L’INCa et le quotient magique

Le Tricheur à l’as de carreau – Georges de La Tour vers 1636-1638

L’institut National du Cancer (INCa) est passé maître dans l’art de la communication, nous avions eu l’occasion d’en parler à diverses reprises. Les études épidémiologiques, les longs rapports documentés c’est bien, mais pour la comm ça ne marche pas. Surtout quand il s’agit de dépistage, quand il s’agit d’inciter des femmes à se faire dépister régulièrement le cancer avec des examens comme des mammographies ou des frottis. Nous les mecs on a même plus besoin de se faire doser les PSA. Plus besoin de flipper une fois par an en attente d’un résultat de prise de sang inquiétant. Mais pour les femmes c’est autre chose. Entre 50 et 65 ans par exemple, si tu suis les recos, entre mammo, frottis et recherche de sang dans les selles, ça te fait un dépistage et demi par an en moyenne. Tous les 9 mois. Autant d’occasions d’examens pas tordants, d’attentes de résultats angoissants, etc. On peut comprendre qu’il y ait des réticences. À l’INCa ile le savent bien et c’est pour sûrement pour ça qu’ils ont mis au point la technique du quotient magique et des nombres sortis du chapeau. Pour créer de la motivation.

On se souvient (et si on ne se souvient pas on peut regarder ici) de la célèbre affirmation à propos du cancer du sein : “s’il est détecté tôt, ce cancer peut-être guéri dans 9 cas sur 10”. C’était le quotient magique du cancer du sien, repris à l’époque par tous les promoteurs du dépistage. C’est tellement beau 9/10. On ne peut pas lutter. Mais, cette comm caricaturale ayant été maintes fois dénoncée, notamment par Cancer Rose, L’INCa avait fini par la modifier. Chassez le naturel comme on dit, il revient en vidéo. Et cette fois pour une autre (bonne) cause, celle de la promotion du tout nouveau programme de Dépistage Organisé du Cancer du Col de l’Utérus (DOCCU).

Je ne demande qu’à les croire à l’INCa et je suis sûr que toutes les femmes de 25 à 65 ans auxquelles ils s’adressent ne demandent qu’à les croire également. L’efficacité de ce dépistage est fantastique. Trumpienne. Aucun inconvénient et en plus ça gagne 9 fois sur 10. Le problème c’est qu’en médecine une intervention qui gagne 9 fois sur 10 en ayant aucun effet indésirable c’est très très rare. Tiens ça me fait le même effet que dans les tests de lecture Prescrire, quand ils te demandent : « chez les patients en état d’agitation aiguë, quand un médicament psychotrope semble justifié, la forme injectable est toujours à privilégier. Vrai ou faux ? », tu sais tout de suite que c’est faux même si tu ne connais pas le sujet parce que les toujours ou les jamais, en médecine ça n’existe pas. Et « 9 fois sur 10 » c’est presque toujours. Trop beau pour être vrai.

Remontons aux sources

De magique le quotient devenant suspect, je l’ai mis en examen. Deux documents sont à la base de tout l’édifice du DOCCU. Le premier a été établi par l’HAS en 2010 et ne comporte pas moins de 235 pages, il s’intitule : État des lieux et recommandations pour le dépistage du cancer du col de l’utérus. Soutenu par une vaste bibliographie, il sert de principale référence sur l’impact du dépistage à un autre document, l’étude médico économique phase 2 pour la Généralisation du dépistage du cancer du col de l’utérus. Celui-la date de 2016 et a été établi par sa majesté l’INCa. Il constitue l’analyse de référence pour la mise en place du DOCCU. C’est du dur. Si le quotient magique doit sortir d’un chapeau, c’est de celui-la. C’est obligé. Je me suis plongé dans les deux volumes et j’y ai appris beaucoup de choses.

Saviez-vous par exemple, comme l’écrit la HAS p. 48, qu’aucun essai clinique randomisé n’a jamais été conduit de manière à prouver l’intérêt du dépistage du cancer du col utérin mais qu’il (le dépistage) est reconnu dans tous les pays du monde comme étant un moyen de prévention efficace du cancer du col de l’utérus. Dur dur pour les fans de science exacte mais c’est comme ça. Et je ne crois pas qu’il y en aura jamais (des essais cliniques) parce qu’il y a assez d’études pour montrer que ce dépistage est utile et qu’il serait maintenant immoral de les conduire.  Conséquence : on ne chiffrera jamais avec précision l’intérêt du dépistage sur la mortalité par exemple. Sauf l’INCa bien sûr puisqu’ils ont le quotient magique.

Saviez-vous par exemple que la sensibilité du frottis est assez médiocre (la HAS, p. 48-49 dit “imparfaite”), quelque part entre 49 et 67% dans le cadre du dépistage. Et de ce fait les faux négatif sont importants. En clair, pour celles qui ne sont pas familières, si je fais un frottis de dépistage et que j’ai un cancer du col de l’utérus, j’ai entre 3 et 5 chances sur 10 pour qu’il ne soit pas détecté par ce frottis (1). Et pour celles qui ont été distraites, je rappelle ici le mantra de l’INCa : « Grâce au frottis, le cancer du col de l’utérus peut-être évité dans 9 cas sur 10 ». Détecter 9 fois sur 10 un cancer avec un test qui marche au mieux 7 fois sur 10 c’est fort. Magique même !

