Jamais Sans Mon Masque

Sans port de masque généralisé nous ne vaincrons pas le coronavirus

#JamaisSansMonMasque

Nous sommes un groupe informel de médecins généralistes de terrain, au front depuis deux mois. Nous sommes investis de diverses manières, au-delà de nos cabinets, dans la lutte contre le coronavirus.

Ce message est un appel général à la communauté culturelle, scientifique, médiatique, et à toutes les personnes susceptible de relayer un message essentiel :
Pour bloquer drastiquement l’épidémie de covid 19, le port du masque généralisé est indispensable.

Nous alertons depuis mars sans vraiment de succès sur une évidence : le port de masque en population est crucial. Un groupe de travail de médecins généralistes a créé le site stop-postillons.fr, pour aider à l’auto fabrication et à l’information sur les masques. De très nombreux médecins relayent le message, mais nous avons besoin de voix puissantes.

Les pays qui maîtrisent cette épidémie, dont certains sans confinement, ont adopté le port du masque précocement, en particulier Hong Kong (7,5 millions d habitants, 4 décès avec la plus forte densité de population au monde dans un de ses quartiers, 130000 habitants au km2). Voyez ce qui s’est passé à Iéna en Allemagne : aucune contamination depuis que le masque est obligatoire !

L’heure n’est pas à constater des défaillances dans notre préparation, les incohérences, mais à l’efficacité dans la lutte contre le virus. Porter un masque.

Nous avons recherché des relais politiques, scientifiques, qui sont bien timides. La politique actuelle est d’imposer le masque uniquement dans les transports.
Ceci ne peut permettre de limiter la diffusion, qui s’opère particulièrement en lieux clos par des personnes qui ne se savent pas malades, la contagiosité des personnes commençant avant tout symptôme, en moyenne 2 jours avant de tomber malade.
Le masque protège l’autre et celui qui le porte. Il est un facteur majeur de lutte contre l’épidémie et sa progression en population. Porter un masque nous protège.

Les mesures du plan de déconfinement n’ont pas de sens sans port généralisé du masque en population et nous courrons à la catastrophe. Le traçage et les enquêtes ainsi que les tests ne pourront suivre le nombre de cas quotidiens de nouvelles contaminations et s’avèrent d’emblée inefficaces sans un coup d’arrêt aux principales sources de contamination. Portons un masque.

Nous souhaitons monter une opération de communication permettant d’inciter fortement le port du masque en population sur la base du volontariat. Il nous semble que la responsabilisation individuelle doit être essayée avant la coercition, qu’il est urgent d’informer et de préconiser à grande échelle.

Nous faisons appel à toutes les bonnes volontés qui peuvent être entendues pour changer le cours des événements.
Nous sommes disponibles pour toute information scientifique en cas de doute sur cette information. Il est urgent de faire et de préconiser ce qui est indispensable.

ACTION
Nous demandons à toute personne souhaitant soutenir cette communication de relayer ce projet dans son réseau de relations.

Objectif : à partir de Dimanche 10 mai à 20h : publier massivement sur les réseaux sociaux Instagram, Twitter, Facebook un selfie masqué accompagné du texte suivant :
Sans port de masque généralisé nous ne vaincrons pas le coronavirus
Quand je mets mon masque, je te protège et je me protège.
#JamaisSansMonMasque

Merci de votre aide
Collectif médical 22
Collectif Stop-Postillons
Marraine de l’opération Estelle Denis.

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A quoi sert l’hygiène des mains ?

La réponse à cette question peut sembler évidente.

Précisons quand même.

Les mains sont notre principal outil pour toucher et manipuler. Elles touchent quelque chose presqu’en permanence. Le clavier, le manche, les course, les rampes, les boutons, le téléphone, etc.

Si nos mains sont sales, ce qui se traduit par « si nos mains sont souillées avec du coronavirus », nous allons déposer ce virus sur tout ce que nous touchons y compris sur notre visage. Nous allons alors favoriser l’épidémie de deux manières :

    en répandant le virus sur des surfaces que d’autres gens peuvent toucher et qui vont ainsi se contaminer,
    en s’auto contaminant lorsque l’on se touche le visage.

Si nos mains sont propres, ces deux facteurs de contagion disparaissent. Sauf que nous courons quand même le risque d’être contaminés en touchant des surfaces souillées par d’autres mains sales. Et de nous retrouver avec les mains sales.

La conséquence de cette observation dicte le principe de base de l’hygiène des mains : se laver les mains avant et après les contacts potentiellement contaminants.

En nous lavant les mains avant le contact, nous n’allons pas souiller des surfaces que d’autres peuvent toucher : nous les protégeons.

En nous les lavant après le contact, nous évitons de nous auto-contaminer avec les virus que d’autres mains sales auraient laisser traîner et nous évitons de souiller d’autres surfaces : nous nous protégeons et nous les protégeons.

Et les gants dans tout ça ?

Dans la vie courante, je veux dire si on est pas chirurgien au bloc ou infirmière faisant des soins à risque, ils ne peuvent servir que dans un cas : si la peau de vos mains est détériorée ou blessée, portez des gants jetables quand vous devez toucher des surfaces qui risquent d’être contaminėes.

Puis changez-les à chaque fois que vous devriez vous désinfecter ou laver les mains comme par exemple avant et après l’entrée dans un magasin en libre service.

Tant que vous ne changez pas de gants vous allez répandre le virus sur tout ce que vous touchez, y compris bien sûr votre visage.

Si vous mettez des gants chez vous pour aller faire des courses, vous allez rapporter les virus de l’ascenseur et des portes de votre immeuble dans le supermarché du coin.

Ou ceux de la monnaie manipulée sur les aliments manipulés, etc. C’est pour cela que porter des gants est dangereux : on a le sentiment d’être protégé alors qu’on répand le virus partout.

Il faut savoir que les gants se dégradent et se décontaminent mal si on les « nettoie » avec de la solution hydro-alcoolique ou du savon. Ce n’est pas prévu pour.

Alors que la désinfection des mains nues avec de la solution hydro-alcoolique est très efficace, tout comme le lavage avec du savon.

Il faut savoir également que la peau en général et celle des mains en particulier ne peut pas être traversée par le coronavirus. C’est une excellente barrière qu’il n’y a pas besoin de renforcer avec des gants. Il n’y a aucun risque à toucher le coronavirus avec ses doigts, sauf de le déposer ailleurs. D’où l’importance de l’hygiène des mains.

CQFD

« Jamais des granules n’ont empêché quiconque de bander »

Alors que l’entrée en bourse de son entreprise promet d’être retentissante, Les Rumeurs publie une interview exclusive et fracassante de Ferdinand Poireau, le Fondateur Dirigeant Principal Actionnaire des Laboratoires Poireau.

LR – Une croissance à deux chiffres depuis 10 ans, un bénéfice digne des GAFA, une capitalisation boursière qui pourrait atteindre le milliard d’euros dès la première cote, quels sont les ingrédients du succès des Laboratoires Poireau ?

FP – Notre succès tient en trois points très simples : un positionnement marketing en béton armé (le fonctionnement de nos médicaments repose sur de la croyance et non pas sur des faits scientifiques), un business model générant une rentabilité exceptionnelle (nous n’avons à financer ni R&D ni études de validation d’efficacité de nos médicaments) et enfin une culture d’entreprise, un ADN puissant qui assure une cohésion incroyable à la société. Investir aujourd’hui dans les Laboratoires Poireau c’est miser sur une tendance lourde : les croyances seront toujours plus fortes que les faits.

LR – Pouvez-vous détailler le fonctionnement de la croyance en vos médicaments ?

FP – la croyance en nos médicaments tient en trois points très simples : premièrement ils n’ont en soit aucun effet décelable, c’est le rite qui agit. Le rite de la dilution et du secouage qui rappelle l’alchimie et ses merveilleux secrets, le rite de la dénomination en latin qui évoque des liturgies anciennes, des imprécations sorties de grimoires inconnus, le rite des prises de médicaments avec ses horaires complexes, ses techniques précises (pour sortir les granules du tube par exemple), tout cela est étudié pour crėer une adhésion à l’homéopathie : une approche à la fois ésotérique et sophistiquée pour générer une croyance profonde. Deuxièmement nos médicaments soignent les gens. C’est du moins ce qu’ils croient. Si vous êtes malade, que vous prenez un médicament et que vous guérissez, vous serez convaincu que c’est grâce au médicament, même si ce n’est pas le cas. Prenez par exemple les maladies infantiles courantes. La plupart guérissent toutes seules. Et si vous les soignez avec de l’homéopathie, elles guérissent pareillement. Sauf que là c’est grâce à l’homéopathie. Il ya aura toujours des parents qui voudront soigner leurs enfants malades, qui ne se contenteront pas de surveiller et d’attendre la guérison. Le marché est inépuisable. Enfin, et c’est plus métaphysique, on y croit parce qu’on a envie d’y croire. On a envie de croire qu’il existe des remèdes qui ne sont pas les remèdes officiels mais qui marchent. On a envie de croire en autre chose. On préfère toujours David à Goliath. Ce n’est pas près de changer. Et croyez moi les équipes marketing des laboratoires Poireau sont au taquet sur ces sujets.

LR – vos médicaments n’ont aucun effet décelable ? Pouvez vous nous en dire plus

FP – Je vous répondrai en trois points. Tout d’abord aucune étude n’a montré une quelconque efficacité des médicaments homéopathiques sur le plan scientifique. Ce n’est pas grâce à une efficacité per se que nos médicaments agissent, c’est parce que les gens y croient, nous venons de le voir et parce qu’ils sont indiqués essentiellement pour des pathologies bénignes. Ensuite, et je dois à nos futurs actionnaires cette information capitale : le contenu de tous nos tubes est rigoureusement le même. Il y a bien longtemps que nos équipes méthode ont mis en place cette simplification considérable de nos processus, simplification sans conséquence sur l’efficacité des médicaments on l’aura bien compris, mais fondamentale sur la constitution de la valeur ajoutée de l’entreprise. Enfin, de très nombreux médicaments dit allopathiques n’ont aucune efficacité démontrée et cela ne les empêche pas d’être prescrits et consommés, je pense par exemple aux anti alzheimer qui viennent seulement d’être déremboursés alors qu’on sait de longue date qu’ils sont inefficaces. Et je ne parle pas de ceux qui sont inutilement prescrits en masse comme la vitamine D en prévention des fractures chez les personnes âgées ou les statines en prévention primaire. Il faut bien comprendre que ce n’est pas parce qu’un médicament est inutile ou inefficace qu’il ne peut pas générer de la valeur pour les actionnaires.

LR – A propos de déremboursement, une récente tribune dite des 124 s’est prononcée contre le remboursement des médicaments homéopathiques et a fait beaucoup parler d’elle. Une information inquiétante au moment d’entrer en bourse non ?

FP – Je voudrais rassurer nos actionnaires en trois points très nets. 1) les médicaments homéopathiques sont très bon marché, rien à voir avec par exemple certaines molécules anti cancer dont le prix exorbitant n’a d’égal que la faiblesse des effets. 2) La simplification de notre processus de fabrication nous permet d’envisager des baisses de coût que nous saurons répercuter sur le consommateur. Nous pourrons facilement absorber les 15 à 35% actuellement remboursés sans baisse de marge brute. 3) Enfin et surtout, sur le plan marketing cela constituerait une excellente opportunité : l’homéopathie déremboursée c’est la victoire de l’establishment sur les alternatives douces, c’est une raison de plus de croire en l’homéopathie, victime des lobbies de bigpharma bref c’est un encouragement à se positionner pour l’homéopathie, à la défendre. C’est quand une croyance est attaquée qu’elle retrouve toute sa vigueur.

LR – Pouvez-vous nous parler de vos projets d’investissements ?

