat on effectuait en 7ème année un stage de FFI ou Faisant fonction d’interne. J’étais passé dans plusieurs services au CHI de Poissy, j’avais adoré celui de réanimation chirurgicale dont Jean-Pierre Terville était le chef en même temps que celui du SMUR, antenne locale du SAMU 78. Il a accepté ma demande de faire le FFI chez lui en m’expliquant que passer un an à faire du SMUR et de la réanimation chirurgicale était une excellente manière d’achever une formation pour devenir généraliste. Je le cru.

C’est ainsi que j’ai passé une des plus belles années de ma vie.
Nous étions 4 co-internes, assurant en relais le SMUR 24/365. Les gardes de week-end duraient 48 heures. Nous passions la vie à l’hôpital. nous faisions relativement peu de sorties et les nuits blanches étaient rares. En général nous dormions pas mal – surtout moi qui flippais de ne pas dormir assez et qui allait me coucher dès 22h quand le régulateur me fichait la paix. Rien à voir avec ce que vivent les internes aujourd’hui. Après 6 ans d’études j’étais enchanté d’exercer mon métier. La vie et l’ambiance à l’hôpital étaient captivantes.

En début de stage, quand est venu le moment d’élire un nouvel économe à l’internat, j’ai proposé à mes co-internes de faire une liste commune avec moi. Il y aurait un économe sur place 7 jours sur 7 et la clé de la cave à vin serait toujours là. J’ignorais quasi tout des traditions de salle de garde. L’idée m’amusait. J’avais compris que le but était d’amener un peu de confort / réconfort aux gens qui y mangeaient, on verrait bien comment on s’y prendrait.

L’ambiance de la salle de garde était cool. Il n’y avait aucune règle et ni mes co-économes ni moi n’attendions un quelconque comportement de autres vis à vis de nous. Une fois par mois nous demandions de l’argent aux internes, chefs de cliniques et rares chefs de service qui mangeaient à l’internat (pas aux externes bien sûr). Assis à l’entrée, un grand seau rempli de diverses sauces à fort potentiel salissant à nos pieds, une louche dans la main et la caisse sur les genoux, nous acueillions les convives du jour avec bienveillance, s’ils payaient. Nous ne faisions jamais crédit. L’argent nous permettait d’acheter des boissons à base d’éthanol d’intensité et genres variés et d’organiser des tonus (fête d’internat). J’étais tellement inconscient que j’avais créé un compte joint avec Frédéric, l’économe numéro 2 pourrait-on dire, sans aucun contrôle de qui que ce soit.

Je réalise quand je découvre sur Twitter certaines ambiances d’internat d’aujourd’hui, l’exploitation dont sont victimes nos jeunes confrères, à quel point j’ai été privilégié. Nous entretenions d’excellents rapports avec l’hôpital. Deux « loulous » étaient détachées à la cuisine de l’internat, Madeleine et Geneviève. Elles s’assuraient que le frigo était plein, qu’on puisse se griller un steak en arrivant tard, elle amélioraient la cuisine de l’hopital, nous servaient à table parfois, nous dorlotaient, s’échappaient tout comme moi de l’internat quand un vent de folie gagnait mes collègues et que, on ne sait pourquoi, un déjeuner finissait en projection, transformant la salle à manger en gigantesque poubelle, puis nettoyaient avec nous en se plaignant de ces polissons qui avaient encore fait des bêtises. Madeleine venait aussi le soir, hors contrat. C’était notre Laurette.

Je trouvais la déco immonde. Les murs étaient sales couverts de graffitis et de dessins obscènes. J’ai obtenu sans difficulté que l’hôpital les repeigne, choisi avec soin un abominable rose saumoné puis scotché fermement sur cet écrin tout frais de superbes reproductions de Folon, Magritte ou Schlosser qui passèrent, à cette époque où l’image était rare, comme des oeuvres avant-gardistes (ces affiches provenaient de la boite créée par mes parents dont j’étais à des années lumière d’imaginer tenir un jour les rênes), transformant la salle de garde en une sorte de galerie d’art qui résista un mois ou deux avant d’être dévastée par une nouvelle projection. Heureusement c’est l’économe qui engage les peintres spécialisés pour réaliser les fameuses fresques pornographiques et nous avons pu cette année là échapper à cette tradition idiote.

Folon, Aime moi Lili

Folon, Aime-moi Lili

Nous obtenions assez facilement les choses de l’hôpital, les draps étaient propres (merci les loulous), on mangeait bien, on se sentait chez nous. Pour un tonus « gaulois » j’avais trouvé à acheter un sanglier entier. Il était abattu en fonction de la date à laquelle on venait le chercher. Je l’ai ramené sur une bâche dans mon coffre à la cuisine de l’hôpital où le chef s’est fait un plaisir de le transformer en plat exquis. Pour un autre tonus j’avais acheté un feu d’artifice assez important avec déclenchement électrique. C’est l’électricien de l’hôpital qui a tout installé et m’a fait découvrir par la même occasion les pinces à épissures. Le centre de transfusion sanguine juste à côté possédait une salle de conférence et nous l’a prêtée sans discussion quand j’ai organisé un concert avec Les Blaireaux, groupe de free jazz formé par des potamois et qui fut un bide à la fois musical – le public a trouvé ça mauvais – et financier, le seul public que nous ayons réussi à faire venir étant constitué des internes de garde non occupés et qui bien entendu refusèrent de payer leur place. Quand aux habitants de Poissy sur lesquels je comptais en masse pour pouvoir payer le cachet auquel je m’étais engagé, ils avaient sans doute piscine.

Pour la piscine d’ailleurs ça été un peu plus difficile. Le directeur de l’hôpital ne souhaitais investir ni dans une piscine en dur ni dans quelque chose de plus simple. J’avais beau lui expliquer à quel point il était important que les internes puissent avoir des moyens de détente sains pour mieux travailler, il manquait de clairvoyance. Qu’à cela ne tienne, nous avons écrit à tous les chefs de service sachant qu’ils comprendraient mieux la nécessité vitale d’installer une piscine à côté de l’internat pour le plus grand bien des patients qui bénéficieraient ainsi de soins d’internes détendus et heureux. Puis nous avons débarqué chez eux, dans leurs bureaux, dans leurs services pour argumenter oralement (sans louche et sans seau). La piscine a été installée au début de l’été (1984 je crois) une belle piscine Zodiac avec de gros boudins autour tous remplis d’eau comme. Idéal pour s’étendre et se relaxer. Le jeu le plus prisé a rapidement été de jeter à l’eau les internes tout habillées – oui je sais ce n’est pas politiquement correct – jeu rapidement stoppé suite à une initiative des gens de la biochimie qui retrouvèrent dans l’eau de la piscine les pires germes de l’hôpital. C’était l’été, le cocktail à la mode était le blue lagoon, les guitares chantaient certains soirs, on se réchauffait sur le tard avec un feu de bois, on avait hâte d’être de garde (1).