Saviez-vous qu’il peut y avoir des effets indésirables. Le geste peut être douloureux nous dit la HAS p. 50 (mais l’INCa dit le contraire dans sa vidéo et n’y parle pas d’effets indésirables) et surtout les conisations peuvent entraîner des hémorragies, des douleurs post opératoires sévères, des sténoses du col de l’utérus et des dysménorrhées (douleurs pendant les règles). A plus long terme on augmente le risque  d’accouchement prématuré (x2 environ), de faible poids de naissance et de césarienne. (Une conisation est une intervention chirurgicale qui consiste à tailler le col de l’utėrus en cône si des cellules cancéreuses y ont été retrouvées lors du frottis.)

Il existe également un risque de surdiagnostic (comme dans tout dépistage) mais il est non quantifié.

Comment en arrive-t-on à prévoir 30% de réduction d’incidence et de mortalité à 10 ans ?

On ne peut pas déterminer l’impact réel du dépistage sur l’incidence et la mortalité du cancer du col, soit. Aussi l’enjeu est-il d’essayer de comparer l’impact du dépistage organisé versus un dépistage individuel. On sait, même si le chiffre restera inconnu, que le dépistage individuel présente un bénéfice certain. Mais il y a énormément de facteurs qui entrent en jeu comme l’âge de la patiente, l’évolution des pratiques sexuelles, la vaccination anti HPV, l’évolution thérapeutique…et les études sont difficiles. L’objectif de la HAS et de l’INCa était de démontrer qu’avec la mise en place d’un dépistage organisé on allait sauver plus de vies à un coût acceptable qu’avec le dépistage individuel. Comme on ne peut pas comparer stricto sensu les deux formes de dépistage, on travaille sur des zones test (en Alsace notamment), des modélisations savantes avec des formules complexes. C’est le mieux que l’on puisse faire. Et on arrive à ceci (HAS p. 131) : la mise en place du dépistage organisé réduirait le nombre de cancers diagnostiqués de 16,1% et le nombre de décès dus à ce cancer de 19,5% par rapport à la situation de l’époque à savoir le dépistage individuel. C’était en 2010. 20% de gain. Environ 200 vies sauvées par an à l’échelle du pays (2).

En 2016, dans le chapitre Discussion et limites (p. 83 du rapport de l’INCa), on peut lire la synthèse de la modélisation de divers scénarios de dépistage (combinaisons variées de types de tests – frottis, test HPV, marquage p16/Ki67 et de délai entre les tests, de mix avec la vaccination anti HPV, etc.). Cela conduit, selon les scénarios, à une projection de réduction de l’incidence du cancer du col de l’utérus entre 20 et 45% et de sa mortalité entre 15 et 30%. Ce qui permet à l’INCa de conclure : ces chiffres suggèrent qu’il est possible d’atteindre l’objectif fixé par le Plan cancer 2014-2019 de réduction de l’incidence et du nombre de décès par cancer du col de l’utérus de 30% à 10 ans, quelle que soit la stratégie retenue.

On est assez courageux à l’INCa. L’objectif fixé par le plan c’est 30% de réduction de mortalité, ça correspond à notre fourchette haute, allez on y va. Ce sera 30%. Le chef sera content.

Comment en arrive-t-on à 80% de couverture de dépistage (contre 61,5% actuellement) ?

C’est sur la page internet de l’INCa décrivant le programme pour les professionnels de santé que nous découvrons ce chiffre. On nous dit : l’objectif de ce programme est de réduire l’incidence et le nombre de décès par cancer du col de l’utérus de 30% à 10 ans, en atteignant 80% de taux de couverture dans la population cible. Un nouveau nombre magique, 80% ? Ce taux de couverture qu’on nous sort du chapeau, je ne l’ai pas vu dans les rapports sus-cités. Aurais-je lu trop vite ? Heureusement ma tablette cherche plus vite que mes yeux et je retrouve une – une seule – phrase avec ce 80 %. C’est à la p. 14 du rapport de l’INCa, dans l’introduction et ça vient tout droit de l’objectif formulé par le Plan cancer 2014-2019. Ce dernier non seulement demandait à l’INCa un programme pour réduire à 10 ans l’incidence et les décès par cancer du col de l’utérus de 30%, mais fixait comme objectif un taux de couverture du dépistage dans la population cible à 80%. Bon joueur, l’INCa reprend texto les objectifs du départ. La boucle est bouclée. Pas besoin de démontrer un lien entre une couverture à 80% et une baisse de 30% des décès et de l’incidence vu que c’est ce qu’on doit atteindre. On va faire baisser l’incidence de 30% en augmentant la couverture à 80% parce que c’est l’objectif. Point. La vie est simple non ?

Mais alors me direz-vous et le 9 fois sur 10 il est où ?

Et bien nulle part dans ces lourds rapports. Uniquement dans la communication. L’information est la même, adaptée à sa cible. Quand l’INCa s’adresse aux professionnels de santé, le ton est sérieux, on admet qu’il y a peut-être une incertitude, le conditionnel est là : On considère pourtant qu’un dépistage régulier de toute la population-cible permettrait d’en réduire l’incidence de 90 %. Pas bête, Je ne dit pas que ça le fait, je dis que ça pourrait le faire.