FP – Nos projets d’investissements tiennent en un mot : marketing. De ce point de vue nous ne nous distinguons pas vraiment des laboratoires pharmaceutiques allopathiques, l’essentiel du budget de recherche et développement est un budget marketing. Mais l’avantage de l’homéopathie c’est qu’il ne s’agit que de marketing. Comme nos médicaments sont en fait tous le même et qu’il n’ont aucun effet, aucune recherche fondamentale n’est nécessaire pour en trouver de nouveaux, rien ne nous oblige à démontrer leur efficacité. Vous imaginez facilement l’économie considérable que cela représente. Nous pouvons ainsi investir massivement en marketing et nous le faisons selon 3 axes. Un axe produits, un axe communication consommateurs et un axe communication prescripteurs.

C’est principalement pour soutenir ce dernier axe que nous entrons en bourse aujourd’hui. En effet, les facultés de médecine comme toutes les autres sont en permanence à court de budget. Nous allons ainsi développer de très nombreux cofinancements d’actifs (amphithéâtres, bibliothèques…) en échange de l’apposition de notre marque sur l’actif financé. De cette manière le nom de Poireau sera aussi familier aux jeunes générations de médecins que celui de Pasteur, ainsi l’homéopathie figurera aux bases de la formation médicale, fera en quelque sorte partie des murs. Une excellente opportunité pour manipuler les esprits en formation. C’est un projet de long terme, ambitieux et porteur d’avenir.

En développement produit, nous avons dans les tuyaux un anti Alzheimer qui devrait faire date : l’encephalum generatum 9CH. Déjà le nom est très puissant mais surtout son mode de prise est très intéressant : il s’agit de prendre 5 granules toutes les 45 minutes lorsque le patient est éveillé les jours pairs, et toutes les une heure trente les jours impairs. Imaginez la présence de soin, la stimulation cognitive qui en découle, le sentiment de l’entourage de vraiment faire quelque chose, d’agir pour le bien être de leur proche. C’est quand même autre chose que de leur coller un patch de mémentine et d’aller au bureau non ?

LR – Et comment savez-vous que ce traitement marche

FP – C’est très simple, c’est comme pour tous nos nouveaux produits. Si les consommateurs l’achètent, s’il atteint ses objectifs de chiffre d’affaire et de marge brute alors on dit qu’il marche. Sinon on dit qu’il ne marche pas. Le marché sera notre juge de paix. Avouez que c’est autrement plus valide que toutes ces études bidonnées que bigpharma produit pour avoir ses autorisations de mise sur le marché.

LR – Que dites-vous aux détracteurs de l’homéopathie ?

FP – Et bien je leur dis trois choses. La science n’est non seulement pas venue à bout de la religion mais le 21ème siècle montre un retour en force des religions et des croyances de toutes sortes. Nous vivons une époque où la science tient une place immense et pourtant elle n’atténue pas le besoin de religion, de croyance. On ne peut pas briser une croyance puisque celle-ci ne repose pas sur des faits. Alors ils peuvent détracter autant qu’ils veulent, cela ne changera rien.

Ensuite je leur dit qu’ils commencent par balayer devant leur porte. Combien de mėdicaments allopathiques ont une efficacité nulle ou limitée mais des effets indésirables importants et sont prescrits en masse ? Prenez les soit-disant antidépresseurs. On sait très bien qu’ils ne guérissent pas la dépression et qu’ils permettent surtout de mieux supporter la situation en attendant qu’elle s’améliore toute seule. Mais au prix de nombreux effets secondaires comme par exemple des troubles de l’érection. Alors que vous pouvez prendre de l’homéopathie. Elle ne guérira pas non plus la dépression mais elle au moins n’entraînera pas d’effets secondaires. Jamais des granules n’ont empêché quiconque de bander. C’est d’ailleurs une des grandes forces de l’homéopathie : l’absence d’effets secondaires.

Et puis c’est bien joli la science, mais ça change tout le temps. Avant il fallait coucher les bébés sur le ventre, maintenant il faut les coucher sur le dos, avant il fallait mesure le PSA pour dépister le cancer de la prostate maintenant on pense que c’est une connerie, avant on posait des stents sur des angors stables, maintenant on pense que ce n’est pas plus efficace que certains médicaments (mais on continue de poser des stent), etc, etc. Alors qu’avec l’homéopathie rien n’a jamais changé. Ce qui était vrai il y a un siècle est vrai aujourd’hui. Quelle stabilité, quel repos pour l’esprit, quelle assurance pour nos consommateurs !

LR – N’avez-vous pas peur que votre franc-parler induise une méfiance chez vos « consommateurs ». Avouer que vos médicaments contiennent tous les mêmes granules ne risque-t-il pas de déconsidérer vos produits ?

FP – Il n’y a aucun risque et c’est même le contraire. Je vous l’expliquerai en trois points. A) N’importe qui est capable de comprendre qu’une société de notre taille, de notre stature ne peut croître sainement qu’en étant extrêmement rigoureuse dans tous ses processus, que ce soit le marketing, la fabrication des médicaments ou la gestion financière. Il y a donc bien longtemps que nous savons que les dilutions homéopathiques sont tellement gigantesques qu’il n’y a mathématiquement aucune chance pour qu’il reste une molécule dėcelable du composé original dans nos granules. On nous prendrait pour des imbéciles de ne pas le savoir et le reconnaître montre simplement que nous sommes lucides. De même ne pas prendre en compte ce fait dans nos processus de fabrication serait perçu comme absurde, que ce soit par nos consommateurs et plus encore par nos futurs actionnaires. Imaginez un peu que nous réalisions réellement toutes ces dilutions tout en sachant pertinemment que ça ne sert à rien. Soyons raisonnables, supprimons les processus inutiles et donc les coûts superflus, soyons honnêtes avec nous-mêmes et avec nos parties prenantes. Comme je le dit souvent (avec une certaine malice reconnaissons-le), nous ne voulons pas prendre les gens pour des poireaux. B) D’une manière générale il n’y a pas de lien entre les faits et les croyances. Et nous l’avons vu la croyance est le principal moteur de l’homéopathie. C) Enfin je vais sans doute vous choquer mais quasi personne ne lit votre journal. Votre volonté d’essayer d’établir des faits, de lutter contre les fakes news n’intéresse plus personne. Les gens préfèrent se gorger de nouvelles amusantes et fausses sur les réseaux sociaux.

LR – Hum. On accuse parfois l’homéopathie d’être dangereuse, on parle de gens cancéreux qui se soigneraient avec l’homéopathie. Quelle est votre position sur ces sujes ?

FP – Trois points sont à retenir pour bien comprendre. Tout d’abord l’homéopathie ne soigne que des maladies qui guérissent toutes seules. C’est une de ses grandes forces. Nous ne visons que les problèmes bénins, ce qui représente un marché considérable et sans risque. Il est important en effet pour une société comme la nôtre de ne pas courir de risques juridiques en essayant de soigner des maladies qui ne guérissent pas ou très difficilement. Sans compter que nous risquerions de remettre en question la en notre efficacité que les consommateurs nous portent. Ensuite nous ne pouvons être tenus pour responsables de ce que font les consommateurs voire les prescripteurs avec nos produits. Enfin je tiens à le dire, nous n’accomplissons pas de miracles. Nous nous contentons d’adresser un segment de marché bien défini, en forte croissance, dans lequel notre leadeship et notre positionnement permettent à la fois des volumes de ventes en augmentation constante et des économies d’échelle et donc des gains signiticatifs de marge opėrationnelle que, je le confirme au passage, nous saurons transformer en dividendes pour les actionnaires qui nous accorderons leur confiance, notre valeur ajoutée atteignant un niveau de performance inégalé, grâce à la rationalisation de nos processus, la qualité de notre ingénierie financière et la force de nos valeurs fondamentales, de notre ADN. Voilà. J’espère avoir été clair.

PS Cette interview est une oeuvre de fiction. Toute ressemblance avec des personnages ou des sociétés existants ou ayant existé serait purement forfuite.

Bon week-end Moussa

Vendredi 19h. Moussa arrive. J’ai senti au téléphone qu’il fallait le voir aujourd’hui. Le cabinet est vide, la semaine est terminée, j’ai tout mon temps.

Il sort de l’hôpital de jour et m’apporte le compte rendu pour que, comme chaque fois, je lui (ré)explique les choses. Non pas qu’on ne lui dise rien là-bas, mais parce qu’il veut comprendre le mieux possible, peut-être aussi parce qu’il veut la version du médecin auquel il a accordé sa confiance.

Notre premier contact remonte à un peu plus de deux ans, au tout début de mon installation. La médecine du travail lui avait détecté une hyperglycémie. C’était la première fois que je devais prendre en charge un diabète 2 débutant et j’ai préféré l’adresser en hôpital de jour dans un grrrand CHU parisien. Il en est revenu terrorisé, avec l’équation diabète = maladie mortelle imprimée profondément, un bilan montrant une absence de complications, un lecteur de glycémie, l’instruction de s’auto-mesurer 5 fois par jour, une dose de metformine qui lui donnait mal au ventre et une feuille de conseils hygiéno-diététiques détaillés. Il ne sait pas lire Moussa.

Je lui ai demandé s’il savait à quoi servaient les auto mesures, il n’en avait pas la moindre idée. Moi non plus. Je lui ai dit d’arrêter, que son diabète était peu important et que l’on avait pas besoin de ça pour le suivre. Au fil du temps j’ai tenté de dédramatiser la situation, de lui expliquer que le suivi du taux de sucre ne constituait qu’une facette d l’histoire, que ce qui comptait surtout c’était la surveillance des complications possibles, qu’on allait s’en occuper, qu’on avait le temps, que si on le surveillait bien ça devrait aller, on pourrait détecter les complications à temps, agir. Je lui ai parlé de cœur, de reins, d’artères, de nerfs, je lui ai expliqué comment on surveillait cela. J’ai exploré avec lui comment, alors qu’il vit en foyer, que sa base alimentaire est constituée de mil et de riz (qu’on lui avait interdit), il pouvait se mettre plus en phase avec les sacro-saintes règles hygiéno-diététiques, etc. J’ai cherché à lui faire comprendre les vrais enjeux du suivi de son diabète, je continue.

Quelques mois plus tard il est venu me voir pour autre chose. Il avait passé deux mois au Mali, avec sa femme, ses enfants, sa famille, ses amis. Il avait constaté alors qu’il n’avait plus d’érections. Complication possible du diabète certes, mais je lui ai fait réaliser un bilan quand même. Et découverte d’une hyperprolactinémie majeure conduisant à l’identification d’un gros macroprolactinome (une tumeur non cancéreuse ou adénome située à la base du cerveau au niveau de l’hypophyse), pris en charge comme il se doit dans un grrrand CHU parisien. La nouvelle l’avait abasourdi. Je ne suis pas sûr que je savais répondre aux questions qu’il se posait, à peine à celles qu’il me posait. La cabergoline qu’on lui avait prescrite semble un traitement efficace et l’on peut espérer une guérison. Mais lui savait surtout qu’il avait une tumeur dans la tête. Il avait sans doute accepté l’idée que ce n’était pas un cancer mais restait d’autant moins convaincu de sa guérison possible qu’au fil du suivi en hospitalisations de jour le volume de l’adénome diminuait à peine. Les chiffres il les lisait bien. Et pour ce qui concerne le retour des érections il ne pouvait pas se prononcer tant qu’il n’aurait pas revu sa femme.

Doit-on les attribuer à son anxiété, à la prise de médicaments en tous cas il s’est par la suite mis à se plaindre de douleurs digestives telles que je l’ai adressé pour une fibroscopie gastrique. J’ai reçu le compte rendu d’anapath la semaine dernière. Mon correspondant avait ajouté au stylo qu’il allait reconvoquer Moussa pour mettre en place le suivi de la métaplasie gastrique qu’il avait détectée.