On bossait quand même, on ne pensait pas qu’à boire. D’ailleurs j’avais des problèmes d’estomac (qui sont finis merci d’avoir posé la question) et je ne buvais que du lait. Le SMIR c’est (c’était) assez simple : le but est de ramener le patient vivant à l’hôpital. Le régulateur se débrouille pour qu’on aille dans le bon hosto avec l’accueil ad hoc selon le problème. Le chauffeur chauffe. Comme en général les gens ne meurent pas en un instant, il suffit d’aller vite (2). On se retrouve projeté dans de multiples situations, parfois assez dramatiques et il faut évaluer, décider et agir vite. C’est formateur mais on n’a pas le temps de tisser des liens avec les patients. Ni l’occasion de les revoir. Peu de choses à voir avec la médecine générale donc.

La fin a été brutale. Tout à coup le stage se termine et les études avec. Après une année si intense sur tant de plans, avec tant de contacts, de travail en équipe, de camaraderie (n’ayons pas peur des poncifs), d’expériences, je me suis retrouvé dans la nature, à démarrer des remplacements à la campagne, seul dans mon cabinet, à faire face à des situations auxquelles je n’étais nullement préparé, sans besoin d’intuber ni perfuser des gens, sans internat, avec le service militaire qui pointait son nez et l’hiver avec. Brrr !

Ce n’est que plusieurs années après que j’ai réalisé que cette année fut celle de mon passage à l’âge adulte. C’est sans doute pourquoi elle reste si vivante dans mon souvenir.

(1) Apparemment il y a toujours une piscine et des fêtes à Poissy mais le climat a bien changé !
(2) Des fois c’est plus compliqué j’avoue

 

Deux ans à toute vapeur !

IMG_0466 Cette histoire commence un matin d’avril 2014. J’exerce alors la noble profession de Directeur de l’innovation produits au sein d’une société dont l’activité ne présente aucun rapport ni de près ni de loin avec la médecine. J’y suis arrivé après une longue aventure comme dirigeant d’entreprise, aventure qui s’est mal terminée, parlons d’autre chose. Ce jour là une goutte d’eau fait déborder un vase qui s’était insidieusement rempli depuis plusieurs mois et, en une heure de temps, continuer à travailler là devient impossible. La difficulté de changer et de trouver un nouveau job, à 56 ans, me semble tout à coupe bien moins grande que celle de rester, de poursuivre. Ce n’est pas réfléchi, c’est un constat.

Toute personne même assez qualifiée ayant cherché un emploi sur le tard en conviendra : il est indispensable de le trouver avant de quitter le précédent, dans la mesure où on a le choix bien sûr. C’est vrai plus jeune aussi. Débute alors l’exploration de ce que je pourrais faire. La revue des offres d’emploi est déprimante. Rien qui me fasse envie, sans même penser à l’intérêt que je pourrais moi-même susciter. Je me sens en dehors de ces histoires. Comme beaucoup d’autres à cet âge je pense à exercer comme consultant. J’ai sans aucun doute une expérience à apporter à des entreprises et je commence, tout en continuant à travailler, à élaborer des scénarios. Ma compagne me dit que je devrais reprendre la médecine – que j’ai abandonnée en 1986 pour travailler dans l’entreprise familiale. Cette idée saugrenue me glisse dessus comme l’eau sur les plumes d’un canard. Je poursuis mes réflexions et commence à se faire jour un positionnement qui me semble assez séduisant : aider les PME à mettre en place un processus d’innovation. Je pense alors avoir suffisamment de connaissances en organisation, en management et en innovation pour devenir un interlocuteur intéressant. Ma compagne, imperturbable, me dit que je devrais reprendre la médecine et bien que saugrenue, je fini par accepter l’idée d’explorer aussi cette piste. Pour me remettre dans le bain je relis Patients si vous saviez qui me procure le même frisson de nostalgie que lors de ma première lecture à sa sortie, d’une traite, dans un train qui m’emmenait vers une nième réunion. Je m’achète également un ou deux bouquins de médecine pour mesurer l’écart qui existe entre mes souvenirs et la réalité, écart qui s’avère vertigineux.

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Je prends RV au conseil départemental de l’ordre des médecins pour connaître leur position par rapport à cette éventualité et l’on m’indique qu’il existerait un cycle destiné à remettre à jour les médecins ayant arrêté d’exercer mais sans me confirmer bien sûr que si jamais je réalisais ce cycle je pourrais alors m’inscrire au conseil de l’ordre, condition indispensable pour exercer la médecine dans ce pays. Ils ne manquent pas de me ressortir au passage qu’en 1986 Je n’avais pas payé ma cotisation. Faites-gaffe ils ont de la mémoire

Ces démarches et réflexions nous amènent courant mai 2014. J’entame alors un parcours un peu chaotique en vue de dégotter ce cycle de requalification – dont mon interlocuteur à l’ordre n’avait qu’une très vague connaissance – et le cas échéant de m’y inscrire. Sans trop y croire mais en me donnant du mal, je fini par déposer un dossier à l’Université de Paris 5 qui est la seule à proposer ce DIU de reconversion à la pratique de la médecine générale en région parisienne (c’est là que j’habite). Je mesurerai l’importance de mon désir de retourner dans cette voie sans m’en être aperçu plus tôt, le jour où, sans commentaire ni autre forme de procès, je recevrai une réponse négative à ma demande d’inscription. Malgré mon insistance je n’arriverai jamais à parler au responsable de ce DIU qui me fera dire par mail et par sa secrétaire de le recontacter dans un an car il compte peut-être mettre en place un cycle de 3 ans qui serait plus adapté à mon cas. Ce qui repousserait vers les 61 ans le début de ma carrière médicale et, bien que plutôt en forme, je trouve cela un peu tardif. Je ne citerai pas de noms.

Je me lance alors dans la recherche d’autres universités dispensant ce DIU et, aussi bien à Nantes qu’à Lyon, à Tours qu’à Rennes je découvre des gens charmants et bien intentionnés qui sont prêts à étudier mon dossier, acceptent de me parler au téléphone. Je revois Christian Lehmann, ancien camarade d’internat, dans son cabinet à Poissy pour qu’il me dise un peu comment ça marche, je commence à potasser.

IMG_0467Mi-juillet, alors que je mange un sandwich à midi au soleil au bord de la Saône – je travaille alors régulièrement dans une imprimerie du groupe qui m’emploie dans le coin et où j’ai installé mon unité de recherche de nouveaux produits – je reçois un mail du Département de Médecine Générale de Rennes : ils acceptent de me prendre dans leur DIU. Instant magique. Coup de fil à ma compagne. Alors c’est bien vrai, c’est possible. Nous n’y croyons pas encore. Mais quand même.

Les vacances d’été en Birmanie seront studieuses et à la rentrée, une fois en main l’autorisation officielle d’inscription au DIU, je négocie mon départ de l’entreprise. Fin octobre 2014 je la quitte pour me plonger entièrement dans la construction de cette nouvelle vie.

Le conseiller de Pôle Emploi trouve mon histoire intéressante et se démène pour que mon dossier avance bien. Courant novembre le principe du financement de ma formation est accepté et je peux m’inscrire officiellement à l’Université. Je commencerai le DIU le 1er décembre, soit 5 semaines après le départ de l’entreprise. Je serai rémunéré par Pôle Emploi pendant toute sa durée. Je ne pouvais pas imaginer mieux.