Quand l’INCa s’adresse à la « population cible« , l’information garde le conditionnel : On estime que 90 % des cancers du col de l’utérus pourraient être évités avec un test de dépistage réalisé tous les 3 ans. Les termes sont évidemment moins techniques

Mais quand il faut communiquer fort avec la vidéo, les plaquettes, il n’y a plus aucun doute, ça marche : Grâce au frottis, le cancer du col de l’utérus peut-être évité dans 9 cas sur 10.

Pour le fun je me suis livré à un petit calcul, comme si tous ces chiffres étaient vrais Appliquons les 30% de réduction d’incidence et de décès aux chiffres actuels (source HAS : l’incidence est de 3000 cas par an et le nombre de décès de 1000, et ce avec un taux de couverture du dépistage individuel de 61,5%.). On passe alors, pour une amélioration de 20% du taux de couverture du dépistage (de 61,5%  à 80%), de 3000 à 2100 d’incidence et de 1000 à 700 décès (soit 300 décès de moins par an à 10 ans, c’est l’objectif !). Si on passait à 100% de couverture, donc 20% de plus, on aurait une réduction de 90% de l’incidence et des décès. Il n’y aurait plus que 300 cas de cancer par an et 100 décès. De 60 à 80% de taux de couverture on gagne 300 vies, de 80 à 100% on en gagne 600. Cherchez l’erreur !

Reste la vraie vie et ce que l’on dit aux femmes qui nous consultent. Que oui il semble bien établi que le dépistage améliore les chances de ne pas mourir du cancer du col de l’utérus. Que le nouveau test HPV sera plus simple, moins fréquent et plus efficace mais que, bien que recommandé après 30 ans, il n’est pas remboursé. Que si se faire examiner les gêne l’auto prélèvement arrive et les aidera. Que si on trouve quelque chose au test il faudra vérifier (souvent ce n’est rien) puis agir avec des conséquences pas toujours agréables mais souvent nécessaires. Qu’on ne peut pas leur garantir que ça marche 9 fois sur 10 comme on veut bien leur faire croire. Qu’il y a toujours des incertitudes et qu’elles doivent rester en alerte si des signes se manifestent. Que oui c’est chiant / angoissant / de devoir régulièrement vérifier qu’elles n’ont pas le cancer, etc. 

Et ça c’est pas l’INCa qui va nous aider à le faire, à trouver le ton et les mots justes, à entendre le non dit, à partager une information solide, pas magique.

 

(1) Avec la répétition des frottis cette faible sensibilité nous dit-on est en partie contournée. Par ailleurs on sait que le test HPV présente une meilleure sensibilité que le frottis (il y a plus de chance de détecter le cancer avec ce test). Mais il n’est pas remboursé par l’Assurance Maladie. L’INCa ne peut donc décemment pas le mettre comme référence dans le plan de dépistage organisé. Alors que la HAS elle même recommande dorénavant le test HPV à partir de 30 ans. Qui bougera en premier ?

(2) il meurt 290.000 femmes par an en France, juste pour situer l’importance du programme de dépistage organisé dans un contexte plus général.

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Amgen sans gêne

Ils n’ont vraiment aucune pudeur ces laboratoires pharmaceutiques. Du moment que ça les arrange. C’est bien joli mais moi ça me dérange.

Une campagne de communication financée par AMGEN, laboratoire pharmaceutique producteur de l’evolocumab, un médicament anti cholestérol de nouvelle génération, nous assène depuis quelques jours des annonces vidéo qui m’agacent singulièrement. (Ces vidéos ne sont pas signées Amgen mais d’un obscur @Alliancecoeur dont le site Prenons le à coeur est © 2018 Amgen Inc. Ça va, la piste n’est pas difficile à remonter.)

Ces vidéos représentent une variante du disease mongering, cette pratique courante des laboratoires pharmaceutiques qui consiste à communiquer sur une définition de nouvelle maladie de manière à mieux vendre un traitement dont ils possèdent la propriété. Lisez @docdu16 pour une bonne compréhension du concept. La variante présentée ici consiste non pas à promouvoir une pathologie mais à promouvoir une cause de maladie : l’excès de cholestérol qui devient, sous la plume d’Amgen, un (le?) facteur de risque majeur d’accidents cardiaques et cérébraux.

Dénonciation de la campagne de Pfizer en 2003 dans la revue Prescrire

En 2003 une campagne similaire mais plus violente (dont l’illustration principal était le pied d’un cadavre dans une morgue) avait été dénoncée par les Docteurs Christian Lehmann et Martin Winckler ce qui avait valu à ce dernier d’être viré de France Inter grâce au lobbying du Leem

Décryptage de la communication

Comme toujours en ce domaine, il faut dire sans dire, suggérer sans affirmer. Le discours est inattaquable alors que ce qu’il laisse entendre est faux mais bien dans l’intérêt du sponsor cela va de soi.

Chacune des trois vidéos qui circulent “sponsorisées” sur Twitter est bâtie sur le même principe.Un scène pleine d’émotion soutenue par une expression forte (p. ex. “le coup de foudre”), le mot fort de cette expression étant ensuite reprise dans une formule choc (“120.000 français seront foudroyés cette année…”) le tout se terminant par l’annonce de l’infâme coupable, j’ai nommé l’excès de cholestérol. Bien sûr on ne précise pas que le “sponsor” fabrique un médicament anti cholestérol et encore moins que ce médicament est indiqué dans des situations particulièrement rares parce que ce n’est pas le but. Le but est que les gens fassent doser leur cholestérol, flippent et se fassent prescrire par la suite le médicament qui les délivrera du mal. Amgen sera au rendez-vous mais pas tout seul car il y a beaucoup d’autres médicaments vendus comme tels, c’est le risque de ce type de campagne. C’est aussi pour cela qu’il faut taper fort, très fort. En l’occurrence, ici on ne lésine pas : le cholestérol est rendu coupable de tous les accidents cardiaques et cérébraux ou presque. Voici comment.