Il est 19 h. Dans son boubou impeccable, une écharpe bleu délavée autour du cou faisant ressortir son regard clair, Moussa est là. Il me donne le CR de son bilan endocrinien en hospitalisation du jour même (alors là chapeau le grrrand CHU) et son ordonnance de sortie. L’adénome continue de diminuer doucement mais il a développé, du fait de cette tumeur, une insuffisance hypophysaire. Il doit dorénavant être supplémenté avec deux hormones : du cortisol et des hormones thyroïdiennes. Pire : sa production de cortisol étant insuffisante, en cas de situation d’urgence et d’impossibilité d’avaler des comprimés, il faut lui injecter de la cortisone. Il doit partir bientôt au Mali. Cela l’inquiète beaucoup. Comment fera-t-il là-bas s’il a besoin d’injections ? Combien emporter de doses ? Comment savoir quand il faut réellement augmenter les doses de cortisone ? Il me montre la carte européenne d’urgence qu’on lui a remis et qu’il doit dorénavant garder constamment sur lui. Il ne peut pas la lire mais le visuel ne fait pas place au doute : il est en danger.

Même si on lui a plutôt bien expliqué les choses à l’hôpital, il faut recommencer, s’assurer qu’il comprend bien, le rassurer sans minimiser l’importance de cette supplémentation. Je ne pense pas y arriver mais on cause, on clarifie, on répète, on essaye de rester très concret, ça le fait cheminer, c’est déjà ça, on continuera.

C’est alors il me demande de lui expliquer les résultats d’anapath de sa biopsie gastrique. Il est convaincu d’avoir un cancer de l’estomac. Ce n’est pas le cas mais oui il y a un risque de transformation de la métaplasie gastrique en cancer, c’est pour cela qu’il va falloir organiser un suivi, un de plus. Je ne peux pas lui expliquer les choses sans prononcer le mot de cancer. J’essaie de tourner autour du pot mais il faut bien. C’est le mot qu’il a en tête, si je ne le prononce pas, si je ne le situe pas comme il faut je ne vais que compliquer les choses. Moussa comprend très bien je pense mais me croit-il ? Et s’il me croit est-ce que cela change vraiment son ressenti, son appréhension de sa situation globale ? A une situation complexe et lourde s’ajoute le poids d’une nouvelle situation complexe.

Je sens bien que devant ce cumul comme il le nomme lui-même, mes tentatives pour calmer son anxiété sont maladroites. Parce que c’est un fait qu’il cumule Moussa, un diabète, un macroprolactinome, une insuffisance hypophysaire, une métaplasie gastrique pouvant se transformer en cancer… et … ah oui, une hépatite B chronique comme il me le rappelle, comme tant d’africains.

« Vous comprenez docteur je cumule des maladies qui ne sont pas guérissables, ça fait vraiment beaucoup ».

Le paradoxe c’est qu’en dehors de ses difficultés d’érection qui ne le gênent pas plus que ça au quotidien en France, il va bien Moussa, il se sent physiquement bien, il n’a pas de symptômes particuliers. Mais il est inquiet. Il cumule trop. Sa vie a basculé.

« Je ne veux pas mourir ici docteur, je veux mourir chez moi. Ici je n’ai personne. Avec tout ce que j’ai ça ne peut pas durer très longtemps. J’ai déjà prévenu mon fils aîné, il sait que je suis gravement malade. Alors il y a une chose que je voudrais vous demander docteur c’est de pouvoir compter sur vous quand ce sera la fin. Quand vous saurez que c’est fichu, qu’il n’y en a plus pour longtemps, dites le moi, prévenez-moi pour que je puisse rentrer chez moi. Parce qu’ici je n’ai rien, personne, je ne veux pas mourir ici. »

Il peut compter sur moi bien sûr, si tant est que je sois un jour capable de fournir avec précision un tel pronostic. L’accord est scellé par le regard.

Il est 19h30. Je lance les télétransmissions, baisse mes volets, range mon bureau. Nous échangeons des banalités. Nous sortons ensemble. Nous nous saluons sur le pas de la porte.

Bon week-end Docteur

Bon week-end Moussa

Quand l’internat durait un an

J’ai démarré tambour battant la préparation de l’internat (l’ancêtre des ECN) en assistant aux conférences dès ma quatrième année de médecine. Ça se passait à la Pitié où un chef de clinique réputé nous faisait plancher. On lui payait cash à chaque session une somme que j’ai oubliée, on rédigeait une question, il nous en présentait une autre, une fois par semaine, ça devait durer 3 ans comme ça, toutes les semaines. Après un raisonnement sophistiqué, j’ai conclu au bout d’un an que puisque je voulais devenir généraliste il valait mieux que je passe du temps en stage pratique – entendez à ne pas bachoter – et qu’au fond c’était une mauvaise idée de passer l’internat.

À l’époque faire médecine ne durait que sept ans. Si on ne passait pas l’internat on effectuait en 7ème année un stage de FFI ou Faisant fonction d’interne. J’étais passé dans plusieurs services au CHI de Poissy, j’avais adoré celui de réanimation chirurgicale dont Jean-Pierre Terville était le chef en même temps que celui du SMUR, antenne locale du SAMU 78. Il a accepté ma demande de faire le FFI chez lui en m’expliquant que passer un an à faire du SMUR et de la réanimation chirurgicale était une excellente manière d’achever une formation pour devenir généraliste. Je le cru.

C’est ainsi que j’ai passé une des plus belles années de ma vie.
Nous étions 4 co-internes, assurant en relais le SMUR 24/365. Les gardes de week-end duraient 48 heures. Nous passions la vie à l’hôpital. nous faisions relativement peu de sorties et les nuits blanches étaient rares. En général nous dormions pas mal – surtout moi qui flippais de ne pas dormir assez et qui allait me coucher dès 22h quand le régulateur me fichait la paix. Rien à voir avec ce que vivent les internes aujourd’hui. Après 6 ans d’études j’étais enchanté d’exercer mon métier. La vie et l’ambiance à l’hôpital étaient captivantes.

En début de stage, quand est venu le moment d’élire un nouvel économe à l’internat, j’ai proposé à mes co-internes de faire une liste commune avec moi. Il y aurait un économe sur place 7 jours sur 7 et la clé de la cave à vin serait toujours là. J’ignorais quasi tout des traditions de salle de garde. L’idée m’amusait. J’avais compris que le but était d’amener un peu de confort / réconfort aux gens qui y mangeaient, on verrait bien comment on s’y prendrait.

L’ambiance de la salle de garde était cool. Il n’y avait aucune règle et ni mes co-économes ni moi n’attendions un quelconque comportement de autres vis à vis de nous. Une fois par mois nous demandions de l’argent aux internes, chefs de cliniques et rares chefs de service qui mangeaient à l’internat (pas aux externes bien sûr). Assis à l’entrée, un grand seau rempli de diverses sauces à fort potentiel salissant à nos pieds, une louche dans la main et la caisse sur les genoux, nous acueillions les convives du jour avec bienveillance, s’ils payaient. Nous ne faisions jamais crédit. L’argent nous permettait d’acheter des boissons à base d’éthanol d’intensité et genres variés et d’organiser des tonus (fête d’internat). J’étais tellement inconscient que j’avais créé un compte joint avec Frédéric, l’économe numéro 2 pourrait-on dire, sans aucun contrôle de qui que ce soit.

Je réalise quand je découvre sur Twitter certaines ambiances d’internat d’aujourd’hui, l’exploitation dont sont victimes nos jeunes confrères, à quel point j’ai été privilégié. Nous entretenions d’excellents rapports avec l’hôpital. Deux « loulous » étaient détachées à la cuisine de l’internat, Madeleine et Geneviève. Elles s’assuraient que le frigo était plein, qu’on puisse se griller un steak en arrivant tard, elle amélioraient la cuisine de l’hopital, nous servaient à table parfois, nous dorlotaient, s’échappaient tout comme moi de l’internat quand un vent de folie gagnait mes collègues et que, on ne sait pourquoi, un déjeuner finissait en projection, transformant la salle à manger en gigantesque poubelle, puis nettoyaient avec nous en se plaignant de ces polissons qui avaient encore fait des bêtises. Madeleine venait aussi le soir, hors contrat. C’était notre Laurette.

Je trouvais la déco immonde. Les murs étaient sales couverts de graffitis et de dessins obscènes. J’ai obtenu sans difficulté que l’hôpital les repeigne, choisi avec soin un abominable rose saumoné puis scotché fermement sur cet écrin tout frais de superbes reproductions de Folon, Magritte ou Schlosser qui passèrent, à cette époque où l’image était rare, comme des oeuvres avant-gardistes (ces affiches provenaient de la boite créée par mes parents dont j’étais à des années lumière d’imaginer tenir un jour les rênes), transformant la salle de garde en une sorte de galerie d’art qui résista un mois ou deux avant d’être dévastée par une nouvelle projection. Heureusement c’est l’économe qui engage les peintres spécialisés pour réaliser les fameuses fresques pornographiques et nous avons pu cette année là échapper à cette tradition idiote.

Folon, Aime moi Lili

Folon, Aime-moi Lili

Nous obtenions assez facilement les choses de l’hôpital, les draps étaient propres (merci les loulous), on mangeait bien, on se sentait chez nous. Pour un tonus « gaulois » j’avais trouvé à acheter un sanglier entier. Il était abattu en fonction de la date à laquelle on venait le chercher. Je l’ai ramené sur une bâche dans mon coffre à la cuisine de l’hôpital où le chef s’est fait un plaisir de le transformer en plat exquis. Pour un autre tonus j’avais acheté un feu d’artifice assez important avec déclenchement électrique. C’est l’électricien de l’hôpital qui a tout installé et m’a fait découvrir par la même occasion les pinces à épissures. Le centre de transfusion sanguine juste à côté possédait une salle de conférence et nous l’a prêtée sans discussion quand j’ai organisé un concert avec Les Blaireaux, groupe de free jazz formé par des potamois et qui fut un bide à la fois musical – le public a trouvé ça mauvais – et financier, le seul public que nous ayons réussi à faire venir étant constitué des internes de garde non occupés et qui bien entendu refusèrent de payer leur place. Quand aux habitants de Poissy sur lesquels je comptais en masse pour pouvoir payer le cachet auquel je m’étais engagé, ils avaient sans doute piscine.

Pour la piscine d’ailleurs ça été un peu plus difficile. Le directeur de l’hôpital ne souhaitais investir ni dans une piscine en dur ni dans quelque chose de plus simple. J’avais beau lui expliquer à quel point il était important que les internes puissent avoir des moyens de détente sains pour mieux travailler, il manquait de clairvoyance. Qu’à cela ne tienne, nous avons écrit à tous les chefs de service sachant qu’ils comprendraient mieux la nécessité vitale d’installer une piscine à côté de l’internat pour le plus grand bien des patients qui bénéficieraient ainsi de soins d’internes détendus et heureux. Puis nous avons débarqué chez eux, dans leurs bureaux, dans leurs services pour argumenter oralement (sans louche et sans seau). La piscine a été installée au début de l’été (1984 je crois) une belle piscine Zodiac avec de gros boudins autour tous remplis d’eau comme. Idéal pour s’étendre et se relaxer. Le jeu le plus prisé a rapidement été de jeter à l’eau les internes tout habillées – oui je sais ce n’est pas politiquement correct – jeu rapidement stoppé suite à une initiative des gens de la biochimie qui retrouvèrent dans l’eau de la piscine les pires germes de l’hôpital. C’était l’été, le cocktail à la mode était le blue lagoon, les guitares chantaient certains soirs, on se réchauffait sur le tard avec un feu de bois, on avait hâte d’être de garde (1).

