« Jamais des granules n’ont empêché quiconque de bander »

Alors que l’entrée en bourse de son entreprise promet d’être retentissante, Les Rumeurs publie une interview exclusive et fracassante de Ferdinand Poireau, le Fondateur Dirigeant Principal Actionnaire des Laboratoires Poireau.

LR – Une croissance à deux chiffres depuis 10 ans, un bénéfice digne des GAFA, une capitalisation boursière qui pourrait atteindre le milliard d’euros dès la première cote, quels sont les ingrédients du succès des Laboratoires Poireau ?

FP – Notre succès tient en trois points très simples : un positionnement marketing en béton armé (le fonctionnement de nos médicaments repose sur de la croyance et non pas sur des faits scientifiques), un business model générant une rentabilité exceptionnelle (nous n’avons à financer ni R&D ni études de validation d’efficacité de nos médicaments) et enfin une culture d’entreprise, un ADN puissant qui assure une cohésion incroyable à la société. Investir aujourd’hui dans les Laboratoires Poireau c’est miser sur une tendance lourde : les croyances seront toujours plus fortes que les faits.

LR – Pouvez-vous détailler le fonctionnement de la croyance en vos médicaments ?

FP – la croyance en nos médicaments tient en trois points très simples : premièrement ils n’ont en soit aucun effet décelable, c’est le rite qui agit. Le rite de la dilution et du secouage qui rappelle l’alchimie et ses merveilleux secrets, le rite de la dénomination en latin qui évoque des liturgies anciennes, des imprécations sorties de grimoires inconnus, le rite des prises de médicaments avec ses horaires complexes, ses techniques précises (pour sortir les granules du tube par exemple), tout cela est étudié pour crėer une adhésion à l’homéopathie : une approche à la fois ésotérique et sophistiquée pour générer une croyance profonde. Deuxièmement nos médicaments soignent les gens. C’est du moins ce qu’ils croient. Si vous êtes malade, que vous prenez un médicament et que vous guérissez, vous serez convaincu que c’est grâce au médicament, même si ce n’est pas le cas. Prenez par exemple les maladies infantiles courantes. La plupart guérissent toutes seules. Et si vous les soignez avec de l’homéopathie, elles guérissent pareillement. Sauf que là c’est grâce à l’homéopathie. Il ya aura toujours des parents qui voudront soigner leurs enfants malades, qui ne se contenteront pas de surveiller et d’attendre la guérison. Le marché est inépuisable. Enfin, et c’est plus métaphysique, on y croit parce qu’on a envie d’y croire. On a envie de croire qu’il existe des remèdes qui ne sont pas les remèdes officiels mais qui marchent. On a envie de croire en autre chose. On préfère toujours David à Goliath. Ce n’est pas près de changer. Et croyez moi les équipes marketing des laboratoires Poireau sont au taquet sur ces sujets.

LR – vos médicaments n’ont aucun effet décelable ? Pouvez vous nous en dire plus

FP – Je vous répondrai en trois points. Tout d’abord aucune étude n’a montré une quelconque efficacité des médicaments homéopathiques sur le plan scientifique. Ce n’est pas grâce à une efficacité per se que nos médicaments agissent, c’est parce que les gens y croient, nous venons de le voir et parce qu’ils sont indiqués essentiellement pour des pathologies bénignes. Ensuite, et je dois à nos futurs actionnaires cette information capitale : le contenu de tous nos tubes est rigoureusement le même. Il y a bien longtemps que nos équipes méthode ont mis en place cette simplification considérable de nos processus, simplification sans conséquence sur l’efficacité des médicaments on l’aura bien compris, mais fondamentale sur la constitution de la valeur ajoutée de l’entreprise. Enfin, de très nombreux médicaments dit allopathiques n’ont aucune efficacité démontrée et cela ne les empêche pas d’être prescrits et consommés, je pense par exemple aux anti alzheimer qui viennent seulement d’être déremboursés alors qu’on sait de longue date qu’ils sont inefficaces. Et je ne parle pas de ceux qui sont inutilement prescrits en masse comme la vitamine D en prévention des fractures chez les personnes âgées ou les statines en prévention primaire. Il faut bien comprendre que ce n’est pas parce qu’un médicament est inutile ou inefficace qu’il ne peut pas générer de la valeur pour les actionnaires.

LR – A propos de déremboursement, une récente tribune dite des 124 s’est prononcée contre le remboursement des médicaments homéopathiques et a fait beaucoup parler d’elle. Une information inquiétante au moment d’entrer en bourse non ?