Vidéo 1 / Au restaurant

  • image 1 : deux mains (d’un certain âge) s’entrelacent au-dessus d’une nappe
  • message 1 en superposition : En France on croit au coup de foudre
  • image 2 : la main de la femme lâche brutalement la main de l’homme (c’est un couple hétérosexuel), s’agrippe à la table, s’arrête de bouger.
  • message 2 en superposition : 120.000 français seront foudroyés par un infarctus cette année
  • message 3 plein écran sans cinéma :  L’excès de cholestérol : un facteur de risque majeur d’accidents cardiaques et cérébraux
  • message 4 plein écran sans cinéma : Le cholestérol, prenons le à cœur + adresse du site créé par Amgen pour la campagne.

La définition du dictionnaire est limpide : Foudroyer  Tuer quelqu’un brutalement (d’un coup de feu) : Une rafale de mitraillette l’a foudroyé sur le trottoir.

Si je dis que l’infarctus foudroie 120.000 personnes par an je dis bien l’infarctus tue 120.000 personnes par an. Il n’y a pas de doute. C’est ce qu’on entend. Je n’ai pas dit tué certes mais l’idée est claire. Je le dis sans le dire. Et voilà. (Vous noterez que j’ai légèrement modifié l’expression. Je n’ai pas dit 120.000 français mais 120.000 personnes. Et oui l’infarctus n’atteint pas que les français. Pourquoi Amgen parle de français et pas de personnes ? C’est extraordinairement bizarre mais je ne m’étendrai pas.)

Sur le site Santé Publique France (on ne fait pas plus officiel) l’infarctus tue 15.000 personnes par an (en 2013) contre 120.000 morts annoncés dans cette vidéo. Vous avez dit exagéré ?

Ajoutons, mais le lecteur l’avait remarqué, que bien qu’il y ait de nombreux (et globalement plus importants) facteurs de risque d’infarctus que le cholestérol, on ne parle que de lui. Que fait-on du tabac, de l’hypertension artérielle, du sexe, de l’âge, du diabète, de la sédentarité, de l’obésité, du stress, de la malbouffe, des antécédents familiaux et personnels de maladie coronaire, de l’insuffisance rénale chronique, et j’en oublie sûrement. Foutaises que tout cela. Le vrai, le seul ennemi du cœur et du cerveau, c’est le cholestérol. Circulez y’a rien à voir.

Ce n’est pourtant pas un fléau comme le montre ce tableau qui classe les facteurs de risque. Il arrive en 8ème position. Les autres facteurs sont beaucoup plus importants. Impossible d’évaluer son poids avec précision mais à la louche, en poussant fort, pour un 8ème rang max 10-15% des décès lui sont sans doute attribuables. Donc dans les 1500 à 2500 pour arrondir. On est un peu loin des 120.000 dites-voir.

Allez on passe aux autres vidéos. Ce sera plus court on a déjà dit l’essentiel. Ce qui est amusant ici c’est le décryptage verbal

Vidéo 2 / Danse avec du style

  • Image 1 : gens sympas qui dansent en musique
  • Message 1 en surimpression : En France on a le style dans le sang
  • Image 2 : gros plan sur des mains (dont une paralysée) appartenant à quelqu’un en fauteuil roulant
  • Message 2 : 150.000 français porteront les conséquences d’un AVC cette année
  • message 3 plein écran sans cinéma :  L’excès de cholestérol : un facteur de risque majeur d’accidents cardiaques et cérébraux
  • message 4 plein écran sans cinéma : Le cholestérol, prenons le à coeur + adresse du site créé par Amgen pour la campagne

Ici ce n’est plus le coup de foudre foudroyé mais c’est le sang qui va se répandre dans le cerveau. Ah l’imagination des publicitaires !

Sur les chiffres même principe : il y a 150.000 AVC en France par an, là pas de tricherie sur le nombre. Mais par contre même discussion pour les facteurs de risque. Le cholestérol ne peut être rendu responsable que d’une fraction modeste de ces AVC contrairement à ce que peut laisser penser cette vidéo.

Vidéo 3 / au Stade

  • image 1 : des supporters émus aux larmes devant la France qui joue
  • message 1 en surimpression : En France on aime le foot et ses attaques éclair (vous le sentez venir ?)
  • image 2 : un des ces supporters à la barbe blanche se tient tout à coup la poitrine de sa main droite en grimaçant
  • message 2 en surimpression : 270.000 français en seront victime cette année
  • message 3 plein écran sans cinéma :  L’excès de cholestérol : un facteur de risque majeur d’accidents cardiaques et cérébraux
  • message 4 plein écran sans cinéma : Le cholestérol, prenons le à coeur + adresse du site créé par Amgen pour la campagne

Là on fait très très fort dans le raccourci. On ne dit pas de quoi ces pauvres 270.000 français seront victimes chaque année (j’ai fait l’addition pour vous : 120.000 foudroyés par un infarctus + 150.000 qui portent les conséquences d’un AVC = 270.000. C’est sans doute cela). Et on enchaîne par le message 3 direct : l’excès de cholestérol, etc.Grosso modo 270.000 français seront victime du cholestérol quoi. Mais que fait Amgen ?