On bossait quand même, on ne pensait pas qu’à boire. D’ailleurs j’avais des problèmes d’estomac (qui sont finis merci d’avoir posé la question) et je ne buvais que du lait. Le SMIR c’est (c’était) assez simple : le but est de ramener le patient vivant à l’hôpital. Le régulateur se débrouille pour qu’on aille dans le bon hosto avec l’accueil ad hoc selon le problème. Le chauffeur chauffe. Comme en général les gens ne meurent pas en un instant, il suffit d’aller vite (2). On se retrouve projeté dans de multiples situations, parfois assez dramatiques et il faut évaluer, décider et agir vite. C’est formateur mais on n’a pas le temps de tisser des liens avec les patients. Ni l’occasion de les revoir. Peu de choses à voir avec la médecine générale donc.

La fin a été brutale. Tout à coup le stage se termine et les études avec. Après une année si intense sur tant de plans, avec tant de contacts, de travail en équipe, de camaraderie (n’ayons pas peur des poncifs), d’expériences, je me suis retrouvé dans la nature, à démarrer des remplacements à la campagne, seul dans mon cabinet, à faire face à des situations auxquelles je n’étais nullement préparé, sans besoin d’intuber ni perfuser des gens, sans internat, avec le service militaire qui pointait son nez et l’hiver avec. Brrr !

Ce n’est que plusieurs années après que j’ai réalisé que cette année fut celle de mon passage à l’âge adulte. C’est sans doute pourquoi elle reste si vivante dans mon souvenir.

(1) Apparemment il y a toujours une piscine et des fêtes à Poissy mais le climat a bien changé !
(2) Des fois c’est plus compliqué j’avoue

 

Comédie dramatique

Je visite Marcelle à domicile depuis 6 mois environ. Octogénaire, artéritique, insuffisante coronarienne avec rétrécissement aortique, insuffisante cardiaque de ce fait, insuffisante rénale, percluse d’arthrose, Marcelle ne sort plus de chez elle et je l’entend souffler comme une locomotive chaque fois qu’elle vient m’ouvrir. Je suis appelé pour une rougeur douloureuse sur la jambe. Elle vint de rentrer d’une assez longue hospitalisation en cardiologie – je l’y avais adressée pour des douleurs d’allure coronarienne assez inquiétantes – et va plutôt bien, contente d’être rentrée chez elle. Je ne lui porte pas plus d’attention que ça quand elle me dit qu’elle trouve bizarre de pisser moins alors qu’elle prend deux fois plus de lasilix qu’avant (elle n’est pas encore passée aux DCI), diagnostique un début d’infection cutanée (erisypèle) et lui prescrit une pommade antibiotique, lui demandant de me rappeler si cela ne s’arrange pas où si elle se met à avoir de la fièvre.

C’est l’infirmière qui me rappelle une semaine plus tard : Marcelle a pris près de 5 kg par rapport à la dernière pesée et lui semble plus essoufflée que d’habitude – si cela est possible. Je viens la voir bien décidé à la faire ré-hospitaliser si nécessaire. Comme d’habitude je l’entend souffler derrière la porte. Comme d’habitude, une fois rassise sur son lit sa respiration s’apaise. Son infection cutanée est guérie, nous papotons, je l’ausculte, elle a des crépitants aux bases comme souvent, pas d’œdème des membres inférieurs – mais on est le matin et « je dors avec les jambes surélevées docteur ». sEs paramètres tension et pouls sont dans les eaux habituelles. Dans le carnet de liaison, je vois que l’infirmière lui a donné du racécadotril (elle est passée aux DCI elle). « Vous avez la diarrhée ? » « Oh oui depuis que je suis rentré de l’hôpital, j’ai la diarrhée, c’est pénible. Et puis j’ai tout le temps envie de dormir, vous croyez que c’est quoi docteur ? » Me revient l’histoire de la diurèse. « Et au fait vous pissez normalement maintenant ? » Oh non, je pisse moins qu’avant, je ne comprend pas avec les deux Lasilix (sic) je devrais pisser plus ! »

Je me lance alors dans une conjecture qu’il serait difficile de QCMiser aux ECN : Marcelle semble manifestement décompenser son insuffisance cardiaque or elle vient de passer 4 semaines en cardiologie dans un grand service parisien. Logiquement elle doit aller bien (ou en tous cas pas plus mal au plan cardiologique). Si elle ne va pas bien c’est qu’il s’est passé quelque chose entretemps. Comme il ne s’est rien passé depuis sa sortie je n’ai pas d’autre idée que de voir ce qu’elle prend comme médicaments – ça a un peu changé et, bien que je l’ai regardée la semaine passée, je reprend l’ordonnance de sortie. Rien que de très normal pour son état mais une nouveauté sur laquelle je n’avais pas percuté : du Lyrica 100, 2 par jour (apparemment à l’hôpital ils ne sont pas encore passé aux DCI). « C’est nouveau le Lyrica là, ça vous fait du bien ? » « Ah oui j’ai beaucoup moins mal aux jambes. »

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J’ignore quasi tout des effets indésirables du Lyrica mais j’ai une base de médicaments dans mon smartphone. Plus efficace que ma mémoire. Et là que vois-je, parmi les (incroyablement nombreux) effets indésirables possibles :

  • très fréquent : somnolences
  • fréquent : prise de poids (mais la prise de poids rapide plutôt due potentiellement au suivant)
  • peu fréquent : insuffisance cardiaque congestive
  • rare : oligurie, insuffisance rénale

Surtout je lis dans Précautions d’emploi que « la prégabaline doit être utilisée avec précaution chez les personnes insuffisantes cardiaques » et dans Posologie que « la dose doit être adaptée à la clairance de la créatinine ». Ma religion est faite : il faut en tous cas arrêter ce médicament et voir ce qui se passe et si rien ne se passe il faudra l’hospitaliser. Je me donne 48/72H.

Je me plonge alors dans le pilulier, ou plutôt dans la corbeille de médicaments afin d’identifier la prégabaline pour la retrouver dans le pilulier et la retirer tout de suite. Horreur ! la boite de Lyrica est une boite de gélules de 200mg.Et ce sont bien ces gélules de 200 mg qui se trouvent dans le pilulier. Marcelle prend donc 400mg par jour, le double de la dose prescrite. Je tiens le bon bout. J’extirpe alors les grosses gélules du pilulier (avec difficulté d’ailleurs, je me demande toujours comment font les personnes âgées aux doigts mal agiles) et les jette à la poubelle. Coup de chance elle a oublié de prendre ses médicaments hier soir (somnolent elle s’est endormie plus tôt) et ne les a pas encore pris ce matin, je suis venu à l’aube. Un tour de gagné. Petit mot dans le cahier de liaison pour signaler l’erreur de dispensation. Explications à Marcelle qui ne rechigne pas alors qu’elle sait bien que du coup ses douleurs vont revenir… Mais on verra ça dans deux ou trois jours, je sais qu’elle a des réserves de tramadol !

Trois jours plus tard j’appelle 

– Allo bonjour c’est le docteur Blanc
– Oui bonjour (une voix qui n’est pas celle de Marcelle)
– J’appelais pour prendre des nouvelles de Marcelle, je suis son médecin traitant
– Je suis sa fille, Maman est morte ce matin.

Epilogue

Comme vous pouvez l’imaginer je me sens assez mal depuis ce coup de fil et je me pose beaucoup de questions :

  • Aurais-je du l’hospitaliser et ne pas me contenter de stopper le traitement ? Et si oui est-ce que cela aurait changé les choses ?
  • Aurais-je du au moins lui faire prélever de suite un bilan sanguin, vérifier l’ionogramme, la NFS, le BNP et ne pas attendre 2 à 3 jours pour observer l’évolution ?
  • Aurais-je du rappeler le lendemain de ma visite comme j’avais prévu de le faire alors que, débordé je l’ai remis d’un jour ?
  • Une semaine plus tôt, j’ai regardé son ordonnance. Je n’ai pas percuté sur le Lyrica. Si j’avais bien connu les risques cardiaques de cette molécule sans doute aurais-je été alerté plus tôt ? Mais comme l’ordonnance avait été écrite par des cardiologues du CHU, je n’ai pas ressenti le besoin de vérifier (elle était par ailleurs assez cohérente cette ordonnance).
  • Une semaine plus tôt je n’ai pas non plus tiqué sur la baisse de diurèse. D’une visite à l’autre il y avait toujours des plaintes fonctionnelles nouvelles avec Marcelle, un genre de filtre avait fini par se mettre en place et je me concentrais sur les paramètres vitaux.
  • Comment se fait-il que la dose double de prégabaline ait été dispensée à la fois par le pharmacien et par l’infirmière ?
  • Comment se fait-il que les cardiologues qui connaissaient parfaitement son cas lui aient prescrit cette molécule ?
  • De quoi est-elle morte au fond ?

J’ai longuement hésité à publier ce texte dont la première partie a été écrite avant le décès de Marcelle. Je le fais en pensant qu’il permettra peut-être à d’autres drames de ne pas se produire.

En toute ignorance de cause

René Magritte, La mémoire

René Magritte, La mémoire

Cela fait presque un an que j’exerce à temps plein la médecine générale d’abord comme remplaçant et, depuis 5 mois, dans mon propre cabinet. A contrario des jeunes médecins qui s’installent, cela ne s’est pas réalisé après neuf années d’études et de stages apportant de larges connaissances médicales mais après 28 ans d’expérience de la vie en entreprise (et de la vie en général) et une année (validée !) de requalification à la pratique de la médecine générale. A contrario encore de ces jeunes débutants, les capacités de mon cerveau vieillissant à absorber les connaissances n’ont qu’un lointain rapport avec les leurs. Sans émettre de jugement sur la pertinence de l’ECN dans l’apprentissage médical (ce n’est pas le sujet ici), il m’aurait été impossible de m’y présenter sauf à prétendre à la dernière place. Et encore il doit bien y avoir une note éliminatoire !

Comme vieux débutant, il n’est pas question pour moi par exemple, devant des symptômes exprimés ou décelés, de visualiser instantanément toutes les hypothèses les plus crédibles, de dérouler la logique impeccable d’éventuelles explorations à mettre en œuvre, d’évoquer avec assurance les diagnostics différentiels à côté desquels ne pas passer. Le champ de mon ignorance est beaucoup trop vaste (bien que, à la manière de Sisyphe, je travaille quotidiennement à le diminuer).

Force est donc de trouver la manière de cheminer pour apporter des éléments de réponse aux demandes de celles et de ceux qui viennent me consulter et pour ne pas leur nuire en composant avec ma mémoire défaillante. Voici comment je m’y prend.

D’abord faire connaissance. En dehors de cas de “dépannage” (quand je vois quelqu’un parce que son médecin traitant ou son pédiatre n’était pas disponible et qu’il s’agit d’une problématique simple et courante), je commence par faire connaissance avec la personne. J’ai le plus souvent une petite conversation sur son métier (ça me parle parce que je connais bien les différents types de poste dans une entreprise et que je sais poser des questions dessus, lever le voile sur les enjeux de ce job ou de cette branche – enfin souvent) et je me rend compte que cela m’aide à avoir une meilleure vision de mon interlocuteur.trice, à mieux m’en souvenir, à ne pas engager la relation seulement sur le plan médical, à proposer le moment venu des options plus en phase avec son quotidien. Quel plaisir de voir pétiller le regard de cet homme de 75 ans à l’évocation des recherches qu’il a menées en physique des particules, quel enseignement de voir tel autre parler de son mal être au travail – quand ce n’était pas forcément son motif de consultation – ou encore d’entendre celui-ci ou celle-ci qui, en baissant le regard, presque honteux.se me confie être sans emploi. Certes parfois je m’égare, mais la vie au travail, la vie en dehors du cabinet médical (le travail, les enfants, la famille les hobbies, le sport, la fumette, etc.) et du motif de consultation est quand même ce qui compte le plus pour mes visiteurs. Je le sais bien, je l’ai vécu !