Le cerf

Je commence alors à m’attaquer à ce qui allait être le problème le plus complexe à résoudre : l’inscription au Conseil de l’Ordre. Le DIU comprend une première partie de stages chez le praticien (équivalents à des stages de niveau 1) puis une seconde partie de stages équivalents à des SASPAS (stage en autonomie avec supervision différée). Pour cette deuxième partie il est nécessaire d’être inscrit à l’Ordre des médecins. Mais pour l’Ordre, il n’est pas question de m’inscrire tant que je n’ai pas validé le diplôme. Les anglais appellent cela un catch 22, moi un merdier.

Je lance sur Twitter – que je commence à fréquenter – et par relations, divers appels qui aboutissent fin décembre 2014 à une lettre recommandée comminatoire du Conseil de l’Ordre de Paris refusant de m’inscrire ainsi que toute discussion supplémentaire.

Pendant ce temps là, j’ai passé quelques journées avec le Dr Bienveillant alias @LehmannDrC – mes premières journées en cabinet médical depuis 1986 – et j’ai démarré mon DIU à Rennes, ville que je découvre, accueillante, vivante, chaleureuse.

J’ai aussi poursuivi ma découverte de Twitter, monté un site personnel sur le modèle fourni par @L_Arnal, découvert le blog de Jean-Claude Grange (@docdu16), dont je ne saluerai jamais assez à quel point il m’a éclairé, celui de @Jaddo où j’ai pris des leçons de médecine générale que je n’aurai pas à la fac et aussi ceux de Sylvain Fèvre (@sylvainASK), @docteurmilie, @farfadoc, @Babeth_AS, ou @qffwffq pour n’en citer que quelques uns. Je me mets à écrire ces Chroniques, un moyen de creuser des sujets qui me tiennent à cœur ou que j’ai du mal à comprendre. Et de rendre la pareille : je suis tellement ébloui par l’apport de ces acteurs des réseaux sociaux que j’en deviens le promoteur, ce qui me conduira, sur la fin de mon cursus, à créer et donner un cours aux IMG de Rennes sur ce sujet avec deux médecins bretons qui ont depuis repris le flambeau.

Outre les stages qui composent la principale partie du DIU, je dois assister à un certain nombre d’heures de cours destinés aux Internes en Médecine Générale (IMG). Étant donné l’immensité de mes lacunes, je m’inscris à la quasi totalité d’entre-eux et me retrouverai ainsi, très régulièrement, au milieu d’une bandes de jeunes qui me regarderont de bout en bout comme un drôle d’oiseau. Et vice-versa. Je profiterai aussi des journées vides entre les cours et les stages pour glander découvrir les alentours de mon futur métier en passant une journée avec une infirmière, dans une pharmacie, chez une orthoptiste, chez un kinésithérapeute, chez une orthophoniste, chez une podologue. Ils sont tellement sympas à Rennes que personne ne refuse de m’accueillir.

klee24La principale difficulté est de trouver des maîtres de stage. A Rennes comme ailleurs, la pénurie de Maîtres de Stages Universitaires (MSU) est grande, la demande plus forte que l’offre. Mes dates se planifient quasi au jour le jour. Pendant les congés de Noël 2014, pour la première fois depuis des temps immémoriaux, mon agenda de l’année suivante est vierge. Tout est à construire. Didier Myhié, Christelle Certain, Alain Couatermanac’h et Bernard Brau me dégageront des jours et des demi-jours en faisant des efforts et m’offrant une formation que je ne suis pas près d’oublier. J’aurai quelques jours moins heureux chez le Dr F de sinistre mémoire.

Début 2015, un ex Président Départemental de l’Ordre des Médecins que j’avais sollicité par relations me donne la clé : si Paris ne veut pas m’inscrire je devrais essayer en province où les règles seront les mêmes mais la discussion plus facile. J’approche du moment où cette inscription va être indispensable pour le bon déroulé du cursus et je contacte l’Ordre des Médecins d’Ille-et-Vilaine. Comme j’ai une adresse en ville pour cette année, ça peut le faire. Là je suis reçu par des gens ouverts, souhaitant que j’y arrive, cherchant la bonne méthode, me posant mille questions. Je passe en commission. L’un des médecins chez qui je suis en stage en fait partie. Je ne suis plus un numéro mais quelqu’un que l’on connaît. Fin avril 2015, un mois avant de commencer mon stage type SASPAS, je reçois la confirmation de mon inscription à l’Ordre comme médecin n’exerçant pas. Une grosse étape est franchie. Reste à trouver des terrains de stage.

Parce qu’à Rennes ça coince. Pas le moindre MSU pour confier sa patientèle, même sous supervision différée, à un débutant de 57 ans. Enfin c’est ce que je me dis, la réalité étant sans doute qu’il n’y a pas de place disponible. Le responsable de la coordination du DMG me propose 18 jours en été chez lui. Cette année il ne peut pas quitter Rennes et il va pouvoir me suivre. Il reconnaît qu’il ne trouve pas d’autre terrain et me dit que je devrais chercher sur Paris parce que si je dois m’y installer autant que je commence à y travailler. Pas con mais je n’ai aucune relation médicale à Paris et 42 jours de stage à dégotter avant la fin de l’année !

Mais j’ai Twitter. Je contacte en direct les twittos avec lesquels je suis en relation et qui me semblent être à Paris ou proche banlieue. Je manque à un cheveu de faire affaire avec @docteurmillie qui me propose des samedi matin. Mais c’est Philippe Grunberg (@PhilippeGrunber) qui m’ouvre la première vraie voie : il me propose les lundi après-midi. Banco je prends. Ça se transformera en lundi entiers avec le matin en observation aux consultations du CSAPA puis à l’automne en plusieurs demi-journées par semaine, un de ses remplaçants habituel étant tombé malade.  S’y ajoutera la découverte d’un type adorable qui aura été mon meilleur maître de stage.

Entre-temps, à la suite d’une simple lettre de ma part produisant la validation de la première partie de mon DIU, L’Ordre des Médecins du 35 fait évoluer mon statut de médecin n’exerçant vers celui de médecin remplaçant ce qui me permet d’enchaîner sans soucis. Je les aime.

Dès le printemps 2015, j’ai commencé à tâter le terrain pour mon installation que je comptais bien réaliser le plus tôt possible en 2016. Ainsi la FEMASIF relaie-t-elle un courrier de ma part auprès des MSP en projet en IDF. J’aurai un seul retour, celui d’Alain Mercier qui ne débouchera pas sur une participation à sa MSP mais me permettra de trouver le nombre de jours de stage qui me manquaient.

En même temps je vois passer un tweet de @docteurgece racontant qu’elle va s’installer en MSP à Paris. Je la contacte et trois mois plus tard en septembre nous arrivons à trouver une date pour boire un café. Son projet est au complet mais elle me recommande de contacter Hector Falcoff, personnage incontournable du paysage médical du 13ème qui travaille à un autre projet. Sa MSP doit ouvrir en avril-mai 2016. Le timing est parfait. Le projet intéressant. Je commence à le regarder. Nous sommes en septembre, je vais finir mon DIU et arriver en fin de droits Pôle emploi fin octobre, j’ai besoin de travailler. Hector m’indique qu’une consœur cherche un remplaçant rue Clisson. Elle travaille désormais à temps partiel et se fait remplacer plusieurs demi-journées par semaine de manière très régulière. Sa remplaçante actuelle doit accoucher et ne souhaite pas revenir ensuite, celle qui doit lui succéder n’est pas disponible avant mi-janvier. Je signe pour deux mois avec démarrage prévu le 16 novembre, le lendemain de ma soutenance de mémoire (ça parle de la prise de décision partagée et je l’ai résumé ici alors je ne vais pas m’étendre) qui clôt le DIU.