Et bien Amgen fait le site de la campagne où on peut oh merveille calculer son risque cardiovasculaire. Bien joué. Alors chers lecteurs, ne reculant devant rien pour la gloire de la science j’ai fait le test, mais en en rajoutant un max. Je suis hypertendu, fumeur, obèse, diabétique, j’ai trop de cholestérol, je ne fait pas d’activité physique et je bouffe comme un malade. Et oh surprise, voici ce que ,me conseille Amgen (en invoquant au passage la Haute Autorité de la Santé, bigre !)

Au regard des informations que vous nous avez fournies, vous semblez présenter un ou plusieurs facteurs de risque d’accident cardiaque ou cérébral. Sachez qu’il est recommandé par la Haute Autorité de Santé de faire un suivi régulier de son taux de cholestérol. Plus on a de facteurs de risque, plus on est exposé à faire un accident cardiaque ou cérébral. Leur contrôle réduit considérablement la probabilité de faire un accident. Vous pouvez pour cela contacter votre médecin

Je ne commenterai pas, ça commence à me fatiguer. Je préfère vous recommander de lire cet avis du CNGE qui résume admirablement le problème.

Parce que oui j’en ai ras le bol de ces conneries de campagnes débiles qui incrustent des idées fausses dans la tête des gens. Et après de ne plus pouvoir parler des vrais problèmes avec mes patients. De les amener sur les vrais sujets. De les aider / accompagner à faire les changements vraiments importants pour eux. De les aider à hiérarchiser. Bref ils me pourrissent la vie et n’arrangent pas celle de mes patients. Voilà je suis véner. Je voulais le dire. Ça me soulage.

Lettre ouverte au Dr Bouet, président du CNOM

Monsieur le Président, cher Confrère,

J’ai lu cette semaine votre interview menaçante titrée “Des médecins ne peuvent pas jeter le trouble, les vaccins sauvent des vies” parue dans Le Généraliste (le fameux leader des News Magazines de la Presse Médicale).

Vous y expliquez que les opinions émises par des médecins et ne reposant pas sur des faits scientifiques pourront être l’objet de poursuites pour infraction déontologique.

Je voudrais d’abord vous parler de la question des faits scientifiques. Contrairement à l’idée qu’on s’en fait, les faits scientifiques peuvent être fragiles et les faits non scientifiques parfois solides.

La médecine est politique, pas seulement scientifique, les fameuses données de la science sont souvent sujettes à caution, manipulées par des intérêts financiers immenses. Par exemple je ne lis jamais Le Généraliste ni les autres journaux du même groupe de presse financés par la publicité pharmaceutique et appartenant aux Mutuelles Nationales Hospitalières : sous des apparences scientifiques, leur information qui doit convenir à leurs annonceurs et à leur actionnaire est bien trop suspecte. Les “faits scientifiques” sont régulièrement remis en cause par de nouvelles études, ce qui était une évidence hier (p. ex. coucher les nourrissons sur le ventre) est une idiotie aujourd’hui. La science change. Je vous invite à ce sujet à lire l’excellent ouvrage Ending Medical Reversal de Vinayak Prasad – malheureusement non traduit en français – vous y trouverez de multiples exemples de faits scientifiques qui s’avèrent finalement être faux. Enfin nombre de faits scientifiques ne sont tout simplement pas disponibles parce qu’il n’y a pas assez de temps, d’argent ou de volonté politique pour étudier tout ce qui devrait l’être de manière scientifique. Un exemple récent, fracassant, avec l’étude ORBITA qui a montré que la pose de stent dans l’angor stable pratiquée depuis des lustres dans le monde entier, reposait non pas sur des faits scientifiques mais sur une “logique” de plomberie.

Et puis il y a des faits non scientifiques qui ont pignon sur rue et que vous tolérez sans mal. Ne reposant sur aucune base scientifique, ne bénéficiant d’aucune étude scientifique démontrant un quelconque effet au delà du placebo, amenant des patients atteints de maladies graves à ne pas se traiter sérieusement, remboursée à prix d’or par la collectivité, l’homéopathie est un des grands scandales médicaux de notre époque. Un très grand nombre de confrères la pratiquent, de nombreux pharmaciens vendent des soi-disant vaccins anti grippaux homéopathiques et tout continue de rouler sans problème, sans intervention des Ordres pour non actions basées sur des faits contre scientifiques..

Dans ce contexte, lire que l’on risque d’être poursuivi pour exprimer des opinions qui ne reposent pas sur des faits scientifiques laisse rêveur (dans le meilleur des cas) et interpelle : comment fixerez-vous les limites des “infractions déontologiques” ? Quels seront les sujets sur lesquels vous serez particulièrement vigilant ?

Mais venons-en au fond.

C’est sans doute l’exercice imposé de l’interview qui vous amène à asséner avec force des messages raccourcis, faisant ainsi passer une idée frappante sans faire dans la dentelle. Je le conçois. Mais n’allez-vous pas un peu loin ?

Vous nous dites : “la vaccination est ce qui protège le mieux l’individu et la collectivité d’un risque majeur”. Est-ce un fait scientifique ?