FP – Je voudrais rassurer nos actionnaires en trois points très nets. 1) les médicaments homéopathiques sont très bon marché, rien à voir avec par exemple certaines molécules anti cancer dont le prix exorbitant n’a d’égal que la faiblesse des effets. 2) La simplification de notre processus de fabrication nous permet d’envisager des baisses de coût que nous saurons répercuter sur le consommateur. Nous pourrons facilement absorber les 15 à 35% actuellement remboursés sans baisse de marge brute. 3) Enfin et surtout, sur le plan marketing cela constituerait une excellente opportunité : l’homéopathie déremboursée c’est la victoire de l’establishment sur les alternatives douces, c’est une raison de plus de croire en l’homéopathie, victime des lobbies de bigpharma bref c’est un encouragement à se positionner pour l’homéopathie, à la défendre. C’est quand une croyance est attaquée qu’elle retrouve toute sa vigueur.

LR – Pouvez-vous nous parler de vos projets d’investissements ?

FP – Nos projets d’investissements tiennent en un mot : marketing. De ce point de vue nous ne nous distinguons pas vraiment des laboratoires pharmaceutiques allopathiques, l’essentiel du budget de recherche et développement est un budget marketing. Mais l’avantage de l’homéopathie c’est qu’il ne s’agit que de marketing. Comme nos médicaments sont en fait tous le même et qu’il n’ont aucun effet, aucune recherche fondamentale n’est nécessaire pour en trouver de nouveaux, rien ne nous oblige à démontrer leur efficacité. Vous imaginez facilement l’économie considérable que cela représente. Nous pouvons ainsi investir massivement en marketing et nous le faisons selon 3 axes. Un axe produits, un axe communication consommateurs et un axe communication prescripteurs.

C’est principalement pour soutenir ce dernier axe que nous entrons en bourse aujourd’hui. En effet, les facultés de médecine comme toutes les autres sont en permanence à court de budget. Nous allons ainsi développer de très nombreux cofinancements d’actifs (amphithéâtres, bibliothèques…) en échange de l’apposition de notre marque sur l’actif financé. De cette manière le nom de Poireau sera aussi familier aux jeunes générations de médecins que celui de Pasteur, ainsi l’homéopathie figurera aux bases de la formation médicale, fera en quelque sorte partie des murs. Une excellente opportunité pour manipuler les esprits en formation. C’est un projet de long terme, ambitieux et porteur d’avenir.

En développement produit, nous avons dans les tuyaux un anti Alzheimer qui devrait faire date : l’encephalum generatum 9CH. Déjà le nom est très puissant mais surtout son mode de prise est très intéressant : il s’agit de prendre 5 granules toutes les 45 minutes lorsque le patient est éveillé les jours pairs, et toutes les une heure trente les jours impairs. Imaginez la présence de soin, la stimulation cognitive qui en découle, le sentiment de l’entourage de vraiment faire quelque chose, d’agir pour le bien être de leur proche. C’est quand même autre chose que de leur coller un patch de mémentine et d’aller au bureau non ?

LR – Et comment savez-vous que ce traitement marche

FP – C’est très simple, c’est comme pour tous nos nouveaux produits. Si les consommateurs l’achètent, s’il atteint ses objectifs de chiffre d’affaire et de marge brute alors on dit qu’il marche. Sinon on dit qu’il ne marche pas. Le marché sera notre juge de paix. Avouez que c’est autrement plus valide que toutes ces études bidonnées que bigpharma produit pour avoir ses autorisations de mise sur le marché.

LR – Que dites-vous aux détracteurs de l’homéopathie ?

FP – Et bien je leur dis trois choses. La science n’est non seulement pas venue à bout de la religion mais le 21ème siècle montre un retour en force des religions et des croyances de toutes sortes. Nous vivons une époque où la science tient une place immense et pourtant elle n’atténue pas le besoin de religion, de croyance. On ne peut pas briser une croyance puisque celle-ci ne repose pas sur des faits. Alors ils peuvent détracter autant qu’ils veulent, cela ne changera rien.

Ensuite je leur dit qu’ils commencent par balayer devant leur porte. Combien de mėdicaments allopathiques ont une efficacité nulle ou limitée mais des effets indésirables importants et sont prescrits en masse ? Prenez les soit-disant antidépresseurs. On sait très bien qu’ils ne guérissent pas la dépression et qu’ils permettent surtout de mieux supporter la situation en attendant qu’elle s’améliore toute seule. Mais au prix de nombreux effets secondaires comme par exemple des troubles de l’érection. Alors que vous pouvez prendre de l’homéopathie. Elle ne guérira pas non plus la dépression mais elle au moins n’entraînera pas d’effets secondaires. Jamais des granules n’ont empêché quiconque de bander. C’est d’ailleurs une des grandes forces de l’homéopathie : l’absence d’effets secondaires.

