« L’ennemi est bête. Il croit que c’est nous l’ennemi alors que c’est lui » – Pierre Desproges
Cela a commencé par un Tweet de @MartinWinckler (Marc Zaffran) avec un lien vers une émission de radio dans laquelle il parlait du livre Le grand Mythe du cholestérol de Sinatra et Bowden dont il a écrit la préface. Comme c’était un de mes sujets de travail, j’écoute. Et là j’apprends que le cholestérol n’est pas l’ennemi que je croyais, que c’est au plus un tout petit facteur de risque cardio-vasculaire, que chez quelqu’un en bonne santé et sans facteurs de risque connus (hypertension artérielle non corrigée, tabagisme ou diabète) il n’est pas nécessaire de le doser, que le sucre dans l’alimentation est bien plus toxique que la graisse, que les statines peuvent être utiles pour les hommes ayant de lourds facteurs de risques et en prévention secondaire seulement mais pas plus… Bref, je tombe de haut parce que dans mon livre de médecine générale de référence (100 situations clés en médecine générale de Schlienger), on me dit : « la prise en charge de l’hypercholestérolémie est primordiale », « les moyens d’intervention comprennent un changement de style de vie et surtout un traitement médicamenteux par les statines », « le choix de la molécule doit être en cohérence avec le % de réduction du LDL Cholestérol souhaité » , « le rapport bénéfice/risque des statines est remarquable », etc. Bref tout le contraire.
Alors moi je fait comment pour savoir la vérité ? Ce n’est pas déjà assez difficile de se mettre tout ce qu’il faut dans la tête, il faut en plus décider qui a raison ! En tous cas impossible d’en rester là.
J’ai commencé par acheter la version anglaise du livre en question, The Great Myth of Cholesterol..., en anglais pas pour frimer mais parce qu’elle était disponible de suite sur la boutique Kindle (avec 635 / 662 commentaires de 4 ou 5 étoiles, ça impressionne favorablement). J’ai été un peu gêné parce que l’un des auteurs (Sinatra, mais pas le Franck), a carrément un onglet Shop sur son site où il vend les compléments qu’il décrit dans son bouquin comme très utiles pour prévenir les maladies cardio-vasculaires. Petit coup de Tweet à @MartinWinckler qui me répond « Le livre est sérieux (les études citées aussi). Après, si Sinatra est un marchand de tapis… (enfin, de pilules…)« . Comme il y a environ 275 articles et études de cités dans le bouquin, je ne me suis pas senti capable de les évaluer. En tous cas ça faisait plus de sources et d’étude que dans mon livre où il y en a zéro. Alors je me suis mis à lire.
Chemin faisant j’ai aussi découvert des sites intéressants qui innocentent le cholestérol, animés par des médecins tout à fait remarquables. La saga du Cholesterol du Dr Dupagne (merci du lien DocDu59), The Cholesterol Myth du Dr Uffe Ravnskof un militant du scepticisme médical ou encore le blog de Michel de Lorgeril très bien fait. Si vous voulez creuser commencez par le Dupagne qui raconte l’histoire de cette arnaque depuis le début.
Parce qu’il faut bien le dire : le mythe du risque cardio-vasculaire lié au cholestérol est une arnaque. Je devrais écrire « semble bien être une arnaque » pour me couvrir – qui suis-je moi pauvre étudiant pour me prononcer sur un sujet qui a fait couler tellement plus d’encre et de millions de dollars que la lutte contre l’ebola ? – mais les faits sont là : « nous n’avons pas la preuve que ce cholestérol élevé est la cause de ce risque cardiovasculaire augmenté » (Dr Dupagne).
Voici comment Sinatra et Bowden innocentent le Cholestérol. Je fais court.
D’abord il faut savoir que le cholestérol est INDISPENSABLE et qu’on ne peut pas fonctionner sans. Ensuite qu’il est fabriqué surtout par le foie et que l’alimentation n’a que peu d’incidence sur son niveau. Si on en mange moins le foie en fabrique plus et lycée de Versailles.