Je ne sais pas ce que vous entendez par “La vaccination” mais dans le contexte j’imagine que vous faites référence aux futurs 11 vaccins obligatoires et à leur application en France. Sinon on ne sait plus de quoi on parle. Par contre j’ai du mal à comprendre ce que vous entendez par “un risque majeur”. Je ne veux pas m’éloigner du sujet mais à mon sens le risque majeur auquel les individus et la collectivité font face actuellement est celui du réchauffement climatique. Je ne vous ferai pas l’injure de laisser à penser que “La” vaccination nous protège contre cela. Il doit s’agir d’autre chose. Quels sont donc les risques médicaux majeurs qui menacent un individu né en France ? Citons-en quelques uns qui représentent ensemble plusieurs centaines de milliers de morts prématurées par an : le tabac, la malbouffe et l’obésité, l’alcool, la sédentarité, les accidents de la route, les cancers… Voilà des risques médicaux majeurs qui justifient certainement des politiques de santé publique.

Mais de quels risques majeurs parle-t-on quand il s’agit des vaccins obligatoires ? Dix morts de la rougeole (regrettables) en dix ans est-ce un risque majeur ? Craint-on une épidémie majeure d’hépatite B, de coqueluche ou d’oreillons ?

Ce qui protège le mieux nos populations non soignantes contre l’hépatite B n’est-ce pas l’usage du préservatif et de seringues à usage unique (d’autant que ça protège de plein d’autre choses pour lesquelles on n’a pas de vaccin) ?

Ce qui protège le mieux les collectivités contre la grippe ne sont-ce pas les mesures barrières, beaucoup plus qu’un vaccin peu voire pas efficace.

Ce qui protège le mieux contre la méningite n’est-ce pas l’isolement et le traitement du sujet atteint et le traitement antibiotique de ses contacts parce que comme vous le savez, le vaccin est loin d’être 100% efficace.

Et puis vous le savez aussi, on a beau être vacciné on peut quand même attraper la coqueluche ou les oreillons.

Pas de risque majeur donc, pas toujours la meilleure protection ensuite, que reste-t-il de votre assertion ?

Continuons.

Vous nous dites : “Créer l’obligation pour ces vaccins dont nous savons qu’ils protègent et sauvent des vies est une action de santé publique”.

Ceci est faux pour deux raisons très simples que vous connaissez aussi bien que moi : d’une part les maladies contre lesquelles nous protègent (de manière variable) ces vaccins ne posent pas actuellement de problème de santé publique, d’autre part ces vaccins sont largement dispensés et le taux de couverture ne cesse d’augmenter. Il n’y a aucune raison de les rendre obligatoire. C’est pourtant ce que vous souhaitez et, si comme vous le dites (et je veux bien vous croire), vous n’êtes ni “à genoux devant le gouvernement”, ni “à la solde des laboratoires”, d’où vous vient cette étrange position ?

Passé ces généralités vous en venez à la dramatisation, l’argument contre lequel on ne peut rien : le risque d’épidémie d’encéphalite rougeoleuse ! Ah le méchant médecin qui serait contre l’obligation vaccinale et qui déclencherait une épidémie catastrophique chez nos chères petites têtes blondes. Sûr qu’à celui là on doit lui jeter l’opprobre. Mais je m’interroge. Il n’y a eu aucune épidémie d’encéphalite rougeoleuse depuis des temps quasi immémoriaux sans que le vaccin anti rougeoleux ne soit obligatoire. Alors expliquez moi un peu en quoi le rendre obligatoire va améliorer les choses ? Parce que moi je ne vois pas. Je vois juste que l’on essaye de me faire peur.

Je vous passe la loi Kouchner et le consentement du patient. Cela vous ne l’évoquez pas alors qu’il s’agit d’une question centrale et déontologique. Elle ne semble pas vous préoccuper plus que ça. Parce que l’obligation est ce qui vous motive, ce qui vous fait vibrer. Allez rendons également obligatoire la vaccination antigrippale chez tous les soignants nous dites vous. Alors qu’aucune étude (scientifique) n’en démontre l’efficacité, alors que ce vaccin a une efficacité au mieux modeste et qu’en aucun cas c’est ce qui protégera “le mieux” les patients (les mesures barrière par contre si mais à quoi bon en parler…).

Avec quelques confrères nous nous sommes adressés aux députés pour leur faire part de notre opposition à l’extension de l’obligation vaccinale. Vous y retrouverez nombre d’arguments et de “faits scientifiques”, pas de dramatisation, de généralisation ni de slogan choc.

Pour ma part je reste choqué (le mot est faible) que vous nous adressiez un discours aussi simpliste, aussi peu argumenté et aussi menaçant. Vous vous situez dans une époque que l’on avait cru à tort révolue, une époque où tout est bon pour asseoir son pouvoir : mentir, menacer, effrayer, contraindre. Moi le pouvoir ne m’intéresse en aucune manière. Je souhaite juste exercer mon métier avec lucidité, curiosité, empathie et si possible intelligence. Vous ne m’y aidez pas.

Permettez-moi de vous adresser, Monsieur le Président, cher Confrère, l’expression de mes meilleurs sentiments.

PS : il n’y a pas que moi que votre interview a interloqué.

