Ce billet fait suite à
Premier lundi avec Malina
et à Second lundi avec Malina.
et à Recherche systématique des causes de l’asthénie de Malina
Cette fois Malina n’a même pas pris de RV. Elle arrive peu avant le début des consultations et s’assoie dans la salle d’attente, ferme les yeux et somnole. Moi qui était inquiet de ne pas la voir inscrite sur la liste me voilà rassuré. Reste à la caser pour une consultation forcément un peu longue. Heureusement je ne suis pas très chargé.
Elle m’apporte ses résultats de biologie. Ionogramme sanguin normal, légère augmentation du cortisol libre le matin, normal l’après-midi, potassium et chlore urinaire sensiblement inférieurs à la normale. Il n’y a pas d’insuffisance surrénale, c’est déjà un point d’acquis. Je la rassure quant aux examen et lui dit que je demanderai plu tard à mon MSU si nous devons faire d’autres explorations mais que cela ne me semble pas urgent. Je reprend l’interrogatoire.
Je commence par son sommeil. Elle se couche à 22h, et se lève à 5 h après avoir très bien dormi.
mais je ne comprend pas pourquoi je me lève si tôt. Normalement je dors beaucoup, je suis une grosse dormeuse, je fais la sieste avec le petit, etc. Là, à 5 heures, il faut que je me lève. Pendant que mon compagnon et ma fille dorment je fais mes carreaux, ça ne fait pas de bruit. Puis je les réveille, prépare le petit déjeuner puis la petite pour l’école.
Et après vous faites quoi (elle est arrêtée depuis le lundi précédent) ?
Rien. D’habitude je vois mes copines, je sors, je vais faire des courses. Là rien, je reste à la maison et je m’occupe du ménage. Ce matin j’ai passé la serpillière 3 fois. Je comprend pas pourquoi je fais cela, ce n’est pas normal !
De fil en aiguille ma compréhension de la situation s’éclaire : l’asthénie est réactionnelle. Malina dort moins que d’habitude, passe des heures à faire le ménage, ne s’arrête pas une minute… et donc est fatiguée. Le problème est celui de cette suractivité pathologique qui l’épuise. Rapidement elle me fait elle-même le film :
Tout commence au moment de la fugue de son frère, et finalement surtout de son retour et de son indifférence au choc que sa disparition avait pu être pour sa mère et sa sœur. Il faut dire que Malina, sœur aînée, de 10 ans plus âgée que son frère s’est énormément occupée de lui, jouant presque le rôle de mère de substitution, rôle qu’elle n’a peut-être pas totalement abandonné. Elle voit bien le lien entre son ressenti si pénible de l’attitude de son frère et le fait qu’elle s’est mise à faire du ménage compulsivement, au point d’en perdre le sommeil. Elle est tout à fait d’accord pour dire que le nœud du problème est bien là et, maintenant que les analyses de sang sont normales, ne cherche plus à se voiler la face. Son problème n’est pas la fatigue liée à une maladie mais une réaction anormale à un événement certes difficile. Elle prend conscience de la disproportion.
Elle est tout à fait prête à aller voir un psychologue pour se faire aider, répète qu’il faut qu’elle se détache, qu’elle prenne du recul avec sa famille, qu’elle ne prenne pas les choses avec tant d’intensité. Nous convenons qu’elle va le faire de suite, rester en arrêt jusqu’à ses vacances dans 10 jours pour démarrer les premiers RV, et que nous contrôlerons le cortisol un peu élevé dans 1 mois ou deux. Nous sommes tous deux d’accord pour dire que nous avons localisé le problème, correctement décrit la situation. Il est évident qu’aucun pathologie organique ne se cache plus derrière ces symptômes.
Je lui fait remarquer en fin de consultation que nous avons fait un bon bout de chemin en l’espace de ces trois consultations. Elle sourit et acquiesce. C’est d’ailleurs le premier sourire que je lui vois. Je me dis qu’elle sait que moi aussi j’ai fait un bout de chemin avec elle.
Grâce à elle.
PS : La psychothérapie cognitivo-comportementale permettra-t-elle d’aider Malina à résoudre ses questions existentielles ? Nul ne le sait pour le moment.