Et puis c’est bien joli la science, mais ça change tout le temps. Avant il fallait coucher les bébés sur le ventre, maintenant il faut les coucher sur le dos, avant il fallait mesure le PSA pour dépister le cancer de la prostate maintenant on pense que c’est une connerie, avant on posait des stents sur des angors stables, maintenant on pense que ce n’est pas plus efficace que certains médicaments (mais on continue de poser des stent), etc, etc. Alors qu’avec l’homéopathie rien n’a jamais changé. Ce qui était vrai il y a un siècle est vrai aujourd’hui. Quelle stabilité, quel repos pour l’esprit, quelle assurance pour nos consommateurs !

LR – N’avez-vous pas peur que votre franc-parler induise une méfiance chez vos « consommateurs ». Avouer que vos médicaments contiennent tous les mêmes granules ne risque-t-il pas de déconsidérer vos produits ?

FP – Il n’y a aucun risque et c’est même le contraire. Je vous l’expliquerai en trois points. A) N’importe qui est capable de comprendre qu’une société de notre taille, de notre stature ne peut croître sainement qu’en étant extrêmement rigoureuse dans tous ses processus, que ce soit le marketing, la fabrication des médicaments ou la gestion financière. Il y a donc bien longtemps que nous savons que les dilutions homéopathiques sont tellement gigantesques qu’il n’y a mathématiquement aucune chance pour qu’il reste une molécule dėcelable du composé original dans nos granules. On nous prendrait pour des imbéciles de ne pas le savoir et le reconnaître montre simplement que nous sommes lucides. De même ne pas prendre en compte ce fait dans nos processus de fabrication serait perçu comme absurde, que ce soit par nos consommateurs et plus encore par nos futurs actionnaires. Imaginez un peu que nous réalisions réellement toutes ces dilutions tout en sachant pertinemment que ça ne sert à rien. Soyons raisonnables, supprimons les processus inutiles et donc les coûts superflus, soyons honnêtes avec nous-mêmes et avec nos parties prenantes. Comme je le dit souvent (avec une certaine malice reconnaissons-le), nous ne voulons pas prendre les gens pour des poireaux. B) D’une manière générale il n’y a pas de lien entre les faits et les croyances. Et nous l’avons vu la croyance est le principal moteur de l’homéopathie. C) Enfin je vais sans doute vous choquer mais quasi personne ne lit votre journal. Votre volonté d’essayer d’établir des faits, de lutter contre les fakes news n’intéresse plus personne. Les gens préfèrent se gorger de nouvelles amusantes et fausses sur les réseaux sociaux.

LR – Hum. On accuse parfois l’homéopathie d’être dangereuse, on parle de gens cancéreux qui se soigneraient avec l’homéopathie. Quelle est votre position sur ces sujes ?

FP – Trois points sont à retenir pour bien comprendre. Tout d’abord l’homéopathie ne soigne que des maladies qui guérissent toutes seules. C’est une de ses grandes forces. Nous ne visons que les problèmes bénins, ce qui représente un marché considérable et sans risque. Il est important en effet pour une société comme la nôtre de ne pas courir de risques juridiques en essayant de soigner des maladies qui ne guérissent pas ou très difficilement. Sans compter que nous risquerions de remettre en question la en notre efficacité que les consommateurs nous portent. Ensuite nous ne pouvons être tenus pour responsables de ce que font les consommateurs voire les prescripteurs avec nos produits. Enfin je tiens à le dire, nous n’accomplissons pas de miracles. Nous nous contentons d’adresser un segment de marché bien défini, en forte croissance, dans lequel notre leadeship et notre positionnement permettent à la fois des volumes de ventes en augmentation constante et des économies d’échelle et donc des gains signiticatifs de marge opėrationnelle que, je le confirme au passage, nous saurons transformer en dividendes pour les actionnaires qui nous accorderons leur confiance, notre valeur ajoutée atteignant un niveau de performance inégalé, grâce à la rationalisation de nos processus, la qualité de notre ingénierie financière et la force de nos valeurs fondamentales, de notre ADN. Voilà. J’espère avoir été clair.

PS Cette interview est une oeuvre de fiction. Toute ressemblance avec des personnages ou des sociétés existants ou ayant existé serait purement forfuite.