Sans tous mes sentiments

exuberanceIl y a les patients détestables, les patients adorables,
Il y a les patients désagréables, les patients hautains, les patients amicaux,
Il y a les enfants souriants, espiègles,
Il y a les enfants insupportables,
Il y a les enfants qui souffrent,
Il y a les beaux, les belles, les moches, les déglingués,
Il y a les fous attachants, les fous rigolos, les fous pathétiques,
Il y a les situations sociales désespérantes, les situations médicales sordides,
Il y a les maltraités, les bien traités,
Il y a les situations à pleurer, les gens qui pleurent, ceux qui rient à nouveau,
Il y a les vieux méchants, les vieux magnifiques, les jeunes vieux,
Il y a toutes les variétés possibles entre ces “il y a”, toute cette diversité de femmes, d’hommes, de corps, de personnalités, d’origines, d’histoires, de détresses, d’angoisses, de souffrances, d’accomplissements, d’espoirs.

Et il y a toi, le médecin généraliste, qui doit trouver à chaque fois l’attitude juste, l’écoute et les explications qui conviennent, la bonne distance, qui doit arriver à discerner entre les mots, entre les signes, à réfléchir avec justesse, à guider, à gérer l’incertitude, avec bienveillance et empathie.

Sans jamais laisser grandir tes sentiments, sans jamais te laisser influencer par un quelconque jugement.

Et ce n’est pas toujours facile.

Illustration Paul Klee, Übermut, (Exubérance), 1939

Comment l’INCa prend les MG pour des cons

Je le sais, la question intéressante c’est : pourquoi l’institut national du cancer prend-il les médecins généralistes pour des cons ? Je ne sais pas y répondre mais si vous avez des idées les commentaires sont ouverts.

Je me contenterai donc de répondre à la première au travers d’un bref commentaire critique de l’opuscule dont l’INCa fait actuellement la promotion auprès des médecins généralistes ((bornés)) et que l’on peut retrouver ici et où on nous demande « Ce document doit être cité comme suit : © Cancers du sein /du diagnostic au suivi, INCa, novembre 2016. » C’est fait.

Il est également indiqué que cette plaquette est destinée à aider les ((cons de)) MG dans leur pratique en cancérologie. Et ce à partir de “bonnes” pratiques, etc. qu’il entre dans le cadre d’une collection “Outils pour la pratique” à destination des ((connards de)) médecins généralistes. Enfin on nous averti : Les informations figurant dans ce document peuvent être réutilisées dès lors que : (1) leur réutilisation entre dans le champ d’application de la loi N°78- 753 du 17 juillet 1978 ; (2) ces informations ne sont pas altérées et leur sens dénaturé ; (3) leur source et la date de leur dernière mise à jour sont mentionnées. (c’est moi qui souligne)

Je traduis : La parole sacrée de l’INCa ne peut être dénaturée sous peine de se faire déporter sur les rives du lac Titicaca. Ce qui figure dans ce minuscule opuscule est parole divine.

Dénaturons

Deux notions sont absentes de cet opuscule (si si cherchez bien vous verrez) : celles de surdiagnostic et de celle de surtraitement. Je ne ferai pas l’affront à mes lecteurs de penser qu’ils ignorent ces concepts qui sont au centre de la problématique du dépistage organisé du cancer du sein. De multiples articles, études, billets de blog etc. y ont été consacrés (plein de références ici). Mais en novembre 2016 l’Inca considère que les MG sont tellement cons, qu’ils ne sont tellement pas au courant de l’importance de ces questions qu’il suffit de ne pas en parler dans un fascicule de référence consacré au diagnostic et au suivi du cancer du sein pour que ces notions disparaissent. La politique de l’autruche comme principe de communication. Le droit divin.

Pourtant ils nous parlent bien de dépistage. Dès le début. Mais c’est uniquement pour indiquer qu’il s’agit d’un des deux facteurs ayant “permis une amélioration de la survie nette à 5 ans”. Et oui, l’INCa en est resté là ! C’est toujours la survie nette à 5 ans qui est LE critère pour évaluer le progrès. Et bien sûr elle s’est améliorée (ne demandez pas dans quelle proportion d’ailleurs ce n’est pas une donnée que l’on va donner aux ploucs). Grâce aux progrès thérapeutiques et au dépistage on est maintenant à 87% de survie nette à 5 ans. Avalez ça les idiots et digérez bien. Le Lead Time Bias ou biais d’avance au diagnostic ça n’existe pas. Alors même que l’étude (à laquelle participe l’INCa) citée dans l’opuscule en parle de manière précise : « par exemple, pour le cancer de la prostate, l’amélioration majeure de la survie nette standardisée, passée de 72 % à 5 ans pour les cas diagnostiqués en 1989-1993, à 94 % pour ceux diagnostiqués en 2005-2010, est principalement due à l’avance au diagnostic du fait du dépistage individuel par le dosage de l’antigène spécifique de la prostate (PSA) à partir des années 1990. Ce phénomène d’avance au diagnostic peut aussi expliquer en partie les améliorations de la survie pour toutes les autres localisations mentionnées précédemment (étude que l’on peut télécharger ici ).

Mais on ne va pas embêter ces zozos de MG avec des notions aussi complexes. Censurons, seul le progrès fait foi ! Pour rappel, le schéma qui explique ce biais et que je permet à l’INCa d’utiliser, mais sans le dénaturer SVP.

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Passons sur l’énumération des facteurs de risque (Âge, ATCD familiaux, ATCD de radiothérapie thoracique d’abord, surpoids et obésité, durée de l’exposition aux hormones – on ne nous précise pas lesquelles – tabagisme et consommation d’alcool ensuite). Elle me semble correcte. Notons l’incise sur la clope qui est mauvaise mauvaise pour le cancer du sein. Je n’ai pas les données pour vérifier les chiffres, je note juste que quand on me dit “un fumeur aura 80% plus de chances d’arrêter s’il reçoit l’aide d’un professionnel de santé” je préfèrerais des chiffres en valeur absolue, mais ne demandons pas la lune.