Ma vie d’étudiant se termine. Ce fut une bien belle année. Je souhaite à tout le monde d’avoir de si belles occasions.

Peu avant Noël Marion Marçais, ma remplacée, m’apprend que la remplaçante prévue mi-janvier ne va pas venir. Elle s’installe quelque part. Comme entre temps je n’ai pas trouvé ce qui s’appelle la queue d’un remplacement pour la suite (1 jour ici ou là disons) et que je commence à penser que m’installer dans ce cabinet (où il y a une salle de consultation vide) serait une option intéressante, je prends sans hésiter. Nous signons pour 3 mois de plus, jusqu’à mi-avril 2016. Début janvier 2016 nous concluons les termes d’une future collaboration et je renonce au projet de MSP sans aucun regret. J’y avais cru un moment mais la somme de contraintes et les délai du projet s’avéraient bien moins attractifs (sans compter les coûts fixe plus élevés, ne perdons pas le nord). La suite est assez simple : démarches administratives, plans sur la comète, travaux de rafraîchissement, mise en réseau de l’informatique, commande de matériel. Et enfin, cette semaine, deux ans pile après avoir décidé de changer de vie sans savoir encore laquelle j’allais mener, je pose ma plaque. Ravi.

Illustrations : Paul Klee

Laissez-moi vous guider dans Cochrane

L’ambition de Cochrane est grande : To make Cochrane the ‘home of evidence’ to inform health decision making and become the leading advocate for evidence-informed health care. Faire de Cochrane la ‘maison des données probantes’ pour instruire la prise de décision en santé et devenir le principal promoteur des soins basé sur les preuves.

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Perso je me suis toujours un peu emmêlé les pinceaux dans la jungle des sites Cochrane alors comme leur boulot est vraiment intéressant et que j’ai décidé de faire le point pour moi, profitez-en !

Avant de commencer : il existe une présentation francophone officielle réalisée par Cochrane Canada. Pour qui souhaite approfondir le mode de fonctionnement de cette institution. Et un tutoriel beaucoup plus sophistiqué que ce blog réalisé par Paris Descartes pour qui souhaite exploiter à fond les ressources Cochrane. Venons-en aux choses simples.

Le cœur de l’histoire

La Cochrane library
C’est la fameuse Cochrane Database of Systematic Reviews qui donne accès à l’ensemble des revues systématiques. Ce sont des études sophistiquées et complètes réalisées à partir de la littérature à propos d’une question médicale particulière. Le contenu des ces revues systématiques est exploité dans les autres sections de Cochrane.
Elle devrait être entièrement gratuite d’ici à 2020. Pour le moment (mars 2016) l’accès est gratuit pour les résumés, payant pour les revues complètes si l’article < 12 mois ou antérieur à février 2013, gratuit sinon. Voici un accès direct à la page de recherche.
Langue : anglais mais résumés souvent traduits en français.

 

La Cochrane Central Register of Controlled Trials (CENTRAL) est une source hautement concentrée d’essais contrôlés randomisés et quasi randomisés provenant de base de données bibliographiques comme Medline ou Embase mais contenant également d’autres sources publiées ou non. Aux détails bibliographiques ‘ajoute un résumé mais pas le texte complet. Accès libre. Langues variées. A priori peu utile en pratique courante.

 

C’est la partie la plus intéressante au quotidien : de petits résumés de « données probantes » clairs, réalisés à partir des revues systématiques et assez fréquemment traduits en français (on peut même trouver quelques podcast en français). On a de bonnes chances d’y trouver une réponse EBM à une question de médecine générale d’autant que, lorsque l’on est sur un résumé, des sujets approchants sont proposés de manière plutôt pertinente. Plus facile si on lit l’anglais. A ajouter aux favoris sans hésiter.
Accès libre.

 

Pour le grand public mais pas que

Evidently cochrane
Il s’agit d’un blog maintenu par Cochrane UK qui propose, dans un langage simple, des textes inspirés des revues systématiques Cochrane et destinés aussi bien au public qu’aux professionnels. Ce sont donc des textes qui peuvent être partagés facilement avec les patients… anglophones.
Accès libre (1)

 

Des outils d’aide à la décision ont été développés par le groupe de travail sur les troubles musculo-squelettiques. Je n’en ai pas trouvé sur d’autres sujet.

 

Payant et/ou sur inscription, des outils pointus

Cochrane clinical answers
Les Cochrane Clinical Answers (CCAs) « fournissent un point d’entrée lisible, digestible et concentré sur la clinique vers la recherche rigoureuse des revues systématiques Cochrane. Elles sont conçues pour être utilisables et informer les décisions en pratique courante »
L’accès est payant et assez cher et il semble que tout soit en anglais. Je n’ai pas payé pour voir mais si quelqu’un l’a fait il.elle pourrait nous donner sa vision dans les commentaires.

 

Il s’agit de MOCs qui semblent gratuits, développés en collaboration avec Wiley. L’objectif est de faire des produits vendables si j’ai bien compris. Quelqu’un a testé ?

 

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– Le Cochrane Consumer Network apporte un soutien aux utilisateurs de soins, à leurs parents et prend en compte leur point de vue.
– Le Cochrane Journal Club présente un nombre de sujets limités mais de manière extrêmement approfondie. (Provides everything you need to present a relevant and interesting paper at your next journal club, or simply to explore a review in more depth on your own). Voyez par exemple Surgery for weight loss in adults.
– l’application ipad The Cochrane Library iPad edition qui publie chaque mois, gratuitement, un certain nombre de revues systématiques dans un format pratique.

 

Le mirage de l’expérience thérapeutique

L’Evidence Based Medecine (EBM, traduit en français par Médecine Fondée sur les Preuves) est définie au travers de trois composantes :

  • les meilleurs preuves disponibles
  • l’expérience du médecin
  • les valeurs ou préférences du patient

Ce qui concerne les meilleures preuves disponibles fait l’objet de nombreux travaux (comme la synthèse Cochrane), visant à mettre à disposition de la communauté médicale des éléments de preuves d’interventions validés. Fondées sur des quantités considérables de recherches cliniques, ces preuves constituent, dans l’EBM, la base scientifique de la thérapeutique. Ce segment est indiscutable et riche de travaux.

La prise en compte des valeurs du patient se résout un peu trop souvent à l’incantation de “la médecine centrée patients” mais les travaux portant notamment sur la prise de décision partagée en médecine sont de plus en plus nombreux.

Reste la dimension expérience ou expertise du médecin dont je n’ai pas bien réalisé jusqu’ici s’il existait des fondement théoriques la soutenant et, bien que mon expérience de la pratique de la médecine générale soit encore très limitée, le développement éventuel de ma propre expertise se heurte à une difficulté de taille.

La gérante de mon G20 avec laquelle je taille volontiers une bavette en faisant mes courses d’épicerie en profite, maintenant qu’elle est affranchie de ma nouvelle situation, pour m’exposer sa philosophie sur la gent médicale. “Moi ce que je veux, c’est un médecin efficace. J’ai pas envie d’y retourner parce que le premier traitement ne marche pas. Il y a quelques années, j’avais des angines à répétition. A chaque fois mon médecin me donnait des cachets qui ne me faisaient rien du tout et du coup j’ai été voir un autre médecin. Un bon. Il m’a donné un médicament et depuis je n’ai plus jamais eu d’angine. Ça c’est du médecin.”