Dans la genèse des troubles cardio-vasculaires, l’inflammation est au centre du problème. Lorsqu’il est oxydé, le cholestérol (essentiellement le LDL-B, une très faible fraction du LDL cholestérol) se colle à l’endothélium artériel (la membrane qui tapisse l’intérieur des artères) et provoque un processus inflammatoire dont la poursuite va entraîner la formation de la plaque d’athérome. Et comment qu’il s’oxyde le LDL-B demandent ceux qui suivent ? Par l’action des radicaux libres. Et les radicaux libres il y en a plus quand on fume, quand on est soumis à des insecticides, à une exposition trop importante au soleil, quand on est stressé, dans certains aliments, certains médicaments, par la pollution. La quantité de cholestérol ne joue pas. C’est l’oxydation par les radicaux libres qui joue et finalement entraîne l’inflammation ennemie.
A cela s’ajoute le sucre. Et le sucre, comment qu’il nuit donc, lui, demanda t-on ?
Un effet très important de l’excès de consommation de sucres est la création d’une insulino-résistance c’est-à-dire que les cellules musculaires d’abord, les cellules adipeuses ensuite (qui normalement absorbent le sucre sous l’effet de l’insuline) ne l’absorbent plus aussi bien. Les conséquences sont dramatiques d’un triple point de vue : effet hypertenseur de l’hyper insulinémie (effet vasopresseur et rétention sodée), effet diabétogène par la résistance à l’insuline et effet pro inflammatoire – qui vient renforcer le mécanisme vu plus haut. A quoi s’ajoute une baisse du HDL Cholestérol, une augmentation des triglycérides et une obésité (grâce au sucre en trop qui a été stocké dans les cellules adipeuses). Vous suivez ? Moi j’essaye !
Juste comme ça en passant : Si on nourrit des humains avec une dose quotidienne de fructose égale à la quantité contenue dans 8 à 10 sodas on induit une insulino-résistance avec élévation des triglycérides en quelques jours !
Mais il ne fait pas que ça le sucre, il fait aussi la glycation : quand il y a excès de sucre (ce qui se produit en cas d’insulino-résistance), des molécules de sucre se collent aux protéines et forment les AGEs (Advanced Glycation End Products). Et ces AGEs, par tout un tas de mécanismes détestables que je renonce à comprendre, bouchent les capillaires aux plus mauvais endroits (oeil, rein, pied). Sans compter qu’elles déglinguent le LDL cholesterol et contribuent ainsi au processus inflammatoire vu plus haut.
On a donc un triple effet kiss cool sur le mécanisme inflammatoire au niveau de l’endothélium artériel : l’oxydation par les radicaux libres du LDL-B, l’inflammation due à l’insulino-résistance et celle due à la dégradation du LDL par les AGEs. Mais aucun effet direct du cholestérol.
Pour ceusses et celles qui ont appris le diabète et le syndrome métabolique et tout ça, il ne devrait pas y avoir beaucoup de surprises à cette lecture. Sauf l’ordre des choses. Et c’est là que je saute au plafond : le coupable initial ce n’est pas le cholestérol mais le sucre, et le sucre est devenu d’autant plus coupable qu’il a remplacé la graisse dans l’alimentation. Particulièrement aux USA je vous l’accorde mais pas que, il n’y a qu’à aller au comptoir de vente de sucreries d’un multiplex un soir de blockbuster pour être impressionné.
Je la refait : on a incriminé le malheureux cholestérol (qui est pourtant fort utile) dans la genèse des troubles cardio-vasculaires. On a obligé de millions de gens à faire des régimes sans graisse. Du coup il ont mangé beaucoup de sucres, d’autant plus que les industriels ont développés des plats « sans cholestérol » mais pleins de sucre. On a même inventé les statines pour faire baisser le cholestérol et on les a fait avaler à des millions de gens pour rien, sauf pour des effets secondaires gratinés. A coup de plats sucrés, de boissons sucrées (les sodas bien sûr mais aussi les jus de fruits qui sont tout aussi toxiques, sous un air parfaitement innocent…) de viennoiseries et de snacks on a fabriqué une vaste population obèse, insulino résistante et à haut risque cardio-vasculaire. Tout à l’envers quoi.
A vrai dire j’arrive même pas à croire ce que j’écris.
Bon vous saviez peut-être tout ça déjà parce que vous êtes dedans depuis un moment. Où peut-être pas. Alors lisez le bouquin, lisez les blogs, lisez les études et dites-moi ce que vous en pensez. Parce que moi, perso, ça me perturbe.