Enfin on nous explique sans sourciller que 90% des cancers du sein sont découverts grâce au dépistage (alors qu’ils sont asymptomatiques) et 10% parce qu’ils sont symptomatiques (en local ou en métastase). J’ai beau regarder l’ensemble des références bibliographiques fournies et faire des recherches : pas moyen de voir d’où sort ce chiffre.

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Ce dépistage dont on nous cause ne peut pas être le dépistage “organisé” (auquel seules 52% des femmes de 50 à 74 ans participent, voir ici). En effet le dépistage organisé ne permet de détecter “que” 15 000 cancers du sein par an (chiffres retrouvés dans une étude HAS page 72) sur un total de 54 000 nouveau cas par an, (chiffres du fascicule) soit 27%. Manque 63%.

img_2057L’Inca a beau nous préciser ici que 10% des femmes ciblées par le dépistage ont recours au dépistage individuel, on a encore du mal à comprendre ce que signifie ce chiffre de 90%. Ajoutons que si ce chiffre est vrai, alors il ne faut pas se faire dépister, puisque dans la population non dépistée (population plus grande que l’autre puisqu’aux 48% de femmes de 50 à 74 ans ne participant pas au dépistage s’ajoutent les femmes de moins 50 ans et de plus de 74 ans)  on ne trouve que 10% des cancers du sein.

Spéculation : je trouve dans ce document de l’Inca à destination des professionnels  la phrase suivante : Le dépistage par mammographie permet de détecter, avant tout symptôme, 90 % des cancers du sein”. Serait-ce que le stagiaire a mal compris et transformé la phrase en “90% des cancers du sein sont découverts grâce au dépistage ?”

Je dénature, je dénature…

Voilà, je rêve du jour où ce type d’instance diffusera des informations en place de la propagande. On est en début d’année. N’est-ce pas le moment d’exprimer des vœux ?
PS. J’ai déjà écrit sur le sujet, mais ils m’énervent..

Le bon, la brute et le médecin

La sortie du dernier livre de Martin Winckler jette un pavé dans la mare : des médecins sont des brutes !

Des médecins s’offusquent.

Curieusement ce sont ceux qui, autant que j’en juge au travers de leurs interventions sur Twitter ou sur leurs blogs, sont plutôt des bons. Exaspérés que le bon écrivain leur fasse la morale. Faut dire que la couverture ne fait pas dans la dentelle : Les brutes en blanc. Pourquoi y a-t-il tant de médecins maltraitants ?

Difficile de ne pas se sentir visé.

La maltraitance médicale existe et elle peut être sérieuse. De nombreux témoignages le montrent. N’importe quel médecin a déjà entendu dans son cabinet des récits terrifiants de patients.tes en pleurs racontant comment, à la difficulté de leur condition, s’était ajoutée un certain niveau de maltraitance. Dans les situations de fragilité engendrées par la souffrance, il suffit de pas grand chose pour tout faire basculer. Une absence d’écoute, un mot de trop. De la véritable brute au “bon” médecin il n’y a parfois qu’un pas. Bon. On a pigé et pour ce qui me concerne pas besoin pour le moment d’un nième tweet ou bouquin.

La question que je me pose est principalement celle-ci : à qui cette croisade peut-elle être utile ?

Je passerai rapidement sur Martin Winckler lui même. Il ne cache pas son  goût de la provocation, il sait communiquer, son titre est percutant, il n’a pas peur des coups et il devrait cartonner. C’est déjà ça.

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Pour les patients qui ont ou ont eu des expériences douloureuses avec des médecins maltraitants ? Voir qu’ils ne sont pas seuls, qu’il ne sont pas coupables de ce qui leur est arrivé, etc. peut sans doute apporter certain réconfort. Ou accroître leur acrimonie ce qui ne serait pas très utile.

Pour les patients, très nombreux, confiants dans leur médecin de famille ? J’en doute et je doute qu’ils lisent le livre.

Pour les médecins visés ? Sûrement pas. Un médecin (ou n’importe qui d’ailleurs) réellement brutal n’a aucune chance de changer en lisant un livre et je pense aucune chance de lire un livre sur le sujet.

Pour les médecins attentifs au ressenti de leurs patients, à l’écoute ? Cela pourra peut-être leur apporter des éléments de réflexion, les aider à cheminer, mais liront-ils le livre. La brutalité de sa couverture risque de les en dissuader si j’en crois les réactions lues ce jour sur Twitter. Moi je n’en ai pas envie

Les étudiants en médecine ? Je pense qu’il est utile pour eux de lire un peu de Winckler. Pas besoin de tout lire, le message se répète. Mais Il est important de comprendre par quels mécanismes on peut être maltraitant parce que ce n’est pas toujours évident et qu’on peut maltraiter en toute mauvaise connaissance de cause.

Les gens qui se méfient des médecins ? Cela ne risque que de renforcer leur méfiance.

Ca ne laisse pas beaucoup de monde.

Et ça m’attriste parce que comme d’autre médecins j’ai beaucoup appris à lire Winckler. Mais désolé Martin, je n’en ai plus envie.