11 réflexions au sujet de « « Jamais des granules n’ont empêché quiconque de bander » »

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  2. résumons ton article : finalement l’homéopathie c’est super bien! j’ai toujours rêvé d’être un mage.
    J’attends impatiemment leur déremboursement pour les prescrire massivement.
    PS : lol

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  3. 3 points :

    1)J’ai bien ri à certain de tes passages et au total à l’article entier
    2)Sur le ton de l’humour ton article est pourtant sérieux.
    3)Par ce deuxième degré, voire troisième, chacun pourra y lire ce qu’il veut y lire ( même en le prenant au premier degré) et donc voir ce qu’il veut voir et ignorer ce qu’il veut ignorer; du grand art. Bravo

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  4. Do you guys know that a Austrian has cured 1 different cancer types using Garlic ! I just ask you to not tell people that Cannabis cures cancer cause it does not, never did, it heals cancer wounds but not cancer I agree with you on bigpharma & insurance companies but thats only in the usa this bad gluten sensitivity

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  5. Ah ah! j’ai bien ri!
    Un peu jaune quand même car je connais des adeptes de l’homéopathie
    dont je ne dévoilerais pas les noms ici…
    Bravo Doc!

    Philippe

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  6. Dire que l’on pourrait faire la même publication avec l’oncologie qui tue les gens pour rien. Mais si on fait cela, on ne s’attire pas les bravos des commentateurs. Et c’est moins marrant de parler de la médecine qui tue les gens. Aller lire les 2 derniers billets chez périno histoire de vous regarder dans la glace sans fards.

    au temps des nazis, il fallait haïr les juifs, au temps de l’oligarchie, il suffit de taper sur l’homéopathie et les anti-vaccinalistes, cela permet d’oublier les scandales sanitaires et les prescriptions des médecins qui viennent dans les commentaires s’auto-congratuler de penser la même chose.

    Oui, essayer d’expliquer à un homme de 50 ans que le traitement contre son cancer putatif de la prostate va lui faire gagner peut être 1 ans de vie entre 75 et 80 ans et le rendre impuissant pendant les 25 ans avant. C’est sur c’est achement génial, on en ferait presque un billet comique. Mais en vrai, sans le ressort comique du laboratoire ducon ou du médecin diafoirus cela mérite juste des claques.

    Parce que honnêtement, la majorité de ceusses qui viennent écrire un billet sur tel ou tels sujet, ils ont quelle expertise sur le sujet ? je veux dire à part les articles du figaro ou de marianne ? Qui peut pointer sur un article d’un prix nobel de médecine qui tape sur l’homéopatie ? Ou qui a prix nobel de médecine et peux venir nous faire la leçon ?

    L’onanisme de l’entre soi est l’affection la plus répandu et contagieuse du net.

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    • Merci de votre commentaire détaillé et aimable. Je vous invite à lire d’autres articles de mon blog et à les commenter de vos propos nuancés et sympathiques et de ne surtout pas vous gêner pour me faire tous les procès d’intention que vous souhaitez. Cela vous occupera
      Bon vent

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  7. oui mon commentaire est peu aimable. À ma décharge je dirais que nous vivons actuellement une sorte de charge de cavalerie contre l’homéopathie et les sceptiques sur l’obligation vaccinale. Il n’y a pas un blog de médecin qui échappe à ce moutonisme. Même chez zafran/wrinkler pourtant peu affable avec le gros de la profession.

    Alors, lorsque l’on trouve sur les quelques blogs un peu éclairés les même tropismes cela fait régir d’autant plus. D’autant plus que cela attire alors les mêmes types de commentaires du cercle de ceux qui savent, enfin qui pensent savoir.

    Bien entendu on a l’impression qu’en écrivant un petit texte comique on ne pense pas à mal, mais la violence est là tout de même. On retrouve même tous les poncifs en partant de « ca marche pas et on sait » en passant par « je suis une grosse boite qui fait du fric » (boiron c’est 0.5 milliard dans un marché de 1000 milliards). Allez lire le dernier biller de perino et là vous verrez qu’il y a des choses à dénoncer plus importante que les petites granules, mais il n’y a pas grand monde. Dès qu’il faut ramer à contre courant, on trouve peu de rameurs

    Parce que ce texte ‘comique’ piétine tout de même les convictions de certaines personnes. Est-ce que ce piétinement vous semble acceptable puisque vous semblez détenir une forme de vérité et qu’au nom de cette vérité il est acceptable de se moquer ?

    Dire que tout cela est partie d’une tribune de 124 crétins pilotés par un lobby.

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