Je stresse, tu stresses !

Consultation

C’est une de mes toutes premières journées en autonomie avec surveillance différé. Je consulte seul et nous débriefons en fin de journée avec mon MSU. Nous sommes en fin d’après-midi et Gaelle, 31 ans, arrive en consultation très inquiète : depuis 48 heures elle ressent des douleurs dont elle pense que ce sont des contractions.

Elle a bénéficié d’une PMA qui a fonctionné et est enceinte de 4,5 mois. La précédente FIV il y a 4 ans s’était terminée par une fausse couche. Les douleurs décrites s’apparentent bien à des contractions. Leur nombre est assez important, plusieurs par heure. Lors de la première nuit elle en a eu toute la nuit. La nuit dernière elle n’en avait plus.  Elle a eu quelques leucorrhées peu abondantes et continue de percevoir les mouvements foetaux comme avant cet épisode de contractions.

L’utérus est de consistance normale et on ne perçoit pas de contractions au moment de l’examen. La tension est à 104/70. N’ayant jamais encore par moi-même examiné un col, je zappe l’étape speculum tout en me sentant peu à l’aise. Je tente maladroitement d’écouter les bruits du coeur du foetus avec mon sthetoscope et je n’entend évidemment rien. Je n’ai aucun idée si le cabinet est équipé d’un doppler foetal dont je ne saurais de toutes manières pas me servir. J’aimerais pourtant bien ne pas me contenter des seuls dires de la maman m’indiquant qu’elle a senti son bébé bouger aujourd’hui comme d’habitude.

En poursuivant la discussion, je note que sa vie professionnelle est très stressante. Ce stress s’ajoute à celui de la grossesse difficilement obtenue dans  le contxte d’un précédent échec. Tout en la rassurant, je lui propose de lui faire un arrêt de travail et, insistant sur l’absence d’urgence, je lui dit de consulter à la maternité si les contractions ne baissent pas rapidement.

J’apprendrai le lendemain que Gaelle a filé ventre à terre – si je puis me le permettre – aux urgences de la maternité immédiatement après notre RV. Je l’avais paniquée.  Le monitoring ne montrera pas de signes d’inquiétudes et le col sera observé bien fermé.

Discussion

Pendant toute cette consultation j’ai été mal à l’aise, inquiet, pour tout dire stressé aussi. Je n’ai pas su abaisser le niveau de stress de la patiente alors que je me voulais rassurant. En fait j’étais face à une situation que je ne maîtrisais pas et je n’ai pas su en tirer les conséquences. Je n’ai aucune expérience concrète de la pathologie de la grossesse, très peu de son suivi normal (en dehors de cours théoriques). Cela n’aide pas. Les IMG ont un stage obligatoire en Gynécologie Obstétrique mais moi rien. Et dans mes stages chez le praticien, les femmes ne souhaitaient pas le plus souvent que je reste pendant leur consultation de gynécologie.

En y revenant à froid, cette consultation pose donc le problème d’une situation qui présente un certain caractère d’urgence et que l’on ne maîtrise pas. Comment faire au mieux quand je ne sais pas ? A posteriori je me dis que ma prise en charge aurait du être la suivante :

  • objectif : être certain que la grossesse n’est pas en danger
  • situation : je pense qu’elle ne l’est pas mais je n’en ai pas la certitude
  • action : je fais en sorte d’avoir une certitude et, n’ayant pas la possibilité de le savoir par moi-même, j’adresse immédiatement et non pas en fonction de l’auto-surveillance

Le stress de la mère et comment le faire baisser était devenu une préoccupation trop importante. Et je ne voulais pas l’embêter inutilement. A tenter maladroitement de la rassurer je n’ai fait qu’augmenter son stress tout en prenant le risque de passer à côté d’un problème. Bien que le résultat soit le même (si j’avais mieux raisonné je l’aurai envoyée aux urgences où elle a été de toutes manières), je reste marqué par cette consultation. D’autant que mon MSU m’a amèrement reproché mon attitude. Et que bon quoi on a son ego quand même !

Et vous, ça vous rappelle des souvenirs cette histoire ? ou pas ?

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3 réflexions au sujet de « Je stresse, tu stresses ! »

  1. Bonjour,
    Bien entendu que nous avons connu cela. C’est un problème récurrent, l’incertitude en médecine, et plus précisément en médecine générale. L’attitude de la patiente était elle-même non prévisible. Et le fait qu’il ne s’agisse pas du médecin habituel n’a fait qu’ajouter à l’incertitude. Il faut dans ces cas là, ce n’est pas une certitude, choisir entre deux attitudes : Monsieur (ou Madame) je-sais-tout pour rassurer ou Désolé-je-ne-suis-pas-compétent(e) pour rassurer encore. Dans le deuxième cas : je ne vous envoie pas aux urgences parce que je pense que ce n’est pas urgent mais je vous écris un courrier au cas où les contractions reviendraient. Mais il existe des solutions intermédiaires : j’ai déjà eu affaire à ce genre de cas et c’est le plus souvent sans conséquences.
    A chacun de voir.

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  2. Oui, ça me rappelle que lorsque ma femme est allée consulter sa généraliste parce qu’un résultat d’analyse indiquait un risque élevé de malformation, nous étions inquiets et elle n’était pas rassurante.

    Quant au gynécologue obstétricien il a ri, expliquant que pour les femmes de plus de 40 ans, le test affichait une probabilité toujours inquiétante, mais qu’en fait, la probabilité réelle était bien plus faible.

    Nous nous sommes dits que le suivi de la grossesse par la généraliste, bien que plus simple, n’était pas une bonne idée, puisqu’en cas de difficulté elle n’était pas assez spécialisée.

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    • Je faisais part ici d’une expérience alors que j’étais encore stagiaire. Les médecins généralistes sont tout à fait aptes à suivre une grossesse normale et à l’adresser quand ils détectent un problème. C’est le rôle des soins primaires.

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