Passé le premier réflexe de lui demander le nom de ce médicament miracle – que je suis sûr nombre des lecteurs de ce billet aimeraient connaître – force est de revenir à la réalité : il est strictement impossible de savoir si la disparition de ses angines a quoi que ce soit à voir avec cette prise médicamenteuse. Je dirais même plus : il est quasi certain que cela n’a rien à voir. D’un point de vue scientifique, pas de celui de ma gérante de supérette.

Ce schéma simple – si je prend un médicament et que je guéris c’est grâce au médicament – est pourtant très rarement valable. Et en général on ne le sait pas pour deux raisons :

1/ La guérison suivant la prise d’un médicament peut-être liée à trois causes :

  • le médicament a été efficace
  • le malade a guéri tout seul selon l’évolution naturelle de sa maladie
  • le malade a guéri grâce à l’effet placebo.

Il est impossible à l’échelon individuel de distinguer entre les trois (et difficile avec des études sophistiquées).

2/ de très nombreux médicaments ne “marchent” que dans un petit nombre de cas. D’où le fameux NNT ou NST en français (Nombre de Sujets à Traiter) qui indique combien de personnes doivent prendre un traitement pour que l’une d’entre elles en tire un bénéfice. Si le NST part de quasi 1 pour les traitements contraceptifs, il est au minimum de 7 par exemple pour les antidépresseurs ISRS en traitement de la dépression en soins primaires et atteint des valeurs prodigieuses quand il s’agit de traitements visant à abaisser certains risques – il peut atteindre plusieurs dizaines voir plusieurs centaines.

Pourtant, quand un malade revient en me disant que depuis qu’il prend tel médicament cela va beaucoup mieux pour lui, j’ai beaucoup de mal à ne pas attribuer le résultat au médicament – d’autant que mon égo avait eu l’excellente idée de lui prescrire. Un homme de 70 ans était ainsi venu consulter pour une dysurie très pénible pour laquelle les ECBU pratiqués par mes prédécesseurs remplaçants avaient été négatifs mais dont la dysurie s’améliorait à chaque cure d’ofloxacine. Il souhaitait donc que je lui prescrive une cure d’antibiotiques ce qu’évidemment je refusais sans un ECBU qui s’avéra négatif. Je lui proposai alors de l’adresser à un urologue pour explorer sa vessie et de prendre de l’oxybutynine en attendant, ses symptômes pouvant être dus à une vessie instable. Et là miracle, disparition des symptômes, gratitude du patient, gratification du prescripteur. Comment ne pas croire que la prescription avait été efficace, que j’avais trouvé le truc ? Comment ne pas ajouter à “mon expérience de clinicien” ce cas si spectaculaire ? En n’oubliant pas que ses symptômes s’amélioraient aussi avec l’oflocet !

Quand j’ai effectué mes premières retrouvailles avec la médecine générale chez le Dr Bienveillant, il m’a demandé si je pouvait lui faire un récapitulatif les antidépresseurs. De là date probablement le début de ma méfiance de cette classe thérapeutique.

Au fil de mes rencontres et discussions avec mes maîtres de stage avec lesquelles j’abordais ce sujet, il m’est régulièrement revenu cette réflexion : “je peux te dire que ça marche les anti dépresseurs et heureusement qu’on les a”.

Peter Gøtzsche dans son livre “Deadly Psychiatry and Organized Denial” (Psychiatrie mortelle et déni organisé) leur consacre un chapitre dense et richement documenté. En voici l’introduction.

On a utilisé les antidépresseurs depuis plus de 50 ans mais il est peu probable qu’ils possèdent un effet réel et utile sur la dépression tandis que leurs nombreux effets indésirables ne font pas de doute. Les antidépresseurs font plus de mal que de bien. La Food and Drug Administration (FDA) a montré dans une méta-analyse d’essais randomisés sur 100.000 patients, dont la moitié étaient dėprimés, qu’environ la moitié allaient mieux sous antidépresseurs et 40% sous placebo. Une revue Cochrane en soins primaires a montré des bénéfices un peu supérieurs mais elle n’incluait pas les études non publiées qui ont des résultats bien inférieurs à celles qui le sont. La plupart des médecins attribuent les 40% du groupe sous placebo à un effet placebo ce que ça n’est pas. La plupart des patients auraient été mieux sans pilule de placebo car c’est le cours naturel de la dépression  non traitée. Aussi quand les médecins disent qu’ils ont eu l’expérience que le traitement marche, on doit dire que de telles expériences ne sont pas fiables car les patients pourraient avoir évolué aussi bien sans traitement.

Autant que je puisse le comprendre et le ressentir à ce stade, l’expérience que le médecin peut tirer de sa pratique ne doit pas (ou à peu près pas) prendre en compte son expérience thérapeutique. Il ne peut  que s’appuyer sur les études et les recommandations type Cochrane, ne doit pas céder à l’impression que son intervention médicamenteuse a été efficace et qu’il devrait faire la même chose la prochaine fois qu’il rencontrera une situation similaire. Cela me semble terriblement difficile.

 

Pourquoi la Prise de Décision Partagée en médecine générale me passionne

Voici le préambule de mon mémoire « Comment pratiquer la prise de décision partagée en médecine générale ». Le site consacré à ce sujet et le mémoire soutenu le 18 novembre 2015 à l’Université de Rennes1 y sont disponibles

1 – Préambule

Il m’est difficile d’introduire ce mémoire sans évoquer mon parcours professionnel et mes premiers pas dans ma formation de réorientation étant donné l’influence que cela a eu sur le choix du sujet.

1.1 – L’adhésion

Après avoir passé ma thèse de médecine en 1985 et effectué 3 années de remplacements en médecine générale, j’ai rejoint l’entreprise créée par mes parents (d’un domaine sans aucun rapport avec la médecine) et finalement succédé à mon père à sa direction. J’y ai passé 26 ans qui ont été suivis d’une période de salariat de 18 mois après la cession de l’entreprise puis par un DIU de reconversion à la pratique de la médecine générale démarré à Rennes fin 2014. C’est dans le cadre de ce DIU que j’ai écrit ce mémoire consacré à la prise de décision partagée[1].

Lorsqu’après cette très longue interruption, l’idée de reprendre le chemin de la médecine générale a germé puis mûri – avant de se transformer en évidence – je me suis dit qu’avec l’arrivée d’Internet et l’incroyable partage des connaissances que cela permettait, le changement de mentalité que cela avait pu créer quand à l’accès à l’information pour tous – et que j’avais vécu dans mon entreprise, dans mon entourage, et observé d’une manière générale – la pratique de la médecine avait dû évoluer vers une approche beaucoup plus semblable à un partenariat entre médecins et patients que ce que j’avais vécu il y a près de 30 ans. J’ignorais à ce moment le concept de patient partenaire ou de “patient empowerement” comme on dit outre Manche et au-delà. J’avais vécu la médecine de l’extérieur, côté patients (pour mes proches et moi-même) sans m’interroger sur la pratique des médecins mais ayant bien compris au fil des expériences – et n’hésitant pas à le recommander – un aspect qui me semblait essentiel en tant que patient : toujours chercher à comprendre aussi bien que possible ce que l’on me proposait comme traitement, examen, etc. et ne m’exécuter que si j’y adhérais. Je le voyais non comme une question d’éthique ou de philosophie mais comme une simple règle de survie.

