Dans un vibrant plaidoyer contre le dépistage individuel du diabète de type 2, Victor Montori remet les pendules à l’heure. Son point de vue lumineux, en réponse à une demande de Larry Husten pour son blog Cardiobrief, fait écho à une importante revue systématique sur le sujet parue dans le BMJ qui concluait : “ces résultats montrent qu’une politique dépistage-traitement seule a peu de chances d’avoir un impact substantiel sur l’inquiétante épidémie de diabète de type 2. »
Victor Montori va plus loin.
Il est vraiment difficile d’exprimer les enjeux parce qu’il y a évidemment du bien dans la prévention des mauvaises choses, mais essayons encore :
- Le diabète de type 2 est une mauvaise chose quand il réduit la qualité de votre vie, en raison de ses symptômes, de ses complications ou du fardeau lié à son traitement.
- Donc la prévention du diabète est évidemment une bonne chose.
- La prévalence du diabète est énorme et le nombre de personnes qui vivent à un pas d’être diagnostiqués est très grand. (L’étude montre que nous ne serons pas d’accord quant à l’étiquetage de qui exactement est à un pas du diagnostic, cela dépendant des définitions que nous choisirons et de l’idéologie qui prévaudra à la sélection de la définition.)
- Les gens qui choisissent de vivre plus activement et de manger des repas plus sains font mieux et retardent le diabète mais ils le font en nageant à contre-courant, ce qui explique les taux très élevés d’abandons et “d’échecs”.
- La réponse apportée devrait l’être à une échelle massive et persister dans le temps, dirigée vers les déterminants des environnements, les environnements eux-mêmes et des modes de vie qui apparaissent lorsque les gens s’adaptent à ces environnements. Ces changements devraient rendre les modes de vie sains plus faciles par défaut – la direction du courant qui entraîne ceux qui sont et ceux ne sont pas intéressés par la natation.
- Dépister-traiter est une réponse clinique, individuelle, personne par personne. Elle semble idéalement adaptée aux personnes qui sont déjà des patients chroniques en raison de leurs comorbidités et sont donc déjà pris en charge dans le système de santé car elle nécessite les ressources du système de santé pour réussir. Cependant, tout succès clinique laisse les déterminants des environnements et les environnements inchangés, garantissant un flux régulier et éternel de candidats pour le dépistage et le traitement. Plus encore, les patients atteints de prédiabète et qui “échouent” à s’améliorer avec des interventions sur le style de vie peuvent être considérés comme de bons candidats aux médicaments contre le diabète comme la metformine. En substance, ils évitent le diagnostic de diabète en prenant un traitement contre le diabète. Une proposition absurde.
- Pendant ce temps, les gens se plaignent de la mauvaise qualité du traitement du diabète de type 2, en partie à cause du manque de temps, de formation et de ressources. Ce sont les carences du même système que nous sommes prêts à surcharger avec les personnes qui sont dépistées positivement pour le prédiabète. Et puisque l’épidémie frappe plus fortement ceux qui ont plus de difficulté à accéder aux soins (suggérant encore des problèmes liés au contexte dans lequel les gens essaient de gagner leur vie plutôt qu’une épidémie massive de mauvais jugement chez les pauvres et les personnes en difficulté socio-économique) et que ces gens ont du mal à obtenir des soins, une solution dépendant de l’accès aux soins de santé, si elle était efficace, rendrait les disparités d’incidence du diabète encore pires.
- Aussi avons-nous besoin de solutions qui ne laissent pas intactes les conditions qui ont créé l’épidémie, qui rendent futiles à long terme les efforts de celles fondées sur l’amélioration du style de vie, produisant encore plus de personnes à risque, chargeant lourdement le système de soins avec des gens en bonne santé à la recherche du bien-être. Dans tous ces sens, les politiques de dépistage-traitement sont accidentellement (je l’espère) cruelles, particulièrement envers les malades et les nécessiteux, ceux qui vivent “dans l’ombre de la vie”.
- J’appuie sans réserve la nécessité de la prévention du diabète de type 2, mais des solutions durables et efficaces sont plus susceptibles d’être trouvées grâce à la démocratie délibérative fondée sur des données probantes (version de la prise de décision partagée au niveau de la population). Le travail consiste ici à déterminer le type d’environnement que nous voulons – pour nous-mêmes et nos enfants – et les politiques de santé publique qui doivent être mises en œuvre pour les réaliser.
- Ceux qui cherchent une solution plus expéditive pour répondre à l’urgence du problème feraient mieux de démarrer dès que possible le processus à long terme au lieu de perdre du temps, de l’attention et des ressources, en palliant au problème un patient dépisté-traité à la fois.”
Traduit avec l’aimable autorisation de Victor Montori et de Larry Husten
Merci JBB
Je voudrais souligner plusieurs choses :
1) Le diabète, comme l’obésité, est une maladie de civilisation comme le montrent indirectement l’augmentation des coubes de poids constatée parallèlement chez les animaux domestiques.
2) Le diabète est métaphorique de notre société de consommation et de satiété (et, au passage, mais hors sujet sans doute mais pas tout à fait, les techniques d’élevage des nourrissons avec alimentation à la demande sont assez pertinentes et annonciatrices) car les mêmes fonds de pension investissent dans la junk food et dans les supposés traitements de la junk food.
3) Les personnes qui ont 90 ans aujourd’hui sont nées dans les années 20 et sont donc des survivantes (pas d’antibiotiques, pas de vaccins, pas de stents,…) et non des bénéficiaires de la médecine moderne : elles sont le produit du darwinisme. Gageons que l’espérance de vie à la naissance va diminuer désormais en raison du mode de vie satiétal (néologisme) de nous tous.
Bonne journée.
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Bonjour,
brillant, certainement, mais surtout plein de bon sens. Le bon sens qui est en train de devenir la qualité la plus rare du monde contrairement à ce que dit l’aphorisme.
Continuer à (sur)dépister le diabète sans s’attaquer aux causes, connues, évidentes, massives est comme vider le bateau qui coule à la petite cuillère.
Pourquoi des réalités aussi évidentes sont devenues non visibles, des réalités qu’on découvre comme par hasard et qui circulent sous le manteau au lieu d’être répercutées et assumées par des instances officielles?
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Je suis toute à fait d’accord avec votre propos! Vraiment, vraiment, vraiment. Je suis sidérée de voir que notre monde tourne à l’envers… Alors que les solutions sont à porter de main et ne coutent pas plus…
Merci Mr Blanc pour votre blog!
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Merci !
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Une bonne partie de la réponse au pourquoi est donnée par Jean-Claude : les propriétaires des firmes agro alimentaires, automobiles, etc sont les mêmes que ceux des firmes du médicaments : les fonds de pension, les investisseurs divers, bref tous ceux qui placent de l’argent et veulent une rentabilité maximum. Ça fait du monde. Le plus marrant si je puis dire c’est que ce sont ceux-là même qui bénéficieraient de l’évolution envisagée par Montori.
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En la matière le papier de Geoffrey Rose (1985 !!!) « Sick indivuduals and Sick populations » est un must read https://www.google.fr/url?sa=t&source=web&rct=j&url=http://ije.oxfordjournals.org/content/14/1/32.abstract&ved=0ahUKEwi75JfTjLPRAhWU8oMKHabTAUIQFggiMAE&usg=AFQjCNHwi0cLIt0LewcBiPoFDdhDgbVVTQ&sig2=G3SmJ7NS48X7xm-JCcVQjg
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