Je creuse bien entendu les antécédents, en essayant dans la mesure du possible d’aller au-delà des étiquettes, de reprendre l’histoire. Cela m’apporte non seulement une information médicale mais aussi une petite lumière sur le rapport de cette personne à la maladie. C’est parfois un peu long…

Ensuite écouter. J’ai vu passer des statalacons montrant qu’un médecin en moyenne interrompait son patient au bout de x secondes (là je n’ai pas le courage de chercher ce chiffre x idiot, mais c’était des secondes). Mais comment font-ils ? Expliquer ses souffrances, raconter l’histoire de leur apparition, leur chronologie, etc. est très difficile, implique une finesse d’écoute de soi-même, une richesse d’analyse et de vocabulaire exceptionnelles. J’ai vécu cela mille fois en entreprise : les gens ont du mal à s’exprimer, les mots sont des masques, la parole est souvent bancale, maladroite, dit facilement le contraire de ce qu’elle veut. Alors je reformule, je questionne, je repose les questions autrement, je suggère des listes de mots pour qu’ils piochent, je recentre sur les symptômes quand la discussion s’égare sur les interprétations, je trie et quand je ne sais plus quelle question poser j’interroge sur le contexte, le climat dans lequel tout cela se passe. Certes je ne m’étend pas sur la couleur des secrétions nasales d’une rhinite, sujet pourtant Ô combien important pour tant de gens, mais tant que je ne perçoit pas de piste à emprunter, je continue de questionner. Je n’hésite pas à tricher (merci la tablette) ouvrant par exemple un document sur les parasitoses digestives tout en parlant avec cette dame qui a des trucs blanc bizarres dans les selles. Et posant de ce fait des questions auxquelles je n’aurais jamais pensé.

Ça ne suffit pas mais ça m’aide beaucoup.

Puis examiner. Là c’est simple, plus je sèche plus j’examine : je pèse, je prend la température, la saturation, j’ausculte, je palpe, je tapote, je regarde, je fais marcher, plier, tourner, etc. En fonction du contexte bien sûr mais pas toujours. Je ratisse large. J’y vais aussi à l’instinct, j’essaye de sentir. J’appréhende toujours l’urgence. En médecine générale le pronostic vital est rarement engagé à très court terme. Et dans ce cas ça se voit. Tout à coup un ventre est bien dur, une fièvre bien forte, une respiration bien difficile, une pression artérielle bien basse, une douleur thoracique bien pesante… Mes années Samu pourtant anciennes se ravivent. Mais une fois encore c’est rare. Il me faut surtout distinguer, au-delà de l’urgence extrême, entre les situations où l’on peut prendre le temps d’explorer cette fucking situation à laquelle je ne comprend rien  en ambulatoire parce que je ne décèle pas de signes de gravité et celles où il semble qu’il ne faille pas perdre de temps et orienter dans les meilleurs délais (et que sans doute, plus expérimenté, je pourrais gérer avec la.le patient.e). Bien entendu le dialogue se poursuit pendant l’examen, de nouvelles questions peuvent surgir.

Enfin synthétiser et décider. C’est le moment difficile pour moi, celui où, après avoir exploré la situation en détail il convient d’expliquer (et de me faire comprendre) ce que j’ai observé, ce que j’en déduit et ce que je propose comme étape suivante. Parfois c’est facile. Je vois très clair et j’expose les options ou les déroulements possibles – quand il y en a plusieurs mais c’est rare qu’il n’y en ait qu’un – ou bien je suis assez directif quand je suis sûr que LA solution que j’ai trouvée est la bonne (oui je sais personne n’est parfait). Quand je sèche, je rédige l’observation en disant à voix haute ce que j’écris. Résumer les choses et les partager avec le patient me permet de mettre mes idées à plat, de vérifier s’il semble en phase avec mes observations, de les commenter au fur et à mesure à son intention. C’est souvent le moment où des situations se dédramatisent : « je n’ai pas de diagnostic précis mais cela ne m’inquiète pas outre mesure parce que vous n’avez pas maigri, vous n’êtes pas fatigué, vos paramètres généraux sont tout à fait satisfaisants (ouf !). Mais nous devons faire des explorations, etc. ». J’ai remarqué que ce type d’échange apportait souvent de nombreux éléments de réponses à des questions pas toujours formulées (« au fond je voulais être rassuré.e et c’est ce que vous avez fait Docteur »).

C’est aussi souvent à ce moment là que je consulte une base de données médicamenteuses pour rechercher les effets indésirables ou les médicaments possibles, une fiche mise de côté concernant le problème concerné, ou que je fais un petit googling discret (j’ai diagnostiqué comme ça un  jour une urticaire d’un nouveau né allaité dont la mère avait mangé des noix de cajou alors que j’ignorais tout de ce mécanisme mais lui ayant demandé si elle prenait des médicaments ou des aliments particuliers – je voyais bien que c’était allergique – elle m’a parlé de cette dégustation et j’ai googlé « noix de cajou allaitement allergie »….). Parfois j’hésite à le faire, pour ne pas paraître trop nul, mais le plus souvent je le fait et il me semble que les patients l’acceptent. Je préfère ça à faire une connerie de toutes manières.

Je n’ai pas toujours le cran d’avouer mon ignorance. Bon sang ce médecin il a 58 ans et il n’a jamais vu d’impétigo chez un gosse. Ben non, jamais ! Alors maladroitement il explique que toutes ces lésions ont bien l’air d’être infectieuses, qu’il y en a beaucoup et que bien que le gosse semble en pleine forme, il faut le traiter rapidement et donc qu’il va faire une lettre et même essayer d’appeler un dermato pour qu’il s’en occupe vite. Et le soir, quand il découvrira dans ses livres, à tête reposée, que c’était un impétigo juste un peu atypique, qu’il s’imaginera le rire guoguenard du dermato dérangé pour une situation aussi banale il aura, avec une certaine douleur, amélioré ses connaissances. Et somme toutes trouvé une issue correcte à la demande du patient.

Deux ans à toute vapeur !

IMG_0466 Cette histoire commence un matin d’avril 2014. J’exerce alors la noble profession de Directeur de l’innovation produits au sein d’une société dont l’activité ne présente aucun rapport ni de près ni de loin avec la médecine. J’y suis arrivé après une longue aventure comme dirigeant d’entreprise, aventure qui s’est mal terminée, parlons d’autre chose. Ce jour là une goutte d’eau fait déborder un vase qui s’était insidieusement rempli depuis plusieurs mois et, en une heure de temps, continuer à travailler là devient impossible. La difficulté de changer et de trouver un nouveau job, à 56 ans, me semble tout à coupe bien moins grande que celle de rester, de poursuivre. Ce n’est pas réfléchi, c’est un constat.

Toute personne même assez qualifiée ayant cherché un emploi sur le tard en conviendra : il est indispensable de le trouver avant de quitter le précédent, dans la mesure où on a le choix bien sûr. C’est vrai plus jeune aussi. Débute alors l’exploration de ce que je pourrais faire. La revue des offres d’emploi est déprimante. Rien qui me fasse envie, sans même penser à l’intérêt que je pourrais moi-même susciter. Je me sens en dehors de ces histoires. Comme beaucoup d’autres à cet âge je pense à exercer comme consultant. J’ai sans aucun doute une expérience à apporter à des entreprises et je commence, tout en continuant à travailler, à élaborer des scénarios. Ma compagne me dit que je devrais reprendre la médecine – que j’ai abandonnée en 1986 pour travailler dans l’entreprise familiale. Cette idée saugrenue me glisse dessus comme l’eau sur les plumes d’un canard. Je poursuis mes réflexions et commence à se faire jour un positionnement qui me semble assez séduisant : aider les PME à mettre en place un processus d’innovation. Je pense alors avoir suffisamment de connaissances en organisation, en management et en innovation pour devenir un interlocuteur intéressant. Ma compagne, imperturbable, me dit que je devrais reprendre la médecine et bien que saugrenue, je fini par accepter l’idée d’explorer aussi cette piste. Pour me remettre dans le bain je relis Patients si vous saviez qui me procure le même frisson de nostalgie que lors de ma première lecture à sa sortie, d’une traite, dans un train qui m’emmenait vers une nième réunion. Je m’achète également un ou deux bouquins de médecine pour mesurer l’écart qui existe entre mes souvenirs et la réalité, écart qui s’avère vertigineux.

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Je prends RV au conseil départemental de l’ordre des médecins pour connaître leur position par rapport à cette éventualité et l’on m’indique qu’il existerait un cycle destiné à remettre à jour les médecins ayant arrêté d’exercer mais sans me confirmer bien sûr que si jamais je réalisais ce cycle je pourrais alors m’inscrire au conseil de l’ordre, condition indispensable pour exercer la médecine dans ce pays. Ils ne manquent pas de me ressortir au passage qu’en 1986 Je n’avais pas payé ma cotisation. Faites-gaffe ils ont de la mémoire

Ces démarches et réflexions nous amènent courant mai 2014. J’entame alors un parcours un peu chaotique en vue de dégotter ce cycle de requalification – dont mon interlocuteur à l’ordre n’avait qu’une très vague connaissance – et le cas échéant de m’y inscrire. Sans trop y croire mais en me donnant du mal, je fini par déposer un dossier à l’Université de Paris 5 qui est la seule à proposer ce DIU de reconversion à la pratique de la médecine générale en région parisienne (c’est là que j’habite). Je mesurerai l’importance de mon désir de retourner dans cette voie sans m’en être aperçu plus tôt, le jour où, sans commentaire ni autre forme de procès, je recevrai une réponse négative à ma demande d’inscription. Malgré mon insistance je n’arriverai jamais à parler au responsable de ce DIU qui me fera dire par mail et par sa secrétaire de le recontacter dans un an car il compte peut-être mettre en place un cycle de 3 ans qui serait plus adapté à mon cas. Ce qui repousserait vers les 61 ans le début de ma carrière médicale et, bien que plutôt en forme, je trouve cela un peu tardif. Je ne citerai pas de noms.

Je me lance alors dans la recherche d’autres universités dispensant ce DIU et, aussi bien à Nantes qu’à Lyon, à Tours qu’à Rennes je découvre des gens charmants et bien intentionnés qui sont prêts à étudier mon dossier, acceptent de me parler au téléphone. Je revois Christian Lehmann, ancien camarade d’internat, dans son cabinet à Poissy pour qu’il me dise un peu comment ça marche, je commence à potasser.

IMG_0467Mi-juillet, alors que je mange un sandwich à midi au soleil au bord de la Saône – je travaille alors régulièrement dans une imprimerie du groupe qui m’emploie dans le coin et où j’ai installé mon unité de recherche de nouveaux produits – je reçois un mail du Département de Médecine Générale de Rennes : ils acceptent de me prendre dans leur DIU. Instant magique. Coup de fil à ma compagne. Alors c’est bien vrai, c’est possible. Nous n’y croyons pas encore. Mais quand même.

Les vacances d’été en Birmanie seront studieuses et à la rentrée, une fois en main l’autorisation officielle d’inscription au DIU, je négocie mon départ de l’entreprise. Fin octobre 2014 je la quitte pour me plonger entièrement dans la construction de cette nouvelle vie.

Le conseiller de Pôle Emploi trouve mon histoire intéressante et se démène pour que mon dossier avance bien. Courant novembre le principe du financement de ma formation est accepté et je peux m’inscrire officiellement à l’Université. Je commencerai le DIU le 1er décembre, soit 5 semaines après le départ de l’entreprise. Je serai rémunéré par Pôle Emploi pendant toute sa durée. Je ne pouvais pas imaginer mieux.

Le cerf

Je commence alors à m’attaquer à ce qui allait être le problème le plus complexe à résoudre : l’inscription au Conseil de l’Ordre. Le DIU comprend une première partie de stages chez le praticien (équivalents à des stages de niveau 1) puis une seconde partie de stages équivalents à des SASPAS (stage en autonomie avec supervision différée). Pour cette deuxième partie il est nécessaire d’être inscrit à l’Ordre des médecins. Mais pour l’Ordre, il n’est pas question de m’inscrire tant que je n’ai pas validé le diplôme. Les anglais appellent cela un catch 22, moi un merdier.