Dans mon expérience de chef d’entreprise, j’ai été amené à aborder ce que l’on appelle un peu abusivement l’art du management. Vaste sujet qui aborde les manières permettant de responsabiliser, orienter, motiver, aider à évoluer les salariés de l’entreprise (en plus prosaïque, leur permettre de générer une valeur ajoutée supérieure à leur coût). J’ai ainsi pu observer, à de très nombreuses reprises, à quel point l’adhésion à ce que l’on doit faire compte.

Pour que la mise en œuvre d’une décision se déroule bien et porte ses fruits, il faut que ce soit une bonne décision par rapport au problème qu’elle est sensé améliorer, certes. Mais il est crucial que les acteurs chargés de la mettre en œuvre y adhèrent. Une bonne décision à laquelle ces acteurs n’adhèrent pas a autant de chance d’améliorer les choses qu’une mauvaise décision à laquelle ils adhèrent. Autant dire aucune. J’ai constaté qu’en médecine on parle encore beaucoup d’observance. Mon expérience de management m’a montré que l’adhésion “marche” beaucoup mieux que l’exécution sans adhésion. Le phénomène est encore plus fort lorsque les décisions impliquent beaucoup de changements car s’y ajoute la résistance naturelle au changement, phénomène largement analysé par les sociétés et gourous de conseil en management. Le propos n’est pas d’approfondir cette question, simplement d’expliquer d’où vient ma conviction de l’importance de l’adhésion de quelqu’un lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre quelque chose, et notamment un changement.

Dans une vie antérieure donc, j’ai organisé des séminaires de direction ou des séminaires de management en vue d’imaginer ou d’enrichir des projets. Il s’agissait de mettre en jeu une somme d’intelligences pour définir des actions futures, en décider en commun les principaux paramètres. Bien sûr, le jeu en entreprise est faussé. On n’arrive pas à ce genre de réunion avec une feuille blanche. On a déjà préparé des éléments de sortie. Mais j’ai toujours tenu à le jouer de manière aussi ouverte que possible et des projets importants pour l’entreprise ont pris corps et réalité dans ce type de circonstance. Et ce qui s’est toujours vérifié, c’est que le fait d’avoir participé à la construction du projet, aux décisions le concernant (il y a toujours des dizaines de décisions à prendre pour un projet), constituait un facteur puissant d’adhésion de ceux et celles qui, de retour dans la vie quotidienne, allaient en être les acteurs.

C’est donc très naturellement qu’au fil des cours, des stages et des lectures menés pendant ce DIU j’en suis arrivé à m’intéresser, pour cette première raison, à la notion de prise de décision partagée.

Pour réussir la mise en œuvre de quelque chose (un projet, un traitement, un changement…) il est donc préférable, d’y adhérer. Avoir été partie prenante de la décision renforce cette adhésion. Si ces prémisses sont justes, la prise de décision partagée concernant un projet thérapeutique devrait favoriser l’observance du patient dans la mise en œuvre de ce projet. Très peu d’études ont abordé cette question qui me semble pourtant cruciale. Les résultats sont peu probants, indiquant que d’autres études doivent être menées pour cela. Wilson[2] retrouve un lien direct entre une prise de décision partagée qui entraîne meilleure adhésion et amélioration clinique concernant des patients asthmatiques chroniques. Il y a là un champ de recherche en médecine générale tout à fait intéressant et nécessaire.

1.2 – Prémisses

Avant le démarrage de mon DIU, au moment où je me replongeais dans la lecture médicale (livres, revues, blogs, twitter), j’ai découvert, à ma grande surprise, que le dépistage systématique du cancer du sein était un sujet d’interrogation, de discussion, voire de polémique. J’avais grand besoin de comprendre pourquoi afin de pouvoir en parler avec des proches et je décidai d’approfondir cette question. Comment diable était-il possible que dépister au plus tôt un cancer, au moment où on peut le guérir facilement, puisse être une mauvaise idée ? Le bon sens nous dit mieux vaut prévenir que guérir. Qui pouvait prétendre le contraire ?

Je me plongeais donc dans la recherche d’articles sur le sujet pour découvrir l’existence de Cochrane et notamment de sa branche danoise qui avait étudié le sujet de particulièrement près et même édité une brochure à destination du grand public[3] sur le sujet. Cette brochure me parut constituer une synthèse à la fois claire et juste par rapport à tout ce que j’avais pu lire. Mais elle n’était à mon goût pas suffisamment parlante. Pour expliquer la problématique à une femme je pouvais soit lui donner la brochure en lui commentant, soit lui résumer oralement. Dans les deux cas cela n’était pas simple d’autant que cette idée de surdiagnostic (mon vocabulaire s’enrichissait) est pour le moins contre intuitive. Mes années de dirigeant d’entreprise m’avaient amené à travailler la problématique de la communication. Il s’agit d’un sujet particulièrement épineux, surtout quand les messages sont complexes (quand ils sont simplistes c’est de la publicité et cela ne nous concerne pas ici). Quand en plus ils sont contraires au bon sens cela devient très ardu. Je m’attelai donc à la tâche de transposer sous forme visuelle ce que je comprenais de la brochure Cochrane et, ayant démarré depuis peu un compte Twitter, j’y passais les deux schémas quand je le trouvais au point.

Ils furent rapidement repris et diffusés par de nombreux médecins qui me demandaient la permission de les utiliser pour expliquer la problématique à leurs patientes. Pour ma part je poursuivais la réflexion en écrivant un billet de blog[4] sur le sujet, billet qui obtint un certain retentissement (près de 2300 lecteurs à ce jour) : je découvrais ainsi simultanément l’ampleur de la question du dépistage organisé du cancer du sein, l’impossibilité pour le médecin de prendre la décision tout seul dans cette situation et l’intérêt d’un schéma / outil pour soutenir une conversation sur ce sujet avec une femme concernée. L’écho de mon travail me montrait que je n’étais pas le seul à percevoir cela et la diffusion de l’infographie traduisait à mon sens le manque de support physique de discussion pour aider la patiente à prendre une décision. Je n’avais pas encore connaissance de la notion de prise de décision médicale partagée et je me figurais à ce moment là que l’important était que la patiente puisse prendre une décision elle-même en connaissance de cause, ce qui est une approche dont j’ai découvert plus tard qu’on l’appelle décision informée, Informed Decision en anglais.

Je découvrais aussi au fil de mes recherches et de certains échanges, notamment dans un cours sur la décision médicale, que pour bon nombre de médecins la participation au dépistage organisé du cancer du sein n’était pas une question mais une recommandation fournie par les autorités sanitaires qu’ils se contentaient d’appliquer auprès de leurs patientes. Sans parler des intenses et diverses campagnes de pression en faveur de ce dépistage, évacuant toute nuance et débat contradictoire, travestissant l’information et conduisant à la mutilation inutile d’un nombre considérable de femmes.

