Connaissez vos risques

Et ne vous laissez plus enfumer par les statistiques de santé mensongères

Dans un petit opus en anglais  Know your chances (pdf gratuit) Woloshin, Schwartz et Welch décryptent les pièges des statistiques médicales afin d’aider les patients à mieux maîtriser leur santé. La manipulation de l’information chiffrée est si répandue que tout le monde devrait le lire. Mais il est en anglais ! Il se termine par un bref résumé que je me propose de vous traduire / adapter ici car il reprend l’essentiel.

Les questions à poser pour interpréter un risque.

On vous dit que vous courrez un risque. Très bien. Posez alors ces questions essentielles :

Risque de quoi ? Comprenez quelle est la nature du risque (développer une maladie, mourir d’une maladie, développer un symptôme) et évaluez vous-même à quel point c’est mauvais pour vous.

Risque de quelle importance ? Visualisez quelle est votre probabilité de subir la conséquence du risque, autrement dit la probabilité que l’événement risqué se produise effectivement pour vous.

Si l’on vous parle du nombre de personnes qui le subissent, demandez-vous toujours “sur combien de personnes ?” Vous devez savoir combien de personnes auraient pu subir le risque pour calculer votre propre probabilité de le subir.

Demandez également “Sur quelle période ?” Est-ce que l’horizon pour ce risque est d’un an, de 10 ans, d’une vie entière ?

Dans la mesure ou il y a de nombreuses manières d’exprimer un risque, il est utile de résumer vos informations dans un format cohérent. Notre choix serait “____ sur 1000 personnes pendant 10 ans ». Par exemple : sur 1000 personnes de 50 à 59 ans, 4 auront un cancer colorectal.

Pour vous figurer les choses complètement, nous vous recommandons également de reformuler le risque, par exemple : 996 personnes sur 1000 n’auront pas de cancer colorectal entre 50 et 59 ans.

Est-ce que l’information sur le risque s’applique raisonnablement à moi ? Essayez de savoir si le message s’appuie sur des études de gens comme vous (des gens de votre âge et de votre sexe, des gens dont l’état de santé est comme le vôtre).

Comment ce risque se compare à d’autres risques ? Essayez de gagner de la perspective en demandant quels sont les autres risques qui vous menacent de manière à évaluer l’importance (ou la faiblesse) de ce risque particulier. Par exemple pour une population nord américaine, les risques de décès se présentent comme ceci :

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Prenez la ligne la plus proche de votre âge , fumeuse ou n’ayant jamais fumé. Les nombres montrent combien de femmes parmi 1000 mourront au cours des 10 prochaines années de …


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Prenez la ligne la plus proche de votre âge , fumeur ou n’ayant jamais fumé. Les nombres montrent combien d’hommes parmi 1000 mourront au cours des 10 prochaines années de …


(Et vous trouverez sur le site de l’INED les chiffres pour la France – ndt)

Les questions à poser quand on interprète une réduction de risque

Réduire le risque de quoi ? Comprenez quel résultat sera modifié et décidez à quel point cela compte pour vous. Est-ce que c’est quelque chose qui vous touche directement comme des symptômes ou un risque de décès (un résultat “patient”) ? Où est-ce juste un résultat biologique ou de radio (un résultat de “substitution”) ?

Soyez plus que sceptique à propos des interventions ou traitements qui ne modifient que les résultats de substitution car ce type de changement ne se transforme pas de manière fiable en mieux être ou en vie plus longue. Moins le résultat a d’importance pour vous moins il est important de penser à l’importance du bénéfice.

Quelle est l’importance de la réduction du risque ? Estimez la probabilité de subir le risque si vous ne mettez pas en place une action pour le diminuer (comme changer de style de vie ou prendre un médicament tous les jours) et la probabilité de le subir si vous mettez en place cette action. Autrement dit connaissez votre risque de départ et votre risque modifié. Cela est particulièrement important si vous entendez un message comme “le médicament X diminue votre risque de 30 %”. Demandez toujours “diminue par rapport à quoi ?” A moins que vous connaissiez votre risque de départ, ce message ne veut strictement rien dire. Par exemple si votre risque d’accident cardiovasculaire dans les 10 ans est de 5%, le baisser de 30% le ramènera à 3,5%, soit 1,5% de moins en valeur absolue.

Est-ce que l’information sur la réduction du risque s’applique raisonnablement à moi ? Renseignez vous pour savoir si le message de santé est établi à partir d’études de gens comme vous (des gens de votre âge et de votre sexe, des gens dont l’état de santé est comme le vôtre). Plus vous êtes comme les participants de l’étude, plus vous avez de probabilité d’avoir le même risque de départ et de profiter du même bénéfice.

Quels sont les inconvénients associés à la réduction du risque ? Comprenez quels sont les inconvénients de l’intervention et décidez à quel point ils comptent pour vous. Est-ce que l’intervention pose un risque menaçant pour la vie ? Quels sont les effets indésirables principaux ? N’oubliez pas de réfléchir aux obstacles (temps, effort et tracas) et au coût de l’intervention pour vous?

Est-ce que la réduction du risque (le bénéfice) vaut d’en supporter les inconvénients ? Regardez bénéfices et inconvénients côte à côte. Plus le bénéfice est important (un grand changement ou un résultat qui compte beaucoup pour vous) plus vous devriez être près à en supporter les inconvénients. Mais un petit changement d’un résultat de substitution ne vaut peut-être même pas un petit sacrifice.

Le schéma ci-après résume ces deux derniers points.

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Quelle est la science derrière les chiffres et qui est derrière les chiffres ? Accordez plus de crédit aux chiffres fournis par de grandes études randomisées, payées par l’argent public et publiées dans des journaux scientifiques à comité de lecture. Soyez extrêmement sceptiques avec les petites études observationnelles payées par l’industrie, mesurant des résultats de substitution et dont les résultats préliminaires sont présentés à des congrès d’associations médicales ou scientifiques. Vous devriez également être très méfiant avec les essais randomisés à court terme (comme de nombreuses études pour de nouveaux médicaments qui ne durent que 6 mois ou moins). Elles peuvent ne pas inclure assez de participants ou ne pas être assez longues pour permettre d’observer des effets indésirables très dangereux ou même pour déterminer un bénéfice à long terme.

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