Je lance sur Twitter – que je commence à fréquenter – et par relations, divers appels qui aboutissent fin décembre 2014 à une lettre recommandée comminatoire du Conseil de l’Ordre de Paris refusant de m’inscrire ainsi que toute discussion supplémentaire.

Pendant ce temps là, j’ai passé quelques journées avec le Dr Bienveillant alias @LehmannDrC – mes premières journées en cabinet médical depuis 1986 – et j’ai démarré mon DIU à Rennes, ville que je découvre, accueillante, vivante, chaleureuse.

J’ai aussi poursuivi ma découverte de Twitter, monté un site personnel sur le modèle fourni par @L_Arnal, découvert le blog de Jean-Claude Grange (@docdu16), dont je ne saluerai jamais assez à quel point il m’a éclairé, celui de @Jaddo où j’ai pris des leçons de médecine générale que je n’aurai pas à la fac et aussi ceux de Sylvain Fèvre (@sylvainASK), @docteurmilie, @farfadoc, @Babeth_AS, ou @qffwffq pour n’en citer que quelques uns. Je me mets à écrire ces Chroniques, un moyen de creuser des sujets qui me tiennent à cœur ou que j’ai du mal à comprendre. Et de rendre la pareille : je suis tellement ébloui par l’apport de ces acteurs des réseaux sociaux que j’en deviens le promoteur, ce qui me conduira, sur la fin de mon cursus, à créer et donner un cours aux IMG de Rennes sur ce sujet avec deux médecins bretons qui ont depuis repris le flambeau.

Outre les stages qui composent la principale partie du DIU, je dois assister à un certain nombre d’heures de cours destinés aux Internes en Médecine Générale (IMG). Étant donné l’immensité de mes lacunes, je m’inscris à la quasi totalité d’entre-eux et me retrouverai ainsi, très régulièrement, au milieu d’une bandes de jeunes qui me regarderont de bout en bout comme un drôle d’oiseau. Et vice-versa. Je profiterai aussi des journées vides entre les cours et les stages pour glander découvrir les alentours de mon futur métier en passant une journée avec une infirmière, dans une pharmacie, chez une orthoptiste, chez un kinésithérapeute, chez une orthophoniste, chez une podologue. Ils sont tellement sympas à Rennes que personne ne refuse de m’accueillir.

klee24La principale difficulté est de trouver des maîtres de stage. A Rennes comme ailleurs, la pénurie de Maîtres de Stages Universitaires (MSU) est grande, la demande plus forte que l’offre. Mes dates se planifient quasi au jour le jour. Pendant les congés de Noël 2014, pour la première fois depuis des temps immémoriaux, mon agenda de l’année suivante est vierge. Tout est à construire. Didier Myhié, Christelle Certain, Alain Couatermanac’h et Bernard Brau me dégageront des jours et des demi-jours en faisant des efforts et m’offrant une formation que je ne suis pas près d’oublier. J’aurai quelques jours moins heureux chez le Dr F de sinistre mémoire.

Début 2015, un ex Président Départemental de l’Ordre des Médecins que j’avais sollicité par relations me donne la clé : si Paris ne veut pas m’inscrire je devrais essayer en province où les règles seront les mêmes mais la discussion plus facile. J’approche du moment où cette inscription va être indispensable pour le bon déroulé du cursus et je contacte l’Ordre des Médecins d’Ille-et-Vilaine. Comme j’ai une adresse en ville pour cette année, ça peut le faire. Là je suis reçu par des gens ouverts, souhaitant que j’y arrive, cherchant la bonne méthode, me posant mille questions. Je passe en commission. L’un des médecins chez qui je suis en stage en fait partie. Je ne suis plus un numéro mais quelqu’un que l’on connaît. Fin avril 2015, un mois avant de commencer mon stage type SASPAS, je reçois la confirmation de mon inscription à l’Ordre comme médecin n’exerçant pas. Une grosse étape est franchie. Reste à trouver des terrains de stage.

Parce qu’à Rennes ça coince. Pas le moindre MSU pour confier sa patientèle, même sous supervision différée, à un débutant de 57 ans. Enfin c’est ce que je me dis, la réalité étant sans doute qu’il n’y a pas de place disponible. Le responsable de la coordination du DMG me propose 18 jours en été chez lui. Cette année il ne peut pas quitter Rennes et il va pouvoir me suivre. Il reconnaît qu’il ne trouve pas d’autre terrain et me dit que je devrais chercher sur Paris parce que si je dois m’y installer autant que je commence à y travailler. Pas con mais je n’ai aucune relation médicale à Paris et 42 jours de stage à dégotter avant la fin de l’année !

Mais j’ai Twitter. Je contacte en direct les twittos avec lesquels je suis en relation et qui me semblent être à Paris ou proche banlieue. Je manque à un cheveu de faire affaire avec @docteurmillie qui me propose des samedi matin. Mais c’est Philippe Grunberg (@PhilippeGrunber) qui m’ouvre la première vraie voie : il me propose les lundi après-midi. Banco je prends. Ça se transformera en lundi entiers avec le matin en observation aux consultations du CSAPA puis à l’automne en plusieurs demi-journées par semaine, un de ses remplaçants habituel étant tombé malade.  S’y ajoutera la découverte d’un type adorable qui aura été mon meilleur maître de stage.

Entre-temps, à la suite d’une simple lettre de ma part produisant la validation de la première partie de mon DIU, L’Ordre des Médecins du 35 fait évoluer mon statut de médecin n’exerçant vers celui de médecin remplaçant ce qui me permet d’enchaîner sans soucis. Je les aime.

Dès le printemps 2015, j’ai commencé à tâter le terrain pour mon installation que je comptais bien réaliser le plus tôt possible en 2016. Ainsi la FEMASIF relaie-t-elle un courrier de ma part auprès des MSP en projet en IDF. J’aurai un seul retour, celui d’Alain Mercier qui ne débouchera pas sur une participation à sa MSP mais me permettra de trouver le nombre de jours de stage qui me manquaient.

En même temps je vois passer un tweet de @docteurgece racontant qu’elle va s’installer en MSP à Paris. Je la contacte et trois mois plus tard en septembre nous arrivons à trouver une date pour boire un café. Son projet est au complet mais elle me recommande de contacter Hector Falcoff, personnage incontournable du paysage médical du 13ème qui travaille à un autre projet. Sa MSP doit ouvrir en avril-mai 2016. Le timing est parfait. Le projet intéressant. Je commence à le regarder. Nous sommes en septembre, je vais finir mon DIU et arriver en fin de droits Pôle emploi fin octobre, j’ai besoin de travailler. Hector m’indique qu’une consœur cherche un remplaçant rue Clisson. Elle travaille désormais à temps partiel et se fait remplacer plusieurs demi-journées par semaine de manière très régulière. Sa remplaçante actuelle doit accoucher et ne souhaite pas revenir ensuite, celle qui doit lui succéder n’est pas disponible avant mi-janvier. Je signe pour deux mois avec démarrage prévu le 16 novembre, le lendemain de ma soutenance de mémoire (ça parle de la prise de décision partagée et je l’ai résumé ici alors je ne vais pas m’étendre) qui clôt le DIU.

Ma vie d’étudiant se termine. Ce fut une bien belle année. Je souhaite à tout le monde d’avoir de si belles occasions.

Peu avant Noël Marion Marçais, ma remplacée, m’apprend que la remplaçante prévue mi-janvier ne va pas venir. Elle s’installe quelque part. Comme entre temps je n’ai pas trouvé ce qui s’appelle la queue d’un remplacement pour la suite (1 jour ici ou là disons) et que je commence à penser que m’installer dans ce cabinet (où il y a une salle de consultation vide) serait une option intéressante, je prends sans hésiter. Nous signons pour 3 mois de plus, jusqu’à mi-avril 2016. Début janvier 2016 nous concluons les termes d’une future collaboration et je renonce au projet de MSP sans aucun regret. J’y avais cru un moment mais la somme de contraintes et les délai du projet s’avéraient bien moins attractifs (sans compter les coûts fixe plus élevés, ne perdons pas le nord). La suite est assez simple : démarches administratives, plans sur la comète, travaux de rafraîchissement, mise en réseau de l’informatique, commande de matériel. Et enfin, cette semaine, deux ans pile après avoir décidé de changer de vie sans savoir encore laquelle j’allais mener, je pose ma plaque. Ravi.

Illustrations : Paul Klee

Le mirage de l’expérience thérapeutique

L’Evidence Based Medecine (EBM, traduit en français par Médecine Fondée sur les Preuves) est définie au travers de trois composantes :

  • les meilleurs preuves disponibles
  • l’expérience du médecin
  • les valeurs ou préférences du patient

Ce qui concerne les meilleures preuves disponibles fait l’objet de nombreux travaux (comme la synthèse Cochrane), visant à mettre à disposition de la communauté médicale des éléments de preuves d’interventions validés. Fondées sur des quantités considérables de recherches cliniques, ces preuves constituent, dans l’EBM, la base scientifique de la thérapeutique. Ce segment est indiscutable et riche de travaux.

La prise en compte des valeurs du patient se résout un peu trop souvent à l’incantation de “la médecine centrée patients” mais les travaux portant notamment sur la prise de décision partagée en médecine sont de plus en plus nombreux.

Reste la dimension expérience ou expertise du médecin dont je n’ai pas bien réalisé jusqu’ici s’il existait des fondement théoriques la soutenant et, bien que mon expérience de la pratique de la médecine générale soit encore très limitée, le développement éventuel de ma propre expertise se heurte à une difficulté de taille.

La gérante de mon G20 avec laquelle je taille volontiers une bavette en faisant mes courses d’épicerie en profite, maintenant qu’elle est affranchie de ma nouvelle situation, pour m’exposer sa philosophie sur la gent médicale. “Moi ce que je veux, c’est un médecin efficace. J’ai pas envie d’y retourner parce que le premier traitement ne marche pas. Il y a quelques années, j’avais des angines à répétition. A chaque fois mon médecin me donnait des cachets qui ne me faisaient rien du tout et du coup j’ai été voir un autre médecin. Un bon. Il m’a donné un médicament et depuis je n’ai plus jamais eu d’angine. Ça c’est du médecin.”

Passé le premier réflexe de lui demander le nom de ce médicament miracle – que je suis sûr nombre des lecteurs de ce billet aimeraient connaître – force est de revenir à la réalité : il est strictement impossible de savoir si la disparition de ses angines a quoi que ce soit à voir avec cette prise médicamenteuse. Je dirais même plus : il est quasi certain que cela n’a rien à voir. D’un point de vue scientifique, pas de celui de ma gérante de supérette.

Ce schéma simple – si je prend un médicament et que je guéris c’est grâce au médicament – est pourtant très rarement valable. Et en général on ne le sait pas pour deux raisons :

1/ La guérison suivant la prise d’un médicament peut-être liée à trois causes :

  • le médicament a été efficace
  • le malade a guéri tout seul selon l’évolution naturelle de sa maladie
  • le malade a guéri grâce à l’effet placebo.

Il est impossible à l’échelon individuel de distinguer entre les trois (et difficile avec des études sophistiquées).

2/ de très nombreux médicaments ne “marchent” que dans un petit nombre de cas. D’où le fameux NNT ou NST en français (Nombre de Sujets à Traiter) qui indique combien de personnes doivent prendre un traitement pour que l’une d’entre elles en tire un bénéfice. Si le NST part de quasi 1 pour les traitements contraceptifs, il est au minimum de 7 par exemple pour les antidépresseurs ISRS en traitement de la dépression en soins primaires et atteint des valeurs prodigieuses quand il s’agit de traitements visant à abaisser certains risques – il peut atteindre plusieurs dizaines voir plusieurs centaines.

