Tout a commencé le jour où, tout fiérot, j’ai commencé à raconter à ma compagne (dont l’âge est dans la cible d’octobre rose) que la mammographie tous les deux ans c’était pas si évident et que ça posait des problèmes, qu’il y avait de l’intox et que probablement c’était mieux de ne pas faire le dépistage. Quand elle m’a répondu « avant il fallait dépister, maintenant il ne faut plus dépister, c’est comme avec les bébés, avant il fallait les coucher sur le ventre, maintenant il faut les coucher sur le dos et demain ce sera quoi ? » ça m’a un peu coupé la chique. D’autant qu’elle n’avait pas lu le billet de Sylvain Fevre vu que les blogs médicaux c’est pas franchement son truc (lisez le, pas seulement pour comprendre pourquoi ça m’a coupé la chique). Puis elle a ajouté que c’était évident que si on prenait les cancers au stade précoce on allait forcément les soigner mieux que si on attendait plus tard. Re chique coupée… je… a… à court d’arguments. Elle a été assez gentille et elle a changé de sujet parce que comme je suis entrain d’apprendre tout ça je vois bien qu’elle ne veut pas non plus me décourager.
Du coup j’ai regardé les choses de plus près, cherché et lu des articles, des blogs, dévoré le livre de Rachel Campergue Octobre Rose Mots à maux (qu’il faut absolument lire pour sa déconstruction de la désinformation) pour enfin trouver une brochure très claire qui résume la problématique. J’ai voulu lui passer, mais c’est délicat en même temps, j’ai pas envie de la ramener tout le temps avec « ma médecine », comme un gamin avec son jouet tout neuf à lui faire lire des articles épatants qui tordent le coup aux idées reçues. Déjà que je lui ait déjà fait lire la bd sur le gluten du pharmachien.. Et puis au fond c’est pas à moi de décider pour elle. Alors pour simplifier je me suis dit que j’allais lui faire un dessin à partir de l’étude Cochrane DK – les gens qui ont fait cette brochure – et puis, quand il a été fini, que pourquoi pas en faire profiter tout le monde. Alors je l’ai mis sur twitter et on m’a RT et fait des commentaires.
Maintenant j’ai une v2 un peu mieux et je peux lui montrer.
Tiens regarde ça :
Commentaires : les faux positifs ça veut dire que le résultat de la mammographie est douteux, qu’on programme d’autres examens (ponctions, biopsies) et que finalement on ne trouve pas de cancer.
Soins inutiles : cela peut aller de retirer une partie du sein à retirer tout le sein, en passant par de la chimiothérapie et/ou de la radiothérapie, pour rien. Le problème étant qu’on ne sait pas distinguer au départ les cancers qui « méritent » d’être soignés et les autres.
Lis quand même la brochure. On en parle quand tu veux.
Je t’embrasse
PS : voir également une infographie plus récente (avril 2015)
Très beau billet… et pas seulement parce qu’il me fait de la pub ;-).
En effet, il est souvent frustrant, pour les personnes informées, de constater que des proches adhèrent au message « plus c’est pris tôt, mieux c’est ». Cela paraît si évident, si intuitif, si simple. Et nous débarquons avec un message complexe, déstabilisant. Nous ne racontons pas de belles histoires de survivantes sauvées, nous ne sommes sûrs de rien. Nous n’offrons pas de protection, seulement le doute. La lutte est inégale. D’autant plus que les personnes informées ont souvent des scrupules éthiques – justifiés – « De quel droit puis-je interférer? » – que les partisans du dépistage n’ont pas. Nous n’avons pas les moyens non plus. Il est d’autant plus motivant de constater qu’en dépit de ces disparités, le message de la réinformation passe, petit à petit, une femme à la fois.
Je mets en lien cet article de Martine Bronner, qui exprime la même chose, mais de l’autre bord :
http://martinebronner.wordpress.com//?s=comment+j%27ai+voulu+croire&search=Go
Merci encore pour ce billet.
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Merci pour ce billet et les schémas très clairs.
J’ai cependant une petite question (sans avoir été voir le détail de la synthèse Cochrane) et vais me faire, un peu, l’avocat du diable sans pour autant que ça remette fondamentalement en cause le raisonnement…
J’ai en effet un peu de mal à croire au « 0 femmes soignées inutilement » dans le second groupe. En effet, même en-dehors du dépistage systématique, j’imagine qu’il doit bien y avoir quelques femmes qui seront diagnostiquées par excès suite, par exemple, à la découverte fortuite d’un nodule, dans le cadre d’un bilan de thrombose du membre supérieur, etc.
Il y en a assurément moins qu’en cas de dépistage systématique mais le « 0 » m’a fait tiquer.
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Moui. D’un autre côté, dans la partie « dépistage », la « une personne sauvée » est hypothétique (selon Cochrane, on n’obtient ce résultat qu’en incluant des essais de qualité médiocre, si on ne garde que les meilleurs essais, on n’a aucun bénéfice démontré). Et surtout, il manque les effets indésirables des traitements chez les femmes dépistées n’ayant pas de réel cancer du sein : cancers radio-induits, troubles cardiaques radio-induits et dus aux chimiothérapies, complications de la chirurgie, etc. En réalité, aussi surprenant que cela puisse paraitre, le schéma présenté est encore très optimiste ! Bien cordialement.
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Je n’ai pas parlé des effets indésirables des traitements inutiles par manque de chiffres. Mais effectivement ils s’ajoutent.
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Pour approfondir ce très beau texte de la co fondatrice de Voix médicales qui explique pourquoi elle ne se fera pas dépister « un médecin coordinateur du dépistage qui me veut du bien »
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Vous avez parfaitement raison :
1 – il aurait fallut écrire pour être plus précis » 0 femmes soignées inutilement à cause du dépistage automatique »
2 – le dépistage systématique augmente le nombre de cas de traitements inutiles mais il peut y en avoir même sans dépistage systématique.
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Pour compléter, voici une série de tweets de @docdu16, très éclairante sur la notion de sur diagnostique
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