Cet épisode rassemble deux éléments clés de la problématique de la prise de décision partagée : une question médicale à laquelle des réponses très différentes peuvent être données (participer ou ne pas participer au dépistage organisé du cancer du sein) et le développement d’un outil de communication des informations / risques aux patientes pour soutenir la discussion entre le médecin et la patiente à propos des options possibles. Nous verrons dans la partie qui traite des outils d’aide à la décision que la difficulté de conception, de réalisation et de maintenance de ces outils est vaste et en très grande partie non résolue (complètement irrésolue en français). Il s’agit là d’un champ de recherche et de travail immense et nécessaire en médecine générale car sans outils d’aide à la décision solides il semble très difficile d’arriver à ce que le patient participe activement et efficacement à la prise des décisions le concernant.

1.3 – Du côté de la faculté de médecine

L’enseignement de la médecine générale de nos jours donne une grande place à l’idée de médecine centrée sur le patient. Pendant mon DIU j’ai assisté à la quasi totalité des cours destinés aux internes de médecine générale. Dans ces cours, la question de la prise de décision n’existait pas. Une parole officielle nous était délivrée, à charge pour nous de la délivrer plus tard à nos patients. Par exemple dans un cours sur l’allaitement je demandais si on avait des statistiques sur l’incidence des complications de l’allaitement de manière à pouvoir, le cas échéant, apporter des éléments concrets à une discussion sur le choix – allaiter ou pas – que j’imagine toute femme enceinte se pose à un moment donné. Cela n’existait paraît-il pas et de toutes manières c’était le choix de la femme et si jamais on était amené à participer à ce choix il fallait pousser l’allaitement qui est bien mieux. Le traitement hormonal de la ménopause nous était présenté comme ayant été bien décrié à tort, qu’à condition de prendre telle ou telle précaution le risque n’était pas si grand eu égard au bénéfice. Mais à aucun moment sur un sujet aussi ouvert à la prise de décision partagée (il s’agit d’un traitement optionnel, on peut le faire ou on peut ne pas le faire) l’idée même que la décision à son sujet puisse être prise d’un commun accord avec la patiente en lui expliquant les avantages et les inconvénients n’était évoquée. Alors de là à parler des éléments qui nous auraient permis de soutenir une discussion d’options…

Lorsque j’ai assisté au cours sur la décision médicale (cours d’ailleurs très bien fait et préparé, avec un grand engagement des internes participants), la théorie de la décision nous fut rapidement exposée, l’expression “décision médicale partagée” citée dans ce cadre, point. Lorsqu’à un moment donné, au cours d’une discussion à propos d’un RSCA[5] qui avait entre autre parlé du dépistage systématique du cancer du sein, je tentai d’intervenir sur l’idée que la prise de décision du dépistage pouvait être discutée et prise en commun avec les patientes concernées. J’eus l’impression d’être un martien. Aussi bien auprès du formateur qu’auprès des internes en médecine générale qui manifestement ne voyaient même pas de quoi je voulais parler. Il y avait une recommandation officielle sur ce dépistage, pourquoi se poser des questions ? Il y en a déjà assez comme cela des questions !

Nul doute, ce sujet potentiellement transformateur de la médecine générale a encore du chemin à faire.

1.4 – Ressources et publications

Un important mouvement s’est mis en route autour de cette notion avec ses sources principales au Canada, aux USA, en Grande-Bretagne et en Australie, en lien très étroit avec le mouvement de l’EBM (Evidence Based Medecine ou Médecine fondée sur les Preuves). Des institutions médicales prestigieuses comme la Mayo Clinic ou l’institut de recherche de l’hôpital d’Ottawa ont investi dans le concept et le développement d’outils. Il existe un congrès annuel sur la prise de décision partagée. Parmi les revues médicales sérieuses, le British Medical Journal (BMJ) s’est constitué comme le héraut des patients et devient une référence sur ce sujet. Sa nouvelle politique éditoriale[6] est époustouflante et l’on est en France, dans des revues comme Prescrire, Médecine ou Exercer encore bien loin d’un tel niveau d’engagement centré sur le patient (je ne parle évidemment pas de la presse sponsorisée) :

“Les changements internes que le BMJ a réalisés sont destinés à faire du partenariat avec les patients une partie intégrante de la manière dont le journal travaille et pense, ainsi qu’une cause que nous défendons dans le domaine du soin. Les actions mises en place comprennent :

  • Demander aux auteurs d’articles éducatifs de coproduire leur papiers avec des patients en précisant la nature de leur engagement.
  • Demander aux auteurs d’articles de recherche de spécifier si et comment ils ont impliqué des patients pour définir la question de recherche, les mesures de résultats, le design et la mise en œuvre de l’étude et la dissémination de leurs résultats.
  • Intégrer la relecture des articles par des patients dans notre processus standard de révision des articles. Les relecteurs sont invités à nous aider dans cette initiative en étendant cette invitation à des patients.
  • Recruter des patients et des représentants de patients dans notre comité éditorial et Rosamund Snow comme Éditeur Patient de manière à apporter la perspective des patients dans les discussions qui sont conduites par nos comités de décision interne.”

Bref, au moment de me m’informer sur le sujet, force est de constater que les sources en langue française sont quasi inexistantes, le mouvement n’étant semble-t-il que peu ou pas amorcé dans notre pays.

Au cours de cette année, je réalisai donc que le sujet de la prise de décision partagée constituait un élément essentiel de la pratique médicale centrée sur le patient, que je n’étais pas le seul à ressentir le besoin d’outils permettant un échange d’information efficace avec les patients, que je ne pouvais pas concevoir de ne pas orienter ma future pratique dans ce sens, que la faculté ne m’avait pas apporté beaucoup sur le sujet et qu’il n’existait pas de ressources en français pouvant m’aider – et notamment pas d’outils d’aide à la décision.

La question se mit à me tarauder : comment allais je m’y prendre pour pouvoir demain appliquer, dans ma pratique de la médecine générale, la prise de décision partagée ?

C’est à cette question que ce mémoire et le travail mené pour le réaliser tentent de répondre.

A suivre…


[1] L’expression anglo-saxonne Shared Decision Making (SDM) est aujourd’hui bien acceptée pour désigner ce sujet. Nous la traduirons par Prise de Décision Partagée (PDP) que nous préférons à l’expression Décision Médicale Partagée habituellement utilisée en français qui, passive, ne contient pas la notion que la prise de décision est une action, réalisée d’un commun accord. Par ailleurs, de même que l’expression anglaise ne contient pas de référence au domaine médical, nous pensons inutile dans la version française d’y faire référence sauf à alourdir les choses (cela donnerait : Prise de Décision Médicale Partagée) alors que le contexte d’utilisation de l’expression suffit.

[2] Wilson SR, Strub P, Buist AS, Knowles SB, Lavori PW, Lapidus J, et al. Shared Treatment Decision Making Improves Adherence and Outcomes in Poorly Controlled Asthma. Am J Respir Crit Care Med American Journal of Respiratory and Critical Care Medicine. 2010;181(6):566–77.