Pourtant, quand un malade revient en me disant que depuis qu’il prend tel médicament cela va beaucoup mieux pour lui, j’ai beaucoup de mal à ne pas attribuer le résultat au médicament – d’autant que mon égo avait eu l’excellente idée de lui prescrire. Un homme de 70 ans était ainsi venu consulter pour une dysurie très pénible pour laquelle les ECBU pratiqués par mes prédécesseurs remplaçants avaient été négatifs mais dont la dysurie s’améliorait à chaque cure d’ofloxacine. Il souhaitait donc que je lui prescrive une cure d’antibiotiques ce qu’évidemment je refusais sans un ECBU qui s’avéra négatif. Je lui proposai alors de l’adresser à un urologue pour explorer sa vessie et de prendre de l’oxybutynine en attendant, ses symptômes pouvant être dus à une vessie instable. Et là miracle, disparition des symptômes, gratitude du patient, gratification du prescripteur. Comment ne pas croire que la prescription avait été efficace, que j’avais trouvé le truc ? Comment ne pas ajouter à “mon expérience de clinicien” ce cas si spectaculaire ? En n’oubliant pas que ses symptômes s’amélioraient aussi avec l’oflocet !

Quand j’ai effectué mes premières retrouvailles avec la médecine générale chez le Dr Bienveillant, il m’a demandé si je pouvait lui faire un récapitulatif les antidépresseurs. De là date probablement le début de ma méfiance de cette classe thérapeutique.

Au fil de mes rencontres et discussions avec mes maîtres de stage avec lesquelles j’abordais ce sujet, il m’est régulièrement revenu cette réflexion : “je peux te dire que ça marche les anti dépresseurs et heureusement qu’on les a”.

Peter Gøtzsche dans son livre “Deadly Psychiatry and Organized Denial” (Psychiatrie mortelle et déni organisé) leur consacre un chapitre dense et richement documenté. En voici l’introduction.

On a utilisé les antidépresseurs depuis plus de 50 ans mais il est peu probable qu’ils possèdent un effet réel et utile sur la dépression tandis que leurs nombreux effets indésirables ne font pas de doute. Les antidépresseurs font plus de mal que de bien. La Food and Drug Administration (FDA) a montré dans une méta-analyse d’essais randomisés sur 100.000 patients, dont la moitié étaient dėprimés, qu’environ la moitié allaient mieux sous antidépresseurs et 40% sous placebo. Une revue Cochrane en soins primaires a montré des bénéfices un peu supérieurs mais elle n’incluait pas les études non publiées qui ont des résultats bien inférieurs à celles qui le sont. La plupart des médecins attribuent les 40% du groupe sous placebo à un effet placebo ce que ça n’est pas. La plupart des patients auraient été mieux sans pilule de placebo car c’est le cours naturel de la dépression  non traitée. Aussi quand les médecins disent qu’ils ont eu l’expérience que le traitement marche, on doit dire que de telles expériences ne sont pas fiables car les patients pourraient avoir évolué aussi bien sans traitement.

Autant que je puisse le comprendre et le ressentir à ce stade, l’expérience que le médecin peut tirer de sa pratique ne doit pas (ou à peu près pas) prendre en compte son expérience thérapeutique. Il ne peut  que s’appuyer sur les études et les recommandations type Cochrane, ne doit pas céder à l’impression que son intervention médicamenteuse a été efficace et qu’il devrait faire la même chose la prochaine fois qu’il rencontrera une situation similaire. Cela me semble terriblement difficile.

 

Hibernatus

1970. Un homme congelé dans les glaces du pôle Nord est retrouvé miraculeusement vivant au bout de 65 ans par une expédition polaire franco-danoise. Après enquête, il s’avère qu’il s’agit d’un jeune homme de 25 ans nommé Paul Fournier, parti en exploration en 1905 et parfaitement conservé. Il est alors progressivement réanimé par le professeur Loriebat, spécialiste mondial de l’hibernation artificielle.

Ça c’est le pitch dHibernatus, un film d’Edouard Molinaro avec Louis de Funès, une fiction. Mais une histoire très similaire et pourtant bien réelle a existé, lisez plutôt.

2015. Un médecin embarqué dans le monde des biens de consommation est retrouvé miraculeusement normal au bout de 29 ans par sa compagne. Après enquête, il s’avère qu’il s’agit d’un jeune médecin de 57 ans nommé Jean-Baptiste Blanc, parti travailler en entreprise en 1986 et parfaitement conservé. Il est alors progressivement réanimé et formé à la médecine générale par l’Université de Rennes1, spécialiste incontesté de la reconversion.

Nous avons eu la chance de le rencontrer à l’issu de sa formation et avons pu lui poser la question qui brûle toutes les lèvres : ça a du changer énormément la médecine pendant cette période non ? Mais laissons-lui la parole.

Une spécialité est apparue

Le changement le plus important à mes yeux c’est la création d’une filière de médecine générale devenue spécialité à part entière, bénéficiant d’un enseignement de 3ème cycle spécifique. C’est un énorme progrès. Quand j’ai fait mes premiers remplacements je n’avais jamais examiné un enfant ni regardé un tympan ni examiné soigné un patient atteint de lombalgie. Je n’avais aucune connaissance thérapeutique pour les maladies courantes et ne savais pas suivre une grossesse. Je n’avais jamais mis les pieds dans un cabinet de médecine générale sauf en tant que patient. Je n’avais aucune vision concrète de ce métier… et cela a joué dans ma décision d’y échapper à ce moment là. Un médecin généraliste qui démarre aujourd’hui possède une formation d’une bien meilleure qualité qu’il y a 30 ans.

Une nouvelle vision de la médecine s’est imposée

“L’evidence based medecine” ou médecine fondée sur les preuves est apparue peu après mon départ. Je ne dirais pas que certains de ses principes n’existaient pas. Je me souviens très bien de la notion d’essai clinique contre placebo et je m’étonnais toujours d’entendre des médecins dire : “ah ce médicament là pour moi il marche vraiment bien” – variante il ne marche pas – alors que je savais que l’effet dudit médicament ne pouvait se mesurer qu’à une échelle et avec une méthode qui dépassaient celles du généraliste de Sillé-le-Guillaume (je n’ai rien contre les généralistes de ce joli village de la Sarthe mais il se trouve que j’ai remplacé là-bas dans les temps). Je ne dirai pas non plus que l’EBM est au point, les promoteurs ayant plus axé leur travail sur l’aspect preuves scientifiques de la médecine que sur celui des valeurs du patient (sans compter le 3ème volet expérience du clinicien dont j’avoue toujours ne pas comprendre la nouveauté). On se reportera à mes billets sur la prise de décision partagée en médecine pour éclaircir ces quelques lignes qu’il serait trop long de développer ici. Reste que ce mouvement est maintenant enclenché et apporte une base conceptuelle de portée considérable.

Internet a changé la donne

Un autre très grand changement dans la médecine – et je ne suis pas sûr que la mesure en ait encore été vraiment prise – c’est l’arrivée d’Internet. Cela change complètement la vision que les patients peuvent avoir du médecin dont les connaissances “techniques” ne constituent plus un élément d’autorité, une barrière infranchissable dans la relation. Bien sûr toutes les nuances existent depuis le patient qui souhaite s’en remettre complètement au médecin jusqu’à celui qui en sait plus long que son médecin sur sa maladie. Bien sûr cela a toujours existé, mais le curseur a été radicalement poussé vers le partage de connaissance, la discussion commune, la décision participative. Cela rend à mes yeux la relation médecin malade beaucoup plus mûre, moins paternaliste, bref plus intéressante. Pour ma part, l’internet est un outil nouveau et essentile, que ce soit au travers de la masse d’informations et d’outils (comme ce formidable outil de création de site personnel) pour enrichir et organiser mes connaissances, de Twitter et de blogs médicaux pour m’aider à prendre le recul nécessaire sur mon métier, sur la santé, la politique en médecine, etc. Je me souviens de cette intense sensation d’isolement, de solitude, de vie en dehors du monde réel que j’ai ressentie lors de mes premiers remplacements au milieu des années 80, juste avant de me faire congeler. Plus rien de tel aujourd’hui. J’ajoute au passage que l’informatisation du cabinet médical est un très grand changement également même si la qualité de la plupart des logiciels laisse grandement à désirer.

Imagerie et biologie règnent en maîtresses

L’IRM est apparue, l’échograhie s’est répandue comme traînée de poudre pour arriver jusque dans la mallette des urgentistes, des tas de nouvelles analyses biologiques sont nées. Du PET Scan à la scintigraphie de stress en passant par le test à l’urée il est clair que les techniques diagnostiques sont sans commune mesure avec ce qu’elles permettaient avant mon hibernation. On fait maintenant avaler des caméras vidéo miniatures que l’on récupère dans les selles avec le film de l’intestin en entier, on mesure la pression artérielle sur 24 heures en ambulatoire et la respiration pendant le sommeil. La croyance que les possibilités techniques permettraient de tout diagnostiquer – et ensuite donc de tout traiter ou prévenir – semble s’être développée au même rythme, donnant de la médecine une image toujours plus technique, plus aseptisée, ouvrant droit à et créant le besoin de bilans annuels et de bilans de santé parfaitement inutiles. Il suffit aujourd’hui d’une simple prise de sang pour savoir pourquoi ça va mal ou encore mieux, alors que tout va bien, pour s’assurer que rien ne va mal. C’est du moins l’idée que cette évolution a incrusté dans la tête de nos patients.

Médicaments : pas tant de nouveautés

Dans la pratique de la médecine générale, 3 classes thérapeutiques sont apparues et ont pris une importance majeure, tout au moins si j’en crois les prescriptions. Il est très rare – lorsque l’on pratique en tant que médecin remplaçant – que l’on renouvelle une ordonnance qui ne comprenne pas au moins un médicament de l’une de ces 3 classes : les inhibiteurs de la pompe à protons (ou IPP i.e. omeprazole), les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (IRS aussi appelés antidépresseurs, i.e. paroxetine) et les statines vendues au point de départ pour abaisser le cholestérol et maintenant pour abaisser le risque cardio-vasculaire (i.e. simvastatine).

Les IPP sont très efficaces pour faire baisser l’acidité gastrique et apportent un réel réconfort aux patients atteints d’ulcère gastro duodénal et d’œsophagite et, du coup, ils sont prescrits à tous les patients qui prennent des médicaments qui pourraient faire mal à l’estomac donc grosso modo à tous les patients qui prennent des médicaments de manière permanente parce que ne me l’arrêtez pas docteur sinon j’aurai mal à l’estomac, ce qui est normal puisque comme chacun sait il se produit souvent un effet de rebond d’acidité temporaire à l’arrêt du traitement ce qui est quand même une sacré aubaine pour les fabricants d’IPP.

Je n’ai pas réussi à comprendre si les IRS étaient super efficaces mais j’ai tendance à le croire étant donné que dès que la vie devient difficile on est mis sous traitement antidépresseur, il faut le prendre au moins 6 à 9 mois pour que ça marche Madame Monsieur, et comme en général la vie qui s’est un peu déglinguée est rarement bien réparée 6 à 9 mois plus tard, et bien on va continuer encore un peu non ça à l’air de vous faire du bien, jusqu’au moment où les tentatives d’arrêt plongent les patients dans l’angoisse de rechuter leur dépression, oh vous savez rien ne nous oblige à arrêter maintenant ce n’est pas une mauvaise idée d’attendre que tout soit consolidé pour essayer, et comme les bouts de scotch pour empêcher leur existence de partir à vau-l’eau tiennent à peine c’est ainsi que le traitement se poursuit encore et encore, rendant les patients indifférents à leur situation, aussi bien dans ce qu’elle a de négatif que de positif.

La question des statines est plus compliquée surtout dans ce que l’on appelle la prévention primaire (cela consiste à prescrire une statine pour diminuer le risque d’accident cardiovasculaire chez les gens n’en ayant pas encore eu) et j’ai passé pratiquement un an pour comprendre comment m’en sortir avec cette classe dont aucun représentant n’existait dans les années 80 parce que si l’on écoutait certains on en prescrirait tout simplement à tous les hommes de plus de 50 ans et à toutes les femmes de plus de 60 et allez-y donc parce que quand même ça baisse le cholestérol et le risque cardiovasculaire et de 30% même qu’on nous dit voyez-donc Madame Monsieur (je ferai peut-être un billet là-dessus un de ces jours mais en attendant vous pouvez lire ceci qui contient de bonnes pistes mais si vous lisez l’anglais ne ratez pas cela).

Une famille de médicaments a vraiment été bouleversée, c’est celles des anti hypertenseurs, plus rien à voir avec les années 80  : IEC, ARA2, IC, Thiazidiques n’existaient pas et la problématique de nos jours n’est plus de trouver un traitement qui fasse baisser la pression artérielle mais de savoir à quel niveau il faut l’abaisser pour que ce soit utile – entendre « permette de diminuer les maladies et les morts par maladie cardiovasculaire » – sans détraquer les gens avec les médicaments.

Un certain nombre d’avancées thérapeutique se sont produites (je parle toujours dans le cadre de la médecine générale, de ce que  je peux prescrire au quotidien) parmi lesquelles se trouvent les corticoïdes inhalés dans le traitement de l’asthme, les antihistaminiques non sédatif non atropiniques dans les urticaires et autres allergies (hyper prescrits du coup), La tri antibiothérapie pour éliminer Hélicobacter Pylori, microbe dont on a prouvé la responsabilité dans l’ulcère de l’estomac, l’aciclovir (et le valaciclovir) pour cette saloperie d’herpès labial ou génital, la buprénorphine ou la méthadone qui aident tant de toxicomanes à retrouver une vie normale. J’en oublie c’est sûr !

Je n’entrai pas dans le champ des traitements spécialisés qui échappent à mon incompétence, mais on connaît le succès de la trithérapie pour le SIDA, maladie qui apparaissait tout juste quand j’ai divergé, le progrès dans les traitements anti-cancéreux ou encore l’efficacité du très dispendieux sofosbuvir pour le traitement de l’hépatite C.

En dehors de cela, ce qui m’a beaucoup frappé c’est l’absence totale de progrès en 30 ans dans des domaines ultra courants et ultra demandeurs de la médecine générale : on est toujours totalement démuni dans le traitement de la douleur chronique en dehors du paracétamol et des anti-inflammatoires (les deux anti-inflammatoires les moins nocifs et les plus recommandés – ibuprofène et naproxène – et la paracétamol existaient déjà), les fameux antalgiques de niveau deux inventés pendant mon absence ayant entraîné une catastrophe sanitaire aux USA – pas en France  mais on est à l’abri car on a toujours nos frontières de Tchernobyl de l’époque – on n’est pas avancé et la morphine, vieille comme la médecine de guerre, est toujours le plus puissant anti douleur – mais en dehors des situations chroniques, l’amoxiciline reste l’antibiotique de première intention le plus courant et la prescription irraisonnée d’antibiotiques responsable de la résistance bactérienne est un fléau que l’on connaissait à l’époque mais en étant convaincu que la science inventerait des antibiotiques qui résisteraient aux résistances (l’amoxicilline + acide clavulanique venait de sortir) ce qui ne s’est pas produit bien au contraire : la menace due aux bactéries résistantes est plus forte que jamais (on prédit des quantités de morts considérables). Sacré progrès !

Je n’ai pas été non plus très impressionné par les nouveaux vaccins : on n’a pas inventé de vaccin contre le paludisme mais on vaccine maintenant chez nous quasi tout le monde contre l’hépatite B alors que le risque de l’attraper et d’en subir des conséquences graves est plutôt faible pour la population non exposée, de plus en plus contre la méningite C dont l’incidence est de 1 à 2 pour 100.000 avec un vaccin dont l’efficacité n’est que partielle, contre le papilloma virus alors qu’on ne sait pas si ça marche et que l’on n’est pas près de démontrer si cela permet une diminution de la mortalité par cancer du col de l’utérus. Reste quand même, parmi les nouveautés, la vaccination anti pneumococcique et anti haemophilus dont j’ai retenu que la balance bénéfice risque était favorable mais je n’ai pas approfondi – ça fait à peine un an et demi que je suis sorti de mon caisson -,

Pour clore ce chapitre il me faut signaler une innovation majeure qui m’a bouleversé et dont on ne pouvait soupçonner la découverte il y a 30 ans, dont l’importance en médecine générale est aussi grande que celle du paracétamol bref dont le monde ne peut plus désormais se passer, j’ai nommé le Rhino Horn.

Big Pharma Big Business

Était-ce que les réseaux sociaux n’existaient pas encore, limitant la diffusion de la critique, que les méfaits de Big Pharma n’étaient pas encore si grands ou que l’on croyait encore à leur capacité d’innovation réelle, le fait est que les laboratoires pharmaceutiques ont abandonné tout scrupule, affinant sans cesse leurs méthodes pour vendre cher des médicaments inutiles et/ou dangereux, étendre frauduleusement les indications, ne pas publier tous les résultats et surtout les mauvais, etc. bref contourner tous les obstacles à plus de profit. Je ne me souviens pas dans ma jeunesse, de scandales tels que ceux du mediator ou du vioxx. Cette menace du profit à tout prix est devenue si grande qu’il est indispensable aujourd’hui pour tout médecin de se tenir hors de l’influence néfaste des laboratoires et des intérêts financiers (il y a aussi les fabricants de matériel médical qui se débrouillent bien) au risque d’en perdre son indépendance et de nuire à ses patients. Et ce n’est pas facile.

Ce qui n’a pas progressé

On ne sait toujours pas soigner la maladie d’Alzheimer mais on dispose maintenant des médicaments en comprimés ou en patch pour les patients atteints de cette maladie. Non non cette phrase n’est pas une erreur.

On ne sait toujours soigner ni le rhume ni la grippe, pas plus que la rhino pharyngite et les autres infections virales des voies aériennes supérieures mais l’offre de médicaments en vente libre prétendant le faire s’est considérablement étoffée. Les vasoconstricteurs dangereux sont toujours en vente libre.

On ne sait toujours pas soigner l’arthrose mais on a mis au point des médicaments anti-arthrosiques injectables dans les articulations atteintes. Heu oui c’est bien cela.

Le “mal-être”, cause de tant de consultations, ne fait toujours pas l’objet d’intérêt médical ni de formation pendant les études (heureusement les antidépresseurs sont là !)

Il est toujours aussi difficile d’arrêter de fumer même si patchs, gommes, et médicaments divers se vendent en masse pour aider.

On a inventé des tas de médicaments pour le diabète de type 2, on a même inventé un nouveau marqueur biologique pour en suivre l’évolution – l’hémoglobine glyquée – on a établi des tas d’algorithmes pour organiser la prescription de ces médicaments antidiabétiques, on paye les médecins qui font doser l’hémoglobine glyquée à leur patient diabétique 4 fois par an – ce qui est inutile voire dangereux – mais au final on n’a pas vraiment démontré que tout cela servait à quelque chose et les deux principaux médicament contre le diabète continuent d’être la metformine et l’insuline – et encore la metformine ne semble pas si top.

Ce qui a avancé et reculé

De grandes découvertes ont été faites pendant mon absence, mais au moment où j’émerge elles s’avèrent être plutôt des fiascos ou simplement inefficaces. Je cite en vrac, le dépistage du cancer du poumon par radio chez les fumeurs, le dépistage du cancer de la prostate, le traitement hormonal de la ménopause, la pose de stent dans l’angor stable, les médicaments de l’ostéoporose, la vitamine D pour prévenir tout un tas de maux… Beaucoup de bruit pour rien auraient dit les anglais à la fin du 16ème siècle. Il faut lire à ce sujet Ending Medical Reversal de Vinayak Prasad et Adam Cifu. Il faut lire également The Patient Paradox de Margaret McCartney d’ailleurs soit dit en passant.

Le grand retour de Knock

Quand j’ai appris la médecine on s’intéressait aux malades. Knock était une comédie des anciens temps. Un des grands changements de notre époque est que, le marché des malades n’étant pas si grand ou les besoins de croissance financière des firmes intervenant dans le camp de la santé étant insatiables – je vous laisse cocher la bonne case -, on s’est mis à s’intéresser de plus en plus au marché des gens en bonne santé qui, il faut bien le dire, sont beaucoup plus nombreux que les gens malades (en gros la majorité des gens sont bien portants pendant la plus grande partie de leur existence). C’est un marché très porteur et assez facile à attraper avec les arguments comme Mieux vaut prévenir que guérir ou Dépisté tôt un cancer se guérit plus facilement. La médecine étant vue comme une science qui sauve les gens, la séquence je te dépiste, je te trouve un truc, je te guéri est tellement évidente que ça ne peut que fonctionner. Si très récemment les notions de surdiagnostic ont commencé à émergé et si le doute sur l’intérêt des dépistages existants a commencé à poindre, je ne me fais que peu d’illusion sur l’avenir radieux de Knock au moment où les investissements dans le dépistage génétique des cancers se chiffrent en centaines de millions de dollars. Le marché des bien portants vous dis-je est beaucoup plus vaste que celui des malades. Je doute que des initiatives aussi intéressantes que Choisir avec soin suffisent à contrecarrer les puissances financières en jeu

L’exercice de la médecine générale a changé

Lorsque je ne me suis pas installé dans les années 80, le modèle était celui du docteur dévoué. Ce brave médecin de campagne (homme) disponible 24/365 dont la femme assurait le standard, le secrétariat et la comptabilité (sans compter élever les gosses, tenir la maison et un peu de sexe ma foi ça ne peut pas faire de mal). Lors de mes premiers remplaçants à Sillé-le-Guillaume ou Druyes-les-Belles-Fontaines, il me fallait venir “accompagné”, ce qui ne s’imagine plus aujourd’hui (enfin je crois). Aucun jeune médecin généraliste ne veut travailler comme cela aujourd’hui. La société a changé et la/le conjoint.e du médecin possède une vie professionnelle propre. De moins en moins s’installent : à Paris par exemple, pas plus de 10 ou 20 médecins généralistes se sont installés en libéral depuis 2 ans. “De mon temps”, s’installer à Paris était une gageure. Aujourd’hui certains quartiers sont devenus de véritables déserts médicaux. Les autorités en charge d’anticiper ces questions ont été régulièrement au-dessous de tout et portent une lourde responsabilité dans leur absence d’anticipation de ce qui s’est passé durant ces 30 dernières années

Ce qui n’a pas changé du tout

Ce qui n’a pas changé du tout c’est la souffrance, le malheur, l‘exclusion, la solitude, c’est le besoin d’écoute, de compréhension, d’absence de jugement. Ce qui n’a pas changé c’est le besoin de soignants empathiques capables d’aider à déposer un peu des ces souffrances, de ces angoisses, de les recueillir et d’en amoindrir le poids, d’aider à les contextualiser, à décupabiliser leurs porteurs. Ce qui n’a pas changé c’est la difficulté de vieillir dans une société où le modèle est d’être jeune beau intelligent et bien sûr en bonne santé, de grossir dans une société où toutes les images renvoient à la minceur, de ne pas grossir dans une société qui assimile les boissons sucrées à la joie de vivre, d’être une femme imparfaite par rapport aux canons d’une société qui ne renvoie que des images de femmes au corps parfait. Ce qui n’a pas changé c’est l’importance de ces rencontres en consultation de médecine générale, de l’attention à la parole et au corps des patients, de ce qu’ils en donnent à voir, à entendre et à comprendre, de ce colloque si singulier qui offre un morceau de temps pendant lequel tant peut arriver, ou pas d’ailleurs.