[3] Mammography screening leaflet [Internet]. CochraneNordic; [cited 2Nov2015]. Retrieved: http://nordic.cochrane.org/mammography-screening-leaflet

[4] Chroniques d’un jeune médecin quinquagénaire [Internet]. Voilà ce que je peux te dire; 2014 [cited 2Nov2015]. Retrieved: https://30ansplustard.wordpress.com/2014/10/17/voila-ce-que-je-peux-te-dire/

[5] Récit de Situation Complexe Authentique

[6] bmjeditor [Internet]. Patient partnership; [cited 2Nov2015]. Retrieved: http://www.bmj.com/campaign/patient-partnership

 

Je stresse, tu stresses !

Consultation

C’est une de mes toutes premières journées en autonomie avec surveillance différé. Je consulte seul et nous débriefons en fin de journée avec mon MSU. Nous sommes en fin d’après-midi et Gaelle, 31 ans, arrive en consultation très inquiète : depuis 48 heures elle ressent des douleurs dont elle pense que ce sont des contractions.

Elle a bénéficié d’une PMA qui a fonctionné et est enceinte de 4,5 mois. La précédente FIV il y a 4 ans s’était terminée par une fausse couche. Les douleurs décrites s’apparentent bien à des contractions. Leur nombre est assez important, plusieurs par heure. Lors de la première nuit elle en a eu toute la nuit. La nuit dernière elle n’en avait plus.  Elle a eu quelques leucorrhées peu abondantes et continue de percevoir les mouvements foetaux comme avant cet épisode de contractions.

L’utérus est de consistance normale et on ne perçoit pas de contractions au moment de l’examen. La tension est à 104/70. N’ayant jamais encore par moi-même examiné un col, je zappe l’étape speculum tout en me sentant peu à l’aise. Je tente maladroitement d’écouter les bruits du coeur du foetus avec mon sthetoscope et je n’entend évidemment rien. Je n’ai aucun idée si le cabinet est équipé d’un doppler foetal dont je ne saurais de toutes manières pas me servir. J’aimerais pourtant bien ne pas me contenter des seuls dires de la maman m’indiquant qu’elle a senti son bébé bouger aujourd’hui comme d’habitude.

En poursuivant la discussion, je note que sa vie professionnelle est très stressante. Ce stress s’ajoute à celui de la grossesse difficilement obtenue dans  le contxte d’un précédent échec. Tout en la rassurant, je lui propose de lui faire un arrêt de travail et, insistant sur l’absence d’urgence, je lui dit de consulter à la maternité si les contractions ne baissent pas rapidement.

J’apprendrai le lendemain que Gaelle a filé ventre à terre – si je puis me le permettre – aux urgences de la maternité immédiatement après notre RV. Je l’avais paniquée.  Le monitoring ne montrera pas de signes d’inquiétudes et le col sera observé bien fermé.

Discussion

Pendant toute cette consultation j’ai été mal à l’aise, inquiet, pour tout dire stressé aussi. Je n’ai pas su abaisser le niveau de stress de la patiente alors que je me voulais rassurant. En fait j’étais face à une situation que je ne maîtrisais pas et je n’ai pas su en tirer les conséquences. Je n’ai aucune expérience concrète de la pathologie de la grossesse, très peu de son suivi normal (en dehors de cours théoriques). Cela n’aide pas. Les IMG ont un stage obligatoire en Gynécologie Obstétrique mais moi rien. Et dans mes stages chez le praticien, les femmes ne souhaitaient pas le plus souvent que je reste pendant leur consultation de gynécologie.

En y revenant à froid, cette consultation pose donc le problème d’une situation qui présente un certain caractère d’urgence et que l’on ne maîtrise pas. Comment faire au mieux quand je ne sais pas ? A posteriori je me dis que ma prise en charge aurait du être la suivante :

  • objectif : être certain que la grossesse n’est pas en danger
  • situation : je pense qu’elle ne l’est pas mais je n’en ai pas la certitude
  • action : je fais en sorte d’avoir une certitude et, n’ayant pas la possibilité de le savoir par moi-même, j’adresse immédiatement et non pas en fonction de l’auto-surveillance

Le stress de la mère et comment le faire baisser était devenu une préoccupation trop importante. Et je ne voulais pas l’embêter inutilement. A tenter maladroitement de la rassurer je n’ai fait qu’augmenter son stress tout en prenant le risque de passer à côté d’un problème. Bien que le résultat soit le même (si j’avais mieux raisonné je l’aurai envoyée aux urgences où elle a été de toutes manières), je reste marqué par cette consultation. D’autant que mon MSU m’a amèrement reproché mon attitude. Et que bon quoi on a son ego quand même !

Et vous, ça vous rappelle des souvenirs cette histoire ? ou pas ?

30 ans plus tard

En septembre 1986, après 3 années de remplacement divers en médecine générale, j’ai rejoint Nouvelles Images, société créée par mes parents en 1957, à l’époque de la modernité triomphante, avec la vocation de mettre l’art contemporain à la porté de tous sous forme de cartes postales.
Je m’imaginais y rester 10 à 15 ans et ce fut finalement 26 (on dit un quart de siècle quand on veut montrer que c’est beaucoup, mais au fond c’est passé très très vite) dont 20 en tant que dirigeant, avec pleins de hauts et pleins de bas dont un dernier bas, fatal.
Engagé dans la foulée par un excellent confrère éditeur de cartes postales avec le titre ronflant de Directeur de l’innovation produit (je me l’étais moi-même attribué), j’ai commis une invention plutôt sympa, (Picline, un système révolutionnaire pour afficher ses photos sur les murs comme dit le slogan) et réalisé en parallèle que continuer à participer à l’accroissement de la masse de produits de consommation disponible ne me motivait plus.
Au printemps 2014, j’ai démarré une réflexion pour chercher une voie professionnelle nouvelle qui me convienne – et soit jouable pour un senior de 56 ans – sans penser une seconde à la médecine. Mais, bien que ce ne fut pas dès sa première exposition de l’idée, j’ai fini par écouter la suggestion de ma compagne et démarrer l’exploration. Afin d’évaluer à la fois l’attrait du métier de médecin généraliste et ma capacité a m’y remettre, je me suis plongé dans la lecture d’ouvrages de médecine générale d’aujourd’hui et j’ai relu Patients si vous saviez de Christian Lehmann, dont la première lecture à sa sortie m’avait déjà plongé dans une nostalgie de ce métier que je n’avais pas exercé. Rebelote. Ça me faisait toujours le même effet.
La lecture d’ouvrage médicaux, l’exploration du web m’ont également stimulé : je n’étais pas si encrouté que ça et capable de rafraîchir ce que j’avais oublié, de comprendre et apprendre ce qui était nouveau.
L’exploration se fit désir, le désir se fit projet.
Dans deux semaines je quitterai le monde de l’entreprise avec au programme un DIU de requalification à la pratique de la médecine générale à l’Université de Rennes 1, sous le pilotage du Dr Myhié puis, si tout va bien, une installation en libéral au cours du 1er semestre 2016. 30 ans après m’être défroqué je deviendrai un jeune médecin quinquagénaire.
Mise à jour décembre 2015
Je viens de terminer mon DIU et je suis vraiment heureux d’avoir choisi cette voie. Ce fut une année d’apprentissage extraordinaire et je souhaite à tout le monde de vivre une expérience aussi excitante à l’âge ou en général on songe plutôt à organiser sa retraite.
Actuellement je suis remplaçant en médecine générale et j’ai un projet d’installation qui chauffe pour peut-être dès le premier